Le groupe Swissair vole en piqué


Le groupe Swissair vole en piqué


En février de cette année, en abandonnant les commandes, les membres du conseil d’administration de Swissair ne se faisaient plus aucune illusion sur l’état catastrophique de la compagnie d’aviation en faillite virtuelle.

Rémy Pagani

Les fers de lance du néolibéralisme à la Suisse, les Thomas Schmidheiny, membre éminent du Vorort, les Lucas Muhlemann, directeur du Crédit Suisse, les Bénédict Hentsch, banquier et dandy genevois, ont eu l’occasion de démontrer l’échec de leur stratégie de déréglementation, laissant la place à ceux voudraient bien reprendre le flambeau. C’est alors qu’est arrivé Mario Corti pour tenter désespérément de réparer les dégâts. Voici donc le fervent défenseur de la mondialisation, de la privatisation, du moins d’Etat, le pur produit de la transnationale Nestlé. Ironie du sort: aujourd’hui, tous en cœur, ils en appellent à l’Etat providence pour les sauver du désastre.


Un contrôle démocratique sur l’économie


Nous avons dénoncé tant et tant de fois les méfaits de la déréglementation et de la dérégulation de secteurs entiers de l’économie, nous avons montré les processus d’accaparement des richesses à grande échelle que ces phénomènes engendraient, nous avons annoncé les désastres à venir sur l’emploi, sans parler des catastrophes écologiques que l’absence de contrôle démocratique sur cette économie de casino pouvait favoriser. Nous avons aussi dénoncé les inévitables fusions que cette déréglementation amènerait, avec leur cortège de misères au niveau mondial; nous avons pronostiqué le but final consistant à ne laisser qu’une ou deux transnationales dicter au marché leur volonté. Et nous voilà avec un «magnifique» exemple sous les yeux.


Dix mille postes de travail supprimés !


Sur les 71 000 postes de travail que comptait la compagnie dans le monde, au début de cette crise, en prenant en considération l’ensemble des licenciements annoncés en France, en Belgique, aux Etat-Unis et en Suisse, ce ne sont pas loin de 10 000 postes de travail qui ont été sacrifiés en quelques mois sur l’autel du néolibéralisme. Ces postes de travail ne représentent pas un simple chiffre dans une colonne comptable, ce sont des femmes et des hommes en chair et en os, avec leurs enfants à nourrir et à élever. Et si l’on met la situation de ces gens en regard des indemnités substantielles que certains membres du conseil d’administration ont touchées au moment de leur départ, l’injustice du système capitaliste dans lequel nous vivons apparaît une fois de plus de manière criante.


L’Etat providence au secours du capitalisme sauvage


Tous cela, nous le connaissions. Mais, aujourd’hui, une pirouette magistrale vient d’être exécutée sous nos yeux. Ceux-là même qui, depuis dix ans au moins, annoncent leur volonté de casser l’Etat providence, et persistent encore aujourd’hui, ces personnages publics qui ont mis au point une stratégie idéologique et politique redoutable – souvenez-vous du «livre blanc» de David de Pury – se sont réunis le week-end passé en conclave pour supplier le Conseil fédéral d’ouvrir sa bourse. En effet, d’une part, ils ont exigé des autorités une garantie financière pour assurer leurs avions contre les risques de guerre et de terrorisme et, d’autre part, ils ont sollicité une recapitalisation du groupe. A la botte de ces barons de l’économie, le Conseil fédéral a lui aussi tourné casaque. Après 24 heures, il a donné sa garantie financière. Mais attention, «seulement pour quelques jours» a-t-il clamé haut et fort, tout de même gêné aux entournures. Pour la recapitalisation ce n’est qu’une question de jours, un programme alléchant étant en phase d’élaboration.


Une nécessaire mobilisation du personnel


Dans ces conditions nous pourrions nous contenter d’affirmer que les masques sont tombés avec cette nième démonstration des méfaits du capitalisme néolibéral. Mais, malheureusement, la vie est nettement plus compliquée. Il ne suffit pas d’un pamphlet de plus ou d’une prise de position télévisuelle énergique pour faire tomber la citadelle. Et les employés de Swissair ne s’y sont pas trompés. En trois heures de débrayage, ils ont tenté d’inverser la machine. De donner un autre contenu à la nécessaire recapitalisation massive du groupe par le Conseil fédéral et, surtout, par les banques. Tout d’abord, ils veulent imposer, par leur mobilisation, un renflouement du groupe et un abandon pur et simple de la dette par ceux-là même qui ont mis le groupe à genoux. Gageons qu’ils ne ménageront pas leurs efforts pour y parvenir.


C’est dans le quotidien, au coude à coude avec nos collègues de travail, avec nos amis, avec nos camarades qu’un autre avenir doit être construit. Notre lutte pour le socialisme est à ce prix.