Quelles alternatives à la mondialisation malheureuse?
Quelles alternatives
à la mondialisation malheureuse?
Avec plus de 200 000 personnes, Gênes a marqué un sommet du mouvement de protestation contre les effets de la mondialisation capitaliste, de plus en plus malheureuse. Doù la nécessité de renforcer notre engagement pour des alternatives globales.
Après les mobilisations contre la mondialisation capitaliste de cet été à Gênes, on a vu les leaders du PS français embarrassés, obligés de prendre acte de lampleur du mouvement, notamment au sein de la jeunesse. On a aussi entendu et lu encore une fois les différentes déclinaisons de la rengaine selon laquelle il ny aurait pas dalternative au libéralisme et à sa mondialisation, dont le colporteur le plus constant est Alain Minc.
Mondialisation toujours plus malheureuse
Pourtant, trois documents récents infirment les arguments de Minc sur la mondialisation heureuse, tous émanant dorganismes peu suspects de gauchisme:
- Un rapport de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) révèle que «plus de 45% des PMA [pays les moins avancés]ont connu une situation de stagnation ou de régression économique et les trois quarts de leur population vit avec moins de deux dollars par jour (
) Pour les deux tiers des PMA, lendettement extérieur a atteint des niveaux insupportables selon les critères internationaux». Pour la petite histoire, il y a 49 PMA et le premier par ordre alphabétique est lAfghanistan
- Un rapport du la CEPAL (Commission Economique des Nations Unies pour lAmérique Latine et les Caraïbes) rappelle, quen dix ans, lAmérique Latine a connu un accroissement de la pauvreté et quon compte aujourdhui 224 millions de pauvres, dont 90 millions dextrê-mement pauvres, avec moins dun dollar par jour et par personne.
- Amnesty International a décidé dinclure les Droits économiques et sociaux parmi les Droits humains.
Argentine au fond de labîme
Le cas de lArgentine, paradigme des préceptes du libéralisme, est en faillite totale, avec 137 milliards de dollars de dette publique et 80 milliards de dollars de capitaux en fuite. Elle témoigne du fait que la mondialisation capitaliste, cest le chômage et la misère, mais aussi la violence, en réponse aux très fortes tensions sociales (2 morts lors dune manifestation dans la province de Salta, où 56% de la population vit dans la pauvreté, 17% pouvant à peine faire un repas par jour). Cette mondialisation inégalitaire est aussi une mondialisation armée, quil s agisse de mater les révoltéés de la misère, de frapper les manifestant-e-s de Davos, de Göteborg ou de Gênes, ou encore de relancer les affaires des marchands de canons.
Au-delà du marché roi
Ce monde-là nest pas le seul possible. Certains prônent des alternatives visant à humaniser le capitalisme en régulant le marché; dautres appellent à un changement de système, à de nouvelles règles du jeu. Il existe aussi des alternatives partielles, à court terme, comme la taxe Tobin ou lannulation de la dette des pays du tiers-monde. Ces dernières propositions sont communes à toutes/tous, même si dans des perspectives bien différentes.
Pourtant, il ne suffit pas de délégitimer la mondialisation en cours. Cet objectif est déjà atteint pour de larges portions de la société, comme les réactions des différents partis politiques lont montré, au lendemain de Gênes. Mais il sagit aussi de délégitimer lidée selon laquelle la régulation de la mondialisation serait lunique solution à ses excès. Il convient donc darticuler des propositions alternatives qui ouvrent sur un au-delà du marché, en définissant par exemple des biens publics inaliénables (la santé, léducation, leau, lénergie, etc.).
Quelle stratégie pour le renforcement du mouvement?
Pour faire entendre nos propositions, nous devons tirer les leçons de Gênes. Ainsi, nous ne pouvons pas nous engager dans des actions qui impliquent une escalade de la violence: elles mèneraient à léchec certain dans une confrontation directe avec la police ou larmée. Nous ne pouvons non plus envisager de nous retirer de la rue pour ne laisser entendre que la voix de la classe dominante. Nous devons donc élargir et renforcer la mobilisation avec deux considérations en vue: dabord un mouvement qui rassemble un grand nombre de manifestant-e-s est difficile à réprimer, même si les forces de répression peuvent se venger sur une minorité; ensuite, un mouvement qui se généralise et senracine socialement se pose nécessairement la question du pouvoir, celui des salarié-e-s organisé-e-s.
Dans la société capitaliste, la classe dominante a le contrôle des lieux de production de la richesse, mais les travailleuses/eurs peuvent le lui reprendre, en sorganisant collectivement sur leurs lieux de travail. Cest pourquoi, la renaissance du mouvement international des salarié-e-s, notamment syndical, est aujourdhui si cruciale, après Gênes.
- Membre de la LCR-74 (Haute-Savoie) à Annemasse et engagée dans les mobilisations contre la mondialisation néolibérale à Genève.