La religion de la propriété individuelle comme opium des locataires
La religion de la propriété individuelle comme opium des locataires?
Les libéraux genevois ont déposé un bouquet de lois
antifiscales visant à priver le canton de plus de 300 millions
de recettes, en hors doeuvres on a linitiative «Casatax»
des millieux immobiliers.
Pierre Vanek
La commission fiscale du nouveau
Grand Conseil est dores et déjà saisie
de cette initiative «Casatax» lancée
par la Chambre genevoise immobilière
(CGI). Celle-ci vise – plus modestement
– à soustraire une douzaine
de millions de francs aux caisses de la
collectivité, en proposant des abattements
de moitié sur les droits denregistrement
en cas de ventes dimmeubles
«destiné à servir de domicile à
lacquéreur». Comme on est jamais
si bien servi que par soi-même cest
le représentant de la CGI Mark Muller
qui a été auditionné
et qui est
venu en commission la semaine suivante,
avec sa casquette de député libéral
appuyer son projet.
Normaliser Genève
Au-delà du cadeau fait à ceux qui
ont les moyens de sacheter un logement,
au détriment de la majorité des
habitant-locataires, et de la scie libérale
habituelle sur le fait quen perdant
des recettes, la collectivité sy
retrouverait par lattractivité accrue
de Genève pour des contribuables
«intéressants», le discours de fond
des initiants et de leurs appuis politiques
est clair:
Genève serait un cas scandaleux et
anormal puisque le taux de propriétaires
de logements est inférieur à la
moitié du taux fédéral moyen. Or
comme la souligné Mark Muller, à
lheure où les «valeurs de la famille
et de la religion» seffritent, il faut se
battre pour la propriété individuelle,
comme valeur idéologique forte au
centre de notre ordre constitutionnel.
Le salarié-locataire «sassume» enfin
et devient «responsable» sil se transforme
en propriétaire de son logement
dira le député-patron Desplanches.
Le rêve des uns…
Lexposé des motifs de linitiative
est dailleurs dans ce sens parfaitement
totalitaire: «Parmi les rêves que
nous nourrissons tous, devenir propriétaire
de son logement figure en
bonne place.»
Lécologie elle-même, naurait pas
besoin de plus de conscience sociale
collective, mais de plus dindividualisme,
en effet selon Monsieur Muller
son initiative va dans le sens du
«développement durable» puisquun
propriétaire «consacrera bien plus de
soins à lentretien de son logement»,
quil léguera à ses héritiers, que sil
était un vulgaire locataire.
Des locataires contre-nature
Bref, outre laspect antifiscal, et les
problèmes dapplication quelle pose,
mais qui nont guère dintérêt politique,
cette initiative est loccasion
dépanchements idéologiques particulièrement
réactionnaires et nauséabonds
offensants pour la majorité de
travailleuses/eurs du canton, et visant
à présenter les locataires et les
droits que ceux-ci ont conquis ou revendiquent
comme illégitimes et, à
quelque part, contre-nature.
Dans la campagne autour de cet objet,
il faudra que ces gens là trouvent
à qui parler!
Quand on aime on ne compte pas…
A signaler enfin, au passage, quà
été balayée par la droite lidée – évoquée
par daucuns en commission –
que cette subvention à laccession à
la propriété, revendiquée par les libéraux,
pourrait être limitée à des
ventes de «domiciles» pour un montant
plafonné corespondant ax acquisitions
les plus «modestes».
Cette mesure permettrait selon la
logique libérale pourtant prêchée
dans dautres domaines – de «cibler»
la subvention en question sur «ceux
qui en ont vraiment besoin» et déviter
de «soutenir» des gens qui ont largement
les moyens dêtre propriétaires
et qui le sont par ailleurs souvent
déjà, tout en limitant le coût de la mesure
en question.
Mais elle na pas eu lheur de plaire
à ces messieurs-dames. Tous les
montants «maximaux» mentionnés,
dépassant évidemment déjà largement
les moyens de limmense majorité
de la population ont eu droit au
mépris des député-e-s de droite:
«Pensez-donc, On ne trouve rien de
convenable pour ce prix-là!»