Refuser la justice d'exception aux Etats-Unis
Refuser la justice dexception aux Etats-Unis
Les dispositions
anti-terroristes adoptées par ladministration Bush, dans la
foulée des attentats du 11 septembre, font courir un grave péril
aux droits démocratiques aux Etats-Unis et dans le monde. Ces
dispositions sont connues sous le nom de USA Patriot Act.
Parmi
ces mesures, la mise en place dune justice militaire expéditive,
secrète et raciste pour les personnes étrangères suspectées
dactivités terroristes ou de soutien à celles-ci constitue une
rupture décisive avec lordre légal démocratique.
Ainsi,
lextradition vers les Etats-Unis de prévenus interpellés en
Suisse ou en Europe pourrait les conduire devant la justice
militaire, voire devant un peloton dexécution. Raison de plus
pour nous mobiliser contre ces mesures liberticides. (réd)
Justice militaire et extradition
Il est prévu de «juger» des
prévenus sur des navires ou des bases militaires, à labri de la
presse et du public, et de maintenir lembargo sur les
délibérations pendant des années, voire des décennies. Comme le
note le New York Times (25 novembre), «les tribunaux militaires
constituent linitiative la plus extrême dans la reformulation
dune série de lois et de règles fédérales qui, considérées dans
leur ensemble, ont créé un système de justice alternatif au
lendemain du 11 septembre.»
Les droits à des relations
confidentielles avec son défenseur, à des garanties contre la
détention préventive et à un jury, sont abolis. Les
ressortissant-e-s étrangers, en particulier dorigine
noneuropéenne, sont particulièrement visés. Lancien sénateur
républicain du New Hampshire, W. B. Rudman, qui dirige le conseil
du Président en matière de contre-espionnage, justifie ainsi
brutalement cette discrimination: «Il y a des peuples qui nous
veulent du mal.»
Jusquici, lextradition de prévenus interpellés
sur sol européen est exclue, en règle générale, si le pays qui en
fait la demande ne leur garantit pas des droits identiques. Un
nouveau problème se pose donc avec les Etats-Unis: des prévenus
peuvent-ils être extradés sils sont passibles des tribunaux
militaires? LEspagne vient de répondre par la négative (New York
Times, 24 novembre 2001). Nous devons exiger quil en soit de
même pour la Suisse et lensemble des pays européens.
Jean Batou
Peine de mort rétablie par… délégation?
Cest au nom de la lutte
contre le terrorisme, dune prétendue «liberté immuable » que
lun des principes fondamentaux de lUnion Européenne,
labolition de la peine de mort comme condition sine qua non de
ladhésion, risque dêtre anéanti.
Cest en tout cas ce que lon
peut craindre suite aux révélations faites à Bruxelles par
lhebdomadaire European News. En effet, celui- ci fait état dans
son édition de cette semaine de négociations avancées entre
«fonctionnaires des USA et de lUE [qui] sont en train détudier
les modalités dextrader en Amérique les individus soupçonnés de
terrorisme dans le cadre du nouveau mandat darrêt européen et
sur la base de lassurance de la non application, dans certains
cas, de la peine capitale.»
Pour sa part, le nouvel ambassadeur
étasunien auprès de lUE, Rockwell Schnabel, a été bien plus
explicite. Il a affirmé que «lopposition à la peine de mort dans
les pays européens constitue un obstacle majeur à ladoption de
mesures plus dures contre le terrorisme international». Il a
aussi suggéré la manière pour contourner cet obstacle en
affirmant que «on pourrait imaginer que les personnes soupçonnées
de terrorisme soient extradées dans mon pays où la peine capitale
est autorisée et que, dans certains cas, on pourrait renoncer à
lappliquer.»
Il sagirait, ni plus ni moins, puisque la peine de
mort est bannie en Europe den déléguer lapplication aux USA,
tout en laissant la porte ouverte à certains arrangements
possibles si cela devait par trop choquer les opinions publiques
européennes.
Cette logique constituerait une rupture totale avec
les pratiques et les lois en vigueur en Europe du fait quaucun
pays membre de lUE nautorise lextradition vers les USA de
personnes qui pourraient encourir une condamnation à la peine
capitale.
Peu nombreux sont les médias qui se sont fait écho de
ces nouvelles. Cela est dautant plus inquiétant que, daprès M.
lambassadeur Schnabel «divers pays qui ont des lois différentes
devront modifier leur Constitution». Mais, ajoute-t-il, «un
accord existe déjà pour aller dans cette direction».
Cela devient
encore plus grave lorsquon songe que, en vertu des décrets
dexception édictés aux USA – et qui constituent de facto une
abrogation du Bill of Rights – le délit de terrorisme est
désormais étendu aussi au «soutien idéologique sans participation
active» aux actes de terrorisme…
Paolo Gilardi