Pierre-Yves Maillard pour la grève?

Pierre-Yves Maillard pour la grève?

Il y a dix ans, Pierre-Yves Maillard
– aujourd’hui conseiller d’Etat vaudois socialiste
n’ayant pas de mots assez durs pour critiquer les syndicalistes
«égoïstes» et ne trouvant pas de termes assez
louangeurs pour défendre la paix sociale et la réforme
salariale de l’Etat de Vaud concoctée par la
majorité de droite avec laquelle il collabore fidèlement
– écrivait un éloge de la grève
conçue comme une «expression libératrice des
salariés» et comme une nécessaire
«résistance radicale», à l’occasion des
commémorations de la grève générale de
1918. Nous en publions un extrait ci-dessous qui, nous
l’espérons, offrira à nos lecteur-trices
l’occasion d’une méditation sur l’inconstance
humaine et sur la distance qui, souvent, sépare les paroles des
actes…

«La grève est une libération. Elle est une
affirmation de force et de dignité. Elle est un affranchissement
radical à l’égard de la domination
matérielle et culturelle imposée par un système
construit sur l’injustice.

Aujourd’hui comme hier, le système capitaliste oriente et
redistribue inéquitablement sans conscience et sans respect de
l’avenir les fruits de l’activité et de
l’ingéniosité humaines. Au moment où la
publicité proclame le droit universel au téléphone
portable, le minimum n’est pas assuré à tous. Eau
potable, alimentation suffisante, accès à
l’éducation, protection de la santé: la
société n’assure ces droits
élémentaires qu’à peine à la
moitié de la planète. Aujourd’hui comme hier, les
enfants travaillent et une vie de labeur ne donne pas les garanties
d’un repos digne en fin de parcours. La richesse roule encore et
toujours sur elle-même; elle grossit du travail du plus grand
nombre sur les écrans des gestionnaires de fortune.

Après une brève parenthèse de progrès
social, le capitalisme reprend son cours effréné. La
nécessité d’une résistance radicale devient
donc urgente. Cette résistance se cristallise dans la notion de
grève: grève du travail pour qu’apparaisse au grand
jour la véritable source des richesses produites, grève
de la consommation des subtils bourrages de crânes
médiatiques et publicitaires, grève de la lutte de chacun
contre tous. Produire son propre discours, discuter le fonctionnement
global de la société, parler de la place laissée
aux femmes, aux étrangers, se libérer un instant des
contraintes du quotidien: il faut la grève pour conquérir
cet espace de liberté et d’autonomie; sans elle, la gauche
et les syndicats n’arriveront à rien d’important.

La grève générale aura eu huitante ans
l’année où le canton de Vaud a vécu un
mouvement de grève générale de la fonction
publique. La grève est libérée, qu’elle
revienne donc, qu’elle enrichisse nos moyens de lutte,
qu’elle gagne nos têtes, qu’elle ouvre à
nouveau le champ des possibles.»

In: Les 80 ans de la grève
générale: actes de la conférence organisée
par le parti socialiste lausannois le 16 décembre 1998 pour les
80 ans de la grève générale de 1918.
Lausanne: PS lausannois, 1999 (p. 3-4)