Fusion syndicale SIB-FTMH: un borgne et un aveugle...
Fusion syndicale SIB-FTMH: un borgne et un aveugle…
La raison dêtre du syndicalisme, cest dorganiser les salariés-es sur les lieux de travail. Ces derniers mois, les fermetures dentreprises et les annonces de restructuration se sont multipliées, avec leur cortège de licenciements. La liste des salariés-es, jetés-es à la rue comme des kleenex après usage, est longue: chez Iril à Renens, chez Portescap à Marly, chez Kyco Electronic, à Bex et à St-Maurice, chez Myonic à Bienne, chez Tornos à Moutier ou Swisscab à Yvonand.
Dans certaines de ces entreprises, les travailleurs et travailleuses ont marqué leur volonté de sopposer à larrogance de leurs employeurs, de se battre pour le respect de leurs droits. Force est toutefois de constater que les organisations syndicales nont très souvent quune présence extrêmement ténue, voire réduite à zéro, dans les entreprises. A part quelques exceptions, ces organisations sont confinées dans un rôle de commentateurs.
Les salariés aux commandes
La reprise dun syndicalisme capable de sopposer réellement aux licenciements, aux baisses de salaires, à toutes les autres péjorations des conditions de travail passe nécessairement et prioritairement par la reconstruction dun tissu syndical sur les lieux de travail. Elle implique également une discussion sur la politique syndicale à mener, notamment sur toutes les questions liées à la nouvelle organisation du travail, à une flexibilité qui augmente lexploitation et diminue encore la souveraineté des travailleurs sur leur propre temps de vie. Tout cela devant déboucher bien sûr sur des expéreinces de mobilisation et de lutte.
Lune des pré-conditions dune telle réorientation, cest que les travailleuses et travailleurs ne soient plus marginalisé-e-s dans la vie syndicale, que le syndicalisme ne soit plus la chasse gardée des appareils. Or, la fusion du SIB et de la FTMH tourne le dos à une telle perspective: elle est avant tout le résultat dune fuite en avant, dune rationalisation bureaucratique et non lexpression dun vrai débat parmi les salarié-e-s, dans les secteurs concernés, sur linstrument syndical dont ils-elles ont besoin pour défendre leurs intérêts.
Une nouvelle contre-puissance sociale?
Dans son édition davant les congrès du SIB et de la FTMH qui se sont prononcés pour la création dun syndicat interprofessionnel, Lévénement syndical titrait «Le SIP, une nouvelle contre-puissance sociale». La préparation du renouvellement de la convention dans lindustrie des machines (CCT/ASM) en 2003 constituera sans doute un premier test, quant à leffectivité de cette «contre-puissance sociale». Ce renouvellement permettra de mesurer le sérieux des engagements pris dans la «Plate-forme de politique conventionnelle», approuvée par les comités centraux du SIB et de la FTMH.
Figurent notamment parmi les objectifs que «(
) ces conventions doivent par conséquent fixer notamment des salaires minimaux et prévoir des instruments permettant de déterminer les salaires. Les CCT qui se bornent à reprendre le code des obligations ne servent pas les intérêts des travailleurs et travailleuses (
)». Parmi les conditions nécessaires pour les atteindre, ce document affirme en outre: «(
) La capacité de mobilisation est la clé du succès. Le SIP doit réussir à mobiliser ses membres ainsi que dautres travailleurs et travailleuses pour des actions, au besoin pour des mesures de lutte plus ou moins longues telles que des grèves. Ce nest possible que si les membres sont associés au processus de négociation. En outre, le SIP doit pouvoir démontrer au patronat de manière crédible quil dispose dun pouvoir concret et pas seulement rhétorique. (
) Nous voulons obtenir des CCT instituant lobligation de paix relative et non absolue».
Cest au pied du mur…
La CCT/ASM, entrée en vigueur en juillet 1998 avait ouvert la voie à une flexibilisation maximum de la durée et des horaires de travail. La durée hebdomadaire annuelle normale du travail y est fixée à 2080 heures au maximum. Le maximum fixé de la durée de travail hebdomadaire est celui de la loi sur le travail, soit 45 heures, la limite inférieure est fixée à 5 heures par jour. La CCT/ASM a introduit en outre une distinction entre heures «en plus» et heures «supplémentaires», une centaine dheures «en plus» ou «en moins» au maximum pouvant être reportée dune année à lautre. Ces heures «en plus» ou «en moins» entrent tout simplement dans le quota annuel de lannée suivante.
Quant aux salaires, larticle 15 de la CCT/ASM dispose, à son alinéa 2, que «la représentation de travailleurs compétente et la direction négocient au niveau de lentreprise les modifications générales de salaire sans être liées par des salaires minimaux, moyens ou tarifaires. Elles prennent notamment en considération la compétitivité de lentreprise, la situation économique générale, la situation sur le marché du travail et le coût de la vie».
Enfin larticle 2 de cette convention prévoit une clause de paix du travail absolue.
Ces dispositions, si lon en croit la plate-forme conventionnelle, devraient être combattues par la direction de la FTMH qui devrait démonter, dans la perspective du SIP, à lAssociation patronale suisse de lindustrie des machines quelle «dispose dun pouvoir concret et pas seulement rhétorique».
Quant au SIB, qui vient de conclure une nouvelle Convention nationale dans le gros uvre, sa «contre-puissance sociale» réelle pourra être mesurée par les travailleurs sur les chantiers dans lapplication même des clauses de cette convention, en particulier le contrôle effectif des heures variables et les interruptions de travail en cas dintempéries, dès lors que la santé de ces travailleurs est particulièrement en jeu.
Jean-Michel Dolivo