Droit à un salaire minimum légal: c’est légal!
Droit à un salaire minimum légal: cest légal!
solidaritéS faisait aboutir à Genève
linitiative populaire cantonale « Pour le droit
à un salaire minimum ». Déposée en
trois mois plutôt que quatre et avec un quart de signatures de
plus que le plancher légal de dix mille paraphes, cette
initiative reflétait lengagement concret de
solidaritéS contre le dumping salarial et la pauvreté
croissante
Elle sinscrivait, bien sûr aussi dans une campagne en vue
de lélection de la Constituante genevoise lors de
laquelle les porte-paroles de la liste patronale affirmaient au
printemps déjà quil fallait
« éviter que nos adversaires imposent de nouveaux
droits, comme le salaire minimum
» Avec une volonté
de notre part de donner la parole non seulement aux futurs
élu·e·s à la Constituante, mais aux gens
dans la rue
et à tous les citoyen·ne·s.
Mais elle sinscrivait surtout dans une
campagne concertée, qui a vu des initiatives cantonales pour un
salaire minimum être lancées et aboutir dans plusieurs
cantons et qui a vu lidée dune imposition de ce
droit social à léchelle nationale, par le biais
dune initiative populaire fédérale, faire du
chemin, notamment avec la décision cet automne du Congrès
national dUnia de mettre le lancement dune telle
initiative à létude.
Vers le vote populaire
en Une Le Courrier du 10 février « Le projet dun
salaire minimum légal gagne une manche à
Genève ». En effet, cest la veille
quétait rendu public un gros rapport du Conseil
dEtat genevois, concernant notre initiative. Dans celui-ci, le
gouvernement genevois, après avoir fait disséquer et
examiner le texte de linitiative sous toutes ses coutures par
ses juristes, conclut quil ny a pas matière
à linvalider et recommande en conséquence au
parlement cantonal den reconnaître la validité
légale, ouvrant la voie du vote populaire sur la question.
On ne résumera pas ici la bonne trentaine de
pages consacrées dans le rapport à lexamen de
cette question : recevabilité formelle, unité de
forme, unité de genre, clarté
Linitiative
passe le test. Sur le plan de la conformité au droit
supérieur on apprend évidemment !
que le principe dun salaire minimum légal est
conforme au droit international
Même si les juristes de
la couronne en profitent au passage pour rappeler puisque nous nous y
sommes référés dans notre argumentaire que
« la déclaration universelle des droits de
lhomme [
] na pas deffet juridique
contraignant ». Ce qui fait évidemment
lobjet de lexamen et de la discussion la plus
approfondie, cest la conformité au droit
fédéral, dont la frilosité en matière
sociale et de protection des travailleurs-euses est connue de tous.
Malgré celle-ci, les conclusions du Conseil dEtat
genevois sont explicites : linitiative ne saurait
être rejetée pour des motifs juridiques.
Prévenir le dumping salarial
bout du Lac indique que lidée de « passer
dune logique de mesures correctrices à un logique de
mesures préventives » en ce qui concerne la lutte
contre la sous-enchère salariale, ne correspond pas à la
démarche des Chambres fédérales en matière
de mesures daccompagnement à lAccord sur la libre
circulation des personnes, puisque celles- ci exigent lexistence
dune « sous enchère abusive et
répétée » pour lextension
dune CCT ou lédiction dun contrat type avec
salaires minimaux obligatoires.
En clair le droit fédéral affirmerait
quîl vaut mieux guérir que prévenir et notre
initiative dirait comme le veut le bon sens le
contraire. En effet ! Ainsi, ce nest peut-être pas
un hasard que le rapport du Conseil dEtat genevois, quil
avait lobligation légale de déposer le 31 janvier,
nait été rendu public que le 9 février, au
lendemain du vote sur les bilatérales. Car il met le doigt sur
lune des insuffisances manifestes des « mesures
daccompagnement » en matière de droits des
travailleurs-euses et que notre initiative vise,
précisément, à combattre.
Quoi quil en soit les conclusions du Conseil
dEtat sont importantes, et pas pour Genève seulement,
puisquelles apporteront de leau au moulin de la
validation de linitiative vaudoise pour le droit à un
salaire minimum dont la teneur est exactement la même que celle
du texte genevois. Rappelons dailleurs que cest un
prêté pour un rendu, puisquun premier
« avis de droit » du Service de la
législation du Canton de Vaud, portant sur une initiative
parlementaire de notre camarade et député vaudois
Jean-Michel Dolivo, formulée dans les mêmes termes que nos
initiatives, concluait lui aussi à sa recevabilité.
Sur le fond : le gouvernement dit NON !
Pour le surplus, le gouvernement genevois plaide, sur le fond, pour le
rejet de linitiative. Ce qui a pour (seul !) avantage de
rendre sa position sur la recevabilité de celle-ci peu suspecte
de complaisance. Ceux qui lont vu à luvre
depuis plus de trois ans ne seront pas surpris que ce gouvernement
à majorité rose-verte soit fermé à
lidée quon puisse inscrire dans la loi le principe
que « toute personne exerçant une activité
salariée puisse disposer dun salaire lui garantissant des
conditions de vie décentes » !
Les arguments du Conseil dEtat à
lappui de cette position socialement indéfendable ne
méritent guère quon sy attarde ici, nous
aurons loccasion dy revenir. Outre laffirmation
infondée dun prétendu bilan positif de sa
« lutte » contre la pauvreté et la
précarité, le Conseil dEtat serine la rengaine du
« partenariat social » en affirmant que la
fixation de minimas légaux en matière de salaires serait
un frein à la conclusion de CCT. Un argument qui plaiderait tout
aussi bien pour le démontage de tous les droits légaux
des travailleurs-euses au nom du « partenariat
social » et des
« négociations » qui
sensuivraient ! Un argument qui tombe duutant plus
à faux que les organisations syndicales elles-mêmes
longtemps réticentes à ce type de mesures
sy rallient de plus en plus, comme en atteste par exemple
à Genève, la prise de position de la CGAS favorable au
principe dun salaire minimum.
Létape suivante du parcours de
linitiative genevoise est parlementaire. En effet, cest
avant les vacances dété prochaines, que le Grand
conseil genevois devra décider de sa position sur la
validité de linitiative. Il faudra se mobiliser alors
pour enrayer toute volonté de la droite majoritaire au Grand
Conseil de priver les citoyen-ne-s de la décision en invalidant
linitiative pour de prétendus motifs juridiques !
Lun des thèmes dune manifestation de rue sociale
massive au mois de juin à Genève ? Pourquoi
pas ! Nous y reviendrons