Financement de l’AI: manœuvre dilatoire du Conseil fédéral
Financement de lAI: manuvre dilatoire du Conseil fédéral
Fin janvier, le Conseil
fédéral, suite aux pressions de la droite et du patronat,
a renvoyé à fin septembre le vote sur la hausse de la TVA
comme financement additionnel de lAI
En juin, les Chambres avaient voté ce projet avec une hausse de
TVA de 0,4 %, pour une durée de 2010 à 2016, et la
création dun Fonds de compensation séparé
de lactuel Fonds AVS/AI. Seule lUDC lavait
refusé. Ce compromis, durement négocié
après un premier refus au National, répondait pour une
part aux engagements du Conseil fédéral lors du vote sur
la 5e révision de lAI. Cette nouvelle reculade ouvre la
possibilité dune intervention des Chambres sur ce
dossier, repoussant encore le financement urgent de cette assurance
sociale. Lentrée en vigueur des nouvelles dispositions en
janvier 2010 est en tout cas compromise !
Déficit de lAI : un levier de pression sur les assurés
Les associations défendant les personnes handicapées ont
réagi le jour même contre cette décision
« catastrophique », car elle fait perdurer la
double pression de la crise économique et de
lassainissement de lAI via la réduction des
prestations.
Rappelons que le déficit de lAI
na pas toujours été important. Depuis sa
création en 1960 jusquen 1975, lAI était en
équilibre. Ensuite jusquen 1990, le déficit a pu
être éliminé en deux ans avec laugmentation
du taux de prélèvement sur les salaires. Mais avec la
crise des années nonante, laugmentation de demandes de
prestations, sans compensation suffisante en recettes, a plongé
lAI dans un déficit structurel croissant, de 12 milliards
en 2008. Cest sous la pression de ce
« trou » que les personnes handicapées
ont été suspectées dabus et que les
prestations ont été réduites depuis des
années.
Bataille sur la TVA
La décision du gouvernement sinscrit dans la bataille
autour de la TVA. En effet, comme mesure anticrise, Doris Leuthard
avait annoncé (16.1.09) une possible baisse momentanée du
taux de TVA dont le maximum constitutionnel (7,6 %) est atteint.
Rappelons quil y a trois taux dimposition : le
taux normal de 7,6 %, un taux de 2,4 % pour les biens de
première nécessité et de 3,6 % pour les
secteurs de lhébergement, alimentation, culture, sport,
santé, formation et restauration. Les problèmes de
délimitation, plus 25 exceptions, compliquent la gestion. Les
quelques simplifications dans lordonnance OLTVA de 2006,
insuffisantes, ont conduit le Conseil fédéral à
son message de 2008 : une refonte de la LTVA simplifiée,
un taux unique de 6,1 % et la suppression de la plupart des
exceptions, y compris dans le social et la santé.
Pour les ménages, malgré la
« neutralité » annoncée par
Merz, on verrait une hausse, liée aux domaines ayant à ce
jour un taux réduit. Une aide pour 40% des ménages aux
revenus les plus faibles devrait corriger la surcharge. Avec pour les
finances publiques une perte de 5 % (sur 19 milliards). Mais,
avant la mise en place de la nouvelle loi, la baisse de la TVA actuelle
reste à lordre du jour, dans le cadre des baisses
dimpôts préconisées par la droite comme
mesures de relance.
« Au nom de la crise »
Le hold-up sur les finances fédérales et sur la Banque
nationale pour « sauver lUBS »
na pas suscité de la part du Conseil
fédéral autant de « prudence »
que le financement urgent de lAI ! Alors que depuis plus
de dix ans, la situation financière de lAI se
détériore, aucune mesure nest prise sauf celles
visant les prestations. Par contre, 15 jours après avoir
fixé la date de la votation sur le financement de lAI, le
Conseil fédéral invoque la crise pour repousser le
verdict populaire, sous pression des milieux patronaux. Les
libéraux-radicaux trouvent « sage »
cette décision de donner au Parlement loccasion de
débattre à nouveau de la réforme et de sa date
dentrée en vigueur (sic !), alors que lUDC
et lUSAM saluent un pas dans la bonne direction! Pour la
faîtière des PME, « un assainissement de
lAI par lapport de recettes supplémentaires est
exclu au cours des prochaines années ».
Problèmes dapplication de la 5e révision de lAI
Une récente enquête sur mandat de lOFAS sest
occupée pour la première fois en Suisse de la gestion du
handicap (GH) dans les entreprises. Le rapport relève une
dotation en personnel de la GH insuffisant (1 poste pour 1717
employé·e·s). Les recommandations pour lAI
sont de raccourcir les procédures, daméliorer la
collaboration des offices AI avec la GH, de conseiller et de soutenir
les entreprises. Si le principe dune aide publique aux
entreprises peut à la rigueur être envisagé pour
favoriser la réinsertion professionnelle des personnes
handicapées, la moindre des choses serait dassurer en
contrepartie de leur part un soutien au financement de
lAI ! Le comble cest lorsque les employeurs
refusent le principe dun quota pour intégrer les
employé·e·s handicapés et licencient sans
motif les personnes atteintes dans leur santé.
Lexpérience montre quil est en
effet possible de favoriser une réinsertion pour une partie des
assuré-e-s en demande de prestations (40 % selon les
offices AI), avec la participation active et convaincue de certains
employeurs. Mais quelles garanties sérieuses obtenir du
côté des associations patronales, alors quelles
militent contre le financement de lAI ? A
lévidence, alors que le chômage augmente avec la
crise, les chances de réussite de la réinsertion des
personnes handicapées ne peut que diminuer ! Enfin,
loctroi des rentes sest restreint, avec une nette
augmentation des refus, déjà depuis la 4e
révision, et avec une jurisprudence plus restrictive,
écartant du droit à la rente nombre de pathologies
invalidantes.
Pour une vraie sécurité sociale : AVS-AI-LPP même combat !
Selon lOFAS, dans son dossier « Application de la
5e révision de lAI » (Sécurité
sociale 6/2007), « en labsence de financement
additionnel de lAI, les avoirs disponibles de lAVS
passeraient au-dessous de la barre exigée par la loi des
70 % des dépenses en 2013
déjà ».
Alors quavec la crise financière, le
Fonds AVS a fondu de 5 milliards en 2008, le report du financement de
lAI ne fait quaggraver la situation de lAVS. Cette
décision sinscrit dans la politique globale
dattaque aux prestations sociales, sur le long terme, faisant
payer aux salarié·e·s et aux catégories
défavorisées le poids de la crise. Face aux mesures
antisociales de la droite, une seule réponse: un front uni de
résistance contre le démantèlement des prestations
sociales, pour une véritable sécurité sociale.