Les horaires flexibles nuisent à la santé des apprenti·e·s

Les horaires flexibles nuisent à la santé des apprenti·e·s



La modification de la loi sur le
travail (LTr) qui abaisse de 20 à 18 ans l’âge
au-dessous duquel les apprenti·e·s
bénéficient de mesures de protection spéciales
(limitation du travail de nuit, du dimanche, etc.) a des
conséquences négatives sur leur santé. C’est
ce que révèle une enquête conduite par le syndicat
Unia.

Tout d’abord, il est impressionnant de relever avec quelle
régularité les patrons passent outre aux
réglementations sur l’horaire de travail. Ainsi, la Loi
sur le travail spécifie que les jeunes travailleur-euses (moins
de 18 ans donc, contre moins de 20 ans avant la modification de loi) ne
doivent pas travailler plus de 9 heures pas jour (c’est
déjà beaucoup). Et pourtant, 56% des jeunes de moins de
20 ans interrogés disent travailler
« régulièrement » plus de 9
heures par jour, ce
« régulièrement » signifiant
plus d’une fois par semaine pour près d’un quart
d’entre eux-elles.

Boulangerie et restauration en pointe

En la matière, les employeurs des secteurs de la restauration
(cuisine) et de la boulangerie-pâtisserie détiennent la
palme de l’abus, puisque respectivement 100 % et
90 % de leurs apprenti·e·s disent travailler
régulièrement plus de 9 heures. Qu’on se le dise
donc, à en croire cette enquête, 100% des employeurs de la
restauration seraient passibles de poursuites !

    On pourrait à ce stade multiplier les
exemples révélant combien les employeurs, du moins une
partie considérable d’entre eux, se moquent des
dispositions légales visant à protéger les jeunes
travailleurs-euses : en évoquant notamment les 12 heures
de repos obligatoires entre chaque journée de travail, dont la
moitié des apprenti·e·s disent ne pas
bénéficier régulièrement, ou encore les
longues semaines de travail (6 jours), interdites par certaines
Conventions collectives, mais que beaucoup
d’apprenti·e·s des secteurs concernés
subissent en réalité fréquemment.

Impact sur la santé

L’enquête d’Unia révèle à quel
point cette récente modification de la Loi sur le travail, qui
limite à 18 ans la protection contre le travail de nuit, a
été dommageable pour la santé des
apprenti·e·s. Ainsi, un·e apprenti·e sur
trois admet que depuis qu’il travaille la nuit, sa santé
s’est dégradée. De manière plus
générale, 38 % des jeunes travailleurs-euses
affirment avoir des problèmes de santé liés
directement à leur horaire de travail, avec des pointes à
57 % pour les pâtissiers-confiseurs et à
56 % pour les coiffeurs, garçons et filles, qui souffrent
notamment de la flexibilité permanente et imprévisible
des horaires. Epuisement, douleurs musculaires, maux de tête,
stress apparaissent parmi les symptômes les plus souvent
évoqués.

    Preuve que bien souvent ces problèmes ne sont
pas anodins, 40 % des apprenti·e·s disent
consulter un médecin et suivre un traitement
médicamenteux en lien direct avec ces atteintes à la
santé. Couchepin pourrait d’ailleurs en prendre de la
graine : la hausse des coûts de la santé qui semble
être un de ses soucis permanents pourrait être
limitée tout simplement, plutôt qu’en supprimant des
examens de laboratoire chez les généralistes souvent fort
utiles, par une lutte sérieuse contre les abus patronaux et par
un renforcement de la protection des travailleurs-euses…

    La crise économique risque d’aggraver
ce tableau, déjà loin d’être rose : en
effet, la pénurie des places d’apprentissage rendue
toujours plus aiguë par la dégradation de la conjoncture
permet aux patrons de durcir leurs exigences, avec le sempiternel
refrain : « Tu ne veux pas accepter tes conditions de
travail, eh bien il y en a dix autres qui voudraient avoir ta
place ! ». Ainsi, davantage encore que
l’accroissement des mesures de contrôle sur les lieux de
travail, c’est bien le renforcement de la présence
syndicale dans les entreprises et le travail syndical spécifique
en direction de la jeunesse travailleuse qui semblent plus que jamais
nécessaires pour lutter contre les abus patronaux.

Hadrien Buclin