Etat policier en marche… Signez le référendum contre les «Mesures d’éloignement»

Etat policier en marche… Signez le référendum contre les «Mesures d’éloignement»

Le 19 février, le parlement
genevois votait une loi proposée par un duo d’avocats du
parti libéralo-liberticide, les sieurs Olivier Jornot et
Christian Luscher. Cette loi modifiant la loi genevoise sur la police
(LPol) a été munie par ses auteurs d’un sous-titre
démagogique. Il s’agirait de « renforcer les
libertés et restaurer la sécurité
publique »… en fait c’est tout le contraire.

En effet, en matière de libertés, il s’agit
d’en supprimer une très large tranche en donnant à
la police genevoise un pouvoir arbitraire incroyable, lui permettant de
prendre – de manière indépendante et administrative – des
décisions de « mesures
d’éloignement» par rapport à un
«périmètre déterminé »
de l’espace public cantonal, mesures pouvant être
infligées par la police, à chaud et sans autre forme de
procès, à toute personne notamment si
« elle-même ou un rassemblement de personnes auquel
elle participe menace l’ordre ou la sécurité
publics » ou encore si ladite personne
« importune sérieusement des
tiers… »
    On peut imaginer par exemple que la présence
de militant·e·s syndicaux aux environs d’une
entreprise « importune sérieusement »
le patron de celle-ci. Pas de problème, le premier flic venu
pourra y remédier, grâce à la baguette magique
liberticide des libéraux.

Bannissements administratifs arbitraires

La mesure est signifiée verbalement et permet de conduire
immédiatement quiconque y serait soumis hors du
périmètre concerné. Si on ne se soumet pas
à cette décision, on est alors passible
d’être embarqués pour se voir communiquer une
décision écrite, immédiatement exécutoire
nonobstant recours, et qu’on enfreint au péril des foudres
du Code pénal. Une telle notification écrite,
émanant d’un officier de police, est également
prévue par la loi pour les mesures de bannissement
dépassant les 24 heures… et qui peuvent avoir une
durée (renouvelable sans limite légale) allant
jusqu’à trois mois.
    A noter que la loi laisse à
l’appréciation des pandores ce qui constituerait les
éléments constitutifs de l’« ordre et
la sécurité publiques » défendus ou
l’« importunité sérieuse envers des
tiers » susceptible d’être sanctionnée
par cet exil intérieur d’un nouveau genre. La loi ne fixe
d’ailleurs non plus aucune limite au
« périmètre » par rapport
auquel on peut être
« éloigné ». Ainsi, celui-ci
pourrait s’étendre à toute une commune, à
toute la Ville, ou pourquoi pas tout le canton, transformant le
bannissement en assignation à résidence, en interdiction
de travailler, etc.
    Evidemment, on pourra faire recours (dans les 30
jours au Tribunal administratif) mais ce recours n’aura aucun
effet suspensif susceptible de rétablir la liberté de
mouvement de la personne concernée. Or la liberté de se
déplacer sans contrainte est évidemment une condition
consubstantielle et sine qua non d’innombrables libertés
publiques, qui sont ainsi livrées à l’arbitraire
policier : liberté de réunion, de manifestation,
d’association sont menacés… comme le sont les
droits politiques, les libertés syndicales et bien
d’autres droits élémentaires.

Au-delà de la présomption d’innocence

Des dispositions du même type sont en vigueur dans le Canton de
Berne. Interpellée par les parlementaires genevois, la police
bernoise leur a répondu que ce sont des centaines (700 au
début, 300 l’an dernier) de mesures de ce type qui sont
prises chaque année chez eux. Elle a livré aussi
l’appréciation suivante, qui a le mérite de la
franchise : « L’article revêt une
grande importance dans le travail policier au quotidien. Lorsque la
police constate qu’un groupe de personnes nuit à la
sécurité et à l’ordre publics, il est
capital qu’elle puisse interdire certains accès à
des membres de ce groupe sans qu’il faille démontrer un
délit concret. »
    Et en effet, tout l’esprit de cette loi vise
à renverser le fardeau de la preuve. On peut et on doit
être sanctionné – sans même l’ombre
d’un « délit concret » à
prouver – si la police a l’impression qu’on le
mérite et qu’on pourrait par hypothèse commettre ce
qu’elle considérerait, sans bases légales
explicites, comme un délit. Par ailleurs, la loi – comme
les dispositions iniques concernant le délit
« d’émeute » dans le Code
pénal suisse – institue un délit (ici
hypothétique et futur) de nature collective, avec tout
l’arbitraire supplémentaire que cela comporte. Il suffit
de « faire partie d’un rassemblement »
qui serait «menaçant» pour être
sanctionné…
    Bref, on est dans un délire
sécuritaire et policier particulièrement
inquiétant. Comme l’est aussi la discrétion dans
laquelle ce projet de loi a été voté. Certes, le
PS et les Verts ont déposé – chacun –
d’assez sommaires rapports de minorité et ont voté
contre la loi en plénum du parlement, mais ils ont ensuite
tourné la page et n’ont pas estimé qu’il y
avait là matière à poursuivre le combat, notamment
par un référendum auquel ils auraient appelé.

solidaritéS soutient le référendum

Il faut donc saluer la décision de la section genevoise du Parti
du Travail de lancer le référendum contre cette loi
liberticide. Ils l’ont fait – malheureusement – avec le
sérieux handicap d’un délai
référendaire bien entamé. Il reste donc –
à ce stade – moins de quatre semaines environ pour
récolter les (plus de) 7000 signatures nécessaires.
    solidaritéS soutiendra cet effort et appelle
bien sûr à signer  – et surtout à faire
signer ! – le référendum, qu’on
trouvera sur notre site www.solidarites.ch. Il y a en effet des
dérives qu’on ne doit pas laisser passer, sauf à le
payer bien cher par la suite. Or cette loi n’est pas un simple
« dérapage », elle s’inscrit
pleinement dans la construction méthodique d’un
« ordre nouveau » en matière
juridique, impensable il y a peu encore chez nous, par lequel les
dominants s’arment pour faire régner leur
« ordre » et se donner les moyens de faire
payer à la majorité de la population la crise
économique et sociale inouïe en cours.

Pierre Vanek