La semaine sanglante : « une catastrophe humanitaire inimaginable »

La semaine sanglante : « une catastrophe humanitaire inimaginable »



Après des mois de guerre totale
contre le peuple tamoul, le régime sri-lankais porte le coup de
grâce et massacre le dernier bastion où résistait
le LTTE. Indifférentes ou opposées à
l’autodétermination de l’Eelam Tamoul, les
puissances n’ont rien fait pour l’éviter. Elles
n’ont pas donné suite aux innombrables appels que les
foules tamoules mobilisées leur adressaient depuis leurs propres
capitales, auront-elles le front de dire «plus jamais
ça» lorsque les médias internationaux
découvriront les charniers ?

Mardi 12 mai 2009, Washington et Londres ont donc «appelé
toutes les parties à mettre immédiatement fin aux
hostilités et permettre l’évacuation en toute
sécurité de dizaines de milliers de civils».
Mercredi 13 mai, le Conseil de sécurité de l’ONU
s’est dit «gravement préoccupé» par
«la crise humanitaire qui s’aggrave», et le
président américain Barack Obama a sommé Colombo
d’autoriser l’ONU à accéder à la zone
de guerre.

    Le 14 mai 2009, le CICR annonce «une catastrophe humanitaire inimaginable»1
et, cernée par l’armée, la rébellion tamoule
communique le 16 mai avoir cessé le combat :
« Notre peuple meurt en ce moment sous les bombes et les
obus, de maladie et de faim. Nous ne pouvons pas permettre qu’il
leur arrive d’autres maux. Il ne nous reste qu’un seul
choix : enlever à l’ennemi leur dernier et
médiocre prétexte pour assassiner notre peuple. Nous
avons décidé de faire taire nos armes. »

    La purification ethnique est-elle à
l’œuvre ? Poussés par la terreur d’une
soldatesque déchaînée, les civils sont
concentrés dans d’immenses camps au nord du pays, dans cet
Eelam Tamoul que revendiquait la lutte de libération nationale
menée par le LTTE.
    Comptant plus de 220 000 personnes, Manik Farm est
aujourd’hui le plus grand camp du monde. Il est entouré de
fil de fer barbelé, sillonné par les patrouilles de
soldats. De même que les autres camps et toute la région
bouleversée par la guerre, il est inaccessible à
l’ONU et aux ONGs.
    Les médias sont tenus à distance de la
boucherie et les charognards du régime sri-lankais se
dépêchent d’en dissimuler l’évidence.

Ce que j’ai vu m’a fait honte

«Ce que j’ai vu m’a fait honte»
a déclaré Ban Ki Moon, secrétaire
général des Nations Unies, après sa visite
à Manik Farm, qu’il a arrachée le 23 mai 2009 au
président sri-lankais dont le régime refuse
d’ouvrir les camps de réfugiés. Il n’a pas
encore terminé la traque des militant·e·s
indépendantistes ni les massacres de masses. 300 000 personnes
déplacées ces derniers mois. Probablement plus de 30 000
morts selon les chiffres qui commencent d’être
formulés.
    Le despote qui règne sur le Sri Lanka
s’en moque comme il se moque du droit international. Il n’a
« pas peur de monter à la potence après avoir vaincu les pires terroristes de la planète ».
    La Suisse ne doit pas se limiter « à se féliciter de la cessation du conflit armé au nord du Sri Lanka »
ainsi que l’a communiqué le Département des
affaires étrangères après que le président
sri-lankais eut déclaré la fin de la guerre.
    Elle doit satisfaire à la demande
d’Amnesty International et prendre l’initiative d’une
commission d’enquête internationale sur les crimes de
guerre commis au Sri Lanka.
    Elle doit massivement apporter son soutien à
la population tamoule victime d’une discrimination
systématique et reconnaître son droit à
l’autodétermination.

Karl Grünberg
ACOR SOS Racisme

1 Pierre Krähenbühl. CICR, 14 mai 2009


MURUKATHASAN

2 février 1982 – 13 février 2009

« J’exprime ouvertement et clairement mes
dernières volontés dans cette déclaration à
la communauté internationale qui a échoué à
stopper le génocide contre les Tamouls vivant dans leur patrie
traditionnelle (les provinces du nord et de l’est du Sri Lanka),
commis par le gouvernement nationaliste bouddhiste du Sri Lanka, pour
réveiller le cœur de la communauté mondiale.

    Cette communauté mondiale qu’anime une
vision toujours unilatérale, déraisonnable sur les
esclaves, les pauvres et les minorités opprimées qui
vivent dans de nombreux pays parmi lesquels le Sri Lanka.

    Cette approche indifférente,
antidémocratique et inhumaine de la communauté
internationale et des organisations internationales, parmi lesquelles
l’ONU, aide toujours le terrorisme d’Etat qui frappe
toujours les minorités sur cette terre, parmi lesquelles les
Tamouls du Sri Lanka. Pour exposer cette vérité, je ne
parviens à trouver de meilleur moyen que de sacrifier ma propre
vie, si précieuse, en me brûlant moi-même devant le
monde entier.

    Je crois que les flammes sur mon corps, sur mon
coeur, et sur mon âme, aideront la communauté mondiale
à regarder de façon vraiment  humaine les grandes
souffrances des Tamouls du Sri Lanka. »