Congrès national des femmes et anti-congrès de 1975 : l'apogée du nouveau mouvement féministe
CONGRÈS NATIONAL DES FEMMES ET
ANTI-CONGRÈS DE 1975: LAPOGÉE DU
NOUVEAU MOUVEMENT FÉMINISTE
Nous reproduisons ici une
version condensée (les parties
résumées sont indiquées en rouge) et
traduite en français, dun article
rédigé par Renate Schär, qui sera
publié intégralement au mois de septembre, en
allemand, dans un ouvrage collectif dirigé par Janick
Schaufelbuehl et intitulé Les années 68 en
Suisse : une histoire inachevée, aux
éditions Chronos.
Du 17 au 19 janvier 1975 le 4e Congrès national des femmes
se tient à Berne. Il va servir de plateforme de discussion
par rapport à différents enjeux concernant la
place des femmes dans la société. Pour protester
contre ce congrès officiel qui fait limpasse sur
la question de linterruption de grossesse, des groupes issus
du nouveau mouvement féministe mettent sur pied leur
anti-Congrès qui se déroule
parallèlement au premier. Deux courants du mouvement
féministe vont ainsi se confronter publiquement lors de ces
deux événements. Dun
côté, les organisations féminines
traditionnelles, dont certaines ont été
fondées durant la deuxième moitié du
19e siècle déjà. De lautre,
celui quon appelle le nouveau mouvement
féministe, proche de la nouvelle gauche et du mouvement
estudiantin. Les divergences entre ces deux composantes sont
perceptibles et concernent tant le choix des thèmes que la
manière de les traiter, mais aussi les formes
daction à développer.
Les néo-féministes
zurichoises font parler delles dès novembre 1968.
Cette année-là, lassociation cantonale
pour le droit de vote de la femme fête ses 175 ans
dexistence. Profitant de cette occasion, les nouvelles
féministes interviennent pour dénoncer le fait
que lintroduction timide du droit de vote dans quelques
cantons na pas effacé les
inégalités entre les sexes. Contrairement au
mouvement des femmes traditionnel qui vise
légalité juridique et politique
effacée des femmes, les néo-féministes
attaquent la division entre privé et public en affirmant
un slogan devenu fameux par la
suite : « le
privé est politique ». Le nouveau
mouvement met laccent sur le droit à une
sexualité libre, non-dictée par des normes. Par
conséquent, comme ses homologues français,
allemand ou italien, il fait du droit à
lavortement un cheval de bataille. Au niveau
théorique, il se reconnaît dans certaines analyses
marxistes tout en les combinant à une critique du
patriarcat. Les féministes des années 70
développent de nouvelles stratégies pour
combattre loppression spécifique des femmes, tant
du point de vue juridique, que culturel, ou économique.
À côté des Zurichoises, des groupes
sont fondés dans plusieurs villes : les FBB
(Frauenbefreiungsbewegung) en Suisse alémanique, les MLF
(Mouvement de libération des femmes) en Suisse romande et
les MFT (Movimento Femminista Ticinese) au Tessin.
Le 4e Congrès national des femmes suisses
à Berne
1975 est proclamée « Année
internationale des femmes » par lONU.
Durant douze mois, diverses manifestations doivent se tenir sous le
signe de légalité, du
développement et de la paix. Point culminant de cette
mobilisation : la première conférence
mondiale de lONU sur les femmes, convoquée
à Mexico City, à
lété 1975, avec la participation de
déléguées de 133 pays. Son but
déclaré : entamer un dialogue,
au-delà des frontières nationales, sur
légalité des sexes. À cette
occasion, une structure ad hoc est mise sur pied, qui doit
répercuter le message onusien en Helvétie.
« La Suisse de lannée des
femmes », comme va sappeler cette
structure, est présidée par une juriste
zurichoise, qui sera élue plus tard Conseillère
nationale radicale : Lili Nabholz-Haidegger. À
lenseigne du slogan
« Partenaires », le congrès
envisagé par les initiantes se doit dexaminer la
place des femmes dans la société, ainsi que les
relations femmes-hommes à lintérieur
du couple. Au sein du groupe de travail, quelque 80 associations
hétéroclites, confessionnelles et de
bienfaisance, ainsi que des corporations diverses, côtoient
lAssociation pour les Droits de la Femme. Afin de ne pas
froisser les sensibilités des unes et des autres, et pour ne
pas heurter les femmes catholiques, les organisatrices sont
amenées à faire beaucoup de compromis. Ceci
explique pourquoi la question de lavortement est
laissée de côté au cours des travaux
préparatoires.
Pendant toute la durée du
Congrès, du 17 au 19 janvier 1975, des
conférences, des tables rondes et des expositions sont
organisées sur des sujets tels que « La
ménagère et la famille dans une
société en pleine
mutation », « Les problèmes
économiques et financiers des femmes »,
ou encore « La femme dans le monde du
travail ». Sept résolutions sont aussi
votées. Lune delles
préconise la création dun Bureau
fédéral sur la condition féminine, une
autre entend ancrer dans la Constitution le principe de
légalité entre les sexes. Cette
dernière résolution déclenche un vif
débat parmi les congressistes. Les femmes radicales et
libérales en particulier sont réticentes, arguant
du fait que le droit au suffrage féminin a
été acquis depuis trop peu de temps.
Cest pourquoi une résolution dans ce sens est
refusée par un gros tiers des voix (375 NON contre 682 OUI).
Dans un premier temps, lAlliance des
Sociétés Féminines (ASF) et son
pendant alémanique, le Schweizer Verband für
Frauenrechte ne soutiennent pas cette idée. Cependant le
Congrès va poser les premiers jalons dune
collaboration entre les féministes traditionnelles, qui
appuient les projets égalitaires, et le nouveau mouvement
des femmes, qui conduira in fine à lancrage du
principe de légalité des sexes dans la
Constitution, en 1981.
Lanti-Congrès :
protestations, fête et discussion
Alors quelles vont par la suite collaborer avec les
associations féminines traditionnelles, les militantes du
nouveau mouvement féministe critiquent le fait que les
organisatrices du Congrès ont laissé de
côté la question de lavortement.
Cest la raison qui pousse ces militantes à
organiser un anti-Congrès à Gäbelbach,
dans la banlieue bernoise. Venues de Zurich, Bâle,
Genève, Lausanne, Neuchâtel et Bienne, et
appartenant à des courants différents, les unes
se disant « autonomes », les
autres se revendiquant de « Femmes en
lutte », etc., elles réussissent
à mettre sur pied un anti-Congrès,
parallèlement au Congrès officiel.
« Ensemble nous
sommes fortes », devise de
lanti-Congrès, exhorte les femmes du mouvement
à être solidaires entre elles et unies dans
laction. Pour la première fois, les
différentes branches locales du FBB et du MLF
saffirment au niveau national par une démarche
commune. Sur les tracts dinvitation à
lanti-Congrès, elles exposent leurs positions,
critiquant en particulier le fait que le Congrès officiel
soit financé par des banques et des grandes
sociétés, donc par des entreprises qui, sur les
lieux de travail, oppriment les femmes. Elles prétendent que
le Congrès est « une manifestation de
privilégiées pour des
privilégiées », et que
celles qui subissent loppression spécifique le
plus durement, tant à la maison que sur les lieux de
travail, nont aucune place dans ce conclave officiel.
Elles sattaquent aussi au
choix des thèmes retenus pour les débats en
arguant, que « les grands discours sur la
collaboration et légalité, loin de
poser les véritables problèmes des femmes, ne
font que les masquer », ou que
« le thème du Congrès ne
peut intéresser, et encore, que celles qui ont la
possibilité de se libérer
individuellement ». Elles dénoncent
enfin le fait « que le Congrès a
rejeté délibérément la
question de lavortement ».
Au-delà du choix des thèmes retenus (qui
renforcent limage traditionnelle des femmes), les reproches
des militantes du mouvement à légard
des congressistes visent la façon dont ils sont
traités. La pléthore dinterventions
[50 en trois jours, NDT] et la difficulté davoir
une image claire de leur déroulement interdit toute
possibilité de débat et de dialogue. De
surcroît, les 500 francs de droits dinscription
exigés des groupes pour participer sont
considérés comme prohibitifs pour le Mouvement,
qui sest vu ainsi privé de parole pour les
travaux préparatoires [décisionnaires sur le
choix des thèmes, NDT].
Cest ainsi que,
parallèlement au Congrès officiel, se tient
lanti-Congrès, les 18 et 19 janvier 1975. Les
militantes des FBB/MLF exposent les raisons de leur manifestation
à la presse :
« Lanti-Congrès
nest pas une manifestation contre les participantes au
Congrès officiel, mais contre leur approche
erronée. Nous renonçons aux longs
exposés de personnalités bien connues (…) Nous
voulons une manifestation où chaque femme puisse
débattre librement de ses problèmes qui sont
aussi les nôtres. Des films, des jeux, des cabarets, une
fête, etc. Nous donnerons des impulsions. Nous allons
extérioriser le refoulé, parler de nos
émotions ».
Lanti-Congrès ne devait pas être
planifié jusquau moindre détail, mais
avoir plutôt le caractère dun happening
et garder un esprit ludique : « Notre souci
nest pas la perfection mais la
créativité et
louverture ». Contrairement au
Congrès officiel, où cest un homme qui
tient le discours dinauguration, le Conseiller
fédéral Hans Hürlimann (PDC), la
manifestation est organisée par des femmes pour des femmes.
Des hommes ont été enrôlés
pour tenir la garderie et vendre sandwichs et boissons.
Nouvelles questions féministes
Le sujet principal de lanti-Congrès est certes
lavortement, mais ses protagonistes abordent aussi des
thèmes comme lhomosexualité, le
salaire ménager, la condition des ouvrières,
ainsi que celle des détenues et des immigrées.
À louverture, elles entonnent des chants
féministes dans les différentes langues du pays.
De brèves productions théâtrales ou de
cabaret, des films, des spectacles audiovisuels ou des textes
diffusés précèdent à chaque
fois une vingtaine de débats. Des immigrées
italiennes témoignent de leur condition. Le film
français « Histoire
dA » est projeté, qui
présente à la fois les activités du
Mouvement pour la liberté de lavortement et la
contraception (MLAC) et la pratique de lIVG selon la
méthode Karman, qui a été interdite en
France pendant quelques mois. Non seulement, ce film
présente une activité
réprimée par la loi, mais il heurte les
« bonnes murs » de
lépoque, constitue une forte provocation et brise
un tabou.
Lhomosexualité
féminine est un autre thème important de
lanti-Congrès. Dans les années 70, ce
sujet simpose aussi au nouveau mouvement
féministe. Plusieurs petits groupes de lesbiennes qui ont vu
le jour font ainsi de lanti-Congrès
lune de leurs premières apparitions publiques.
Une pièce de
théâtre présentée par un
groupe de lesbiennes zurichoises montre ainsi les
difficultés des jeunes filles dorientation
lesbienne au niveau familial et social. Les Genevoises sen
prennent aux préjugés contre
lhomosexualité féminine en
présentant le « labyrinthe
lesbien », à la sortie duquel on voit
sa propre image projetée dans un miroir et
accompagnée du commentaire suivant :
« voilà à quoi ressemble une
lesbienne ». Une grande fête
clôt les travaux de cet anti-Congrès, auquel
participent quelque 500 à 600 personnes.
Renate Schär retrace ensuite
les péripéties de la décriminalisation
de lavortement, qui constitue alors un délit pour
lequel le Code pénal suisse prévoit des peines
allant jusquà 10 ans de réclusion. Une
initiative pour la décriminalisation de
lavortement est ainsi lancée en 1971, et
refusée en votation populaire. Nonobstant, le
Département fédéral de justice et
police met sur pied une commission dexperts qui a pour
tâche dexaminer la question et de proposer des
mesures législatives appropriées. Il en ressort
trois propositions : la solution des
« indications », des
« indications sociales » et
« des délais »,
dont aucune ne trouve grâce aux yeux des militantes du
Mouvement, qui réclament la liberté totale et la
gratuité de lavortement, des cours sur la
sexualité à lécole, de
même que la gratuité des anticonceptionnels. La
législation suisse sur lavortement ne sera
révisée quen 2002, soit 27 ans
après lanti-Congrès, avec
ladoption dune loi qui permet
linterruption de grossesse sur simple décision de
la femme pendant les douze premières semaines.
Débats internes et divergences
théoriques
Lors de ses contacts avec la presse, et vis-à-vis de
lextérieur en général, le
nouveau mouvement féministe donne une image
dunité. Pourtant, des conflits en son sein se
manifestent dès les travaux préparatoires de
lanti-Congrès. Cest ainsi que les
rivalités entre les Femmes progressistes de Suisse (FPS) et
laile alémanique du
Frauenbefreiungsbewegung (FBB) éclatent au grand
jour. Les FPS ont été constituées en
1975, par des militantes des POCH (Organisations progressistes de
Suisse, de tendance néo-communiste). Par la suite, elles
sont restées proches de cette formation qui se revendique de
la lutte des classes. Le désaccord entre le FBB et les FPS
porte sur des questions relatives aux aspects fondamentaux de la
stratégie à suivre (par les militantes
féministes), tout particulièrement en ce qui
concerne lautonomie du mouvement. Autonomie
définie comme prise en charge de la défense des
intérêts spécifiquement
féminins par des groupes de femmes non-mixtes.
Daprès le FBB,
seul un mouvement des femmes indépendant des organisations
politiques de la nouvelle gauche peut faire avancer la cause de
lémancipation (féminine). Il y a
alors, dun côté, le mouvement autonome
FBB, qui fait de la critique du patriarcat son cheval de bataille, et
de lautre les FPS, pour qui loppression des
femmes nest quun aspect de la question plus
générale de la lutte des classes dans une
société bourgeoise. Le dépassement du
capitalisme, lémancipation de la classe
ouvrière, conduiraient ipso facto à la
libération des femmes, affirment ces dernières.
En outre, le FBB critique les comportements militants des hommes de la
nouvelle gauche qui perçoivent la discrimination des femmes
comme une « contradiction secondaire du
capitalisme », et pire, la reproduisent dans leurs
propres rangs, créant des rapports de subordination des
militantes à leurs camarades masculins.
Le FBB/MLF est dès le
début critique quant à la participation des FPS
à lanti-Congrès. Par la suite, il leur
reprochera de ne sêtre impliquées que
de manière minimale à sa mise sur pied et
davoir utilisé adroitement les
conférences de presse pour faire croire que
lanti-Congres était leur uvre.
« Incontestablement, ce qui importe aux POCH (les Femmes
progressistes) est dêtre au centre de
lactualité politique. Elles se croient, elles
seules, détentrices du message de salut public, donc hors
des POCH point de salut ».
Daprès les critiques du FBB/MLF,
« le but de la présence des FPS
à Berne est de faire parler de leur parti et de son
rôle dirigeant dans la lutte des classes par tous les
moyens »; or, « vouloir attirer
lattention par de telles pratiques est minable et
nocif ».
Toutefois, le mouvement
reconnaît quen amenant la problématique
« femmes
immigrées », les FPS ont
donné une nouvelle impulsion à
lanti-Congrès. Le FBB/MLF sefforce
ainsi de se démarquer du mouvement traditionnel tout en
refusant de passer sous la tutelle des organisations de la nouvelle
gauche, dominées par les hommes.
Daprès les analyses du FBB/MLF, ces organisations
ne sopposent pas assez rigoureusement à la
discrimination des femmes. Pour cela, la collaboration avec des groupes
de femmes qui, en soi, leur sont politiquement proches, est
marquée de tensions. En 1977, le groupe FPS se dissout en
faveur de lOFRA (Organisation pour la cause des femmes), une
organisation de femmes autonome à vocation nationale. Ainsi,
lorganisation nouvellement créée
saligne-t-elle sur les positions du FBB/MLF concernant
lautonomie du mouvement.
Provocations et actions de
« rupture » lors du
Congrès
Les militantes du nouveau mouvement des femmes ont recours à
différents moyens pour faire entendre leur voix au sein
même du Congrès officiel et attirer
lattention sur la question de lavortement. Alors
quelles critiquent cette conférence, à
Berne et à Zurich, ces femmes entendent y être
présentes. Elles y distribuent des tracts et y montrent des
films. Notamment, celui qui présente les
témoignages de cinq femmes qui se sont fait avorter par des
moyens non conformes à la loi. La provocation par
laction est à lordre du jour et fait
même partie intégrante de la stratégie
des FBB/MLF : choquer pour faire parler les
médias, déclencher des réactions parmi
leurs adversaires et influencer lopinion publique. Elles
procèdent ainsi à des actions spectaculaires,
appelées « ruptures de
règle » ou
« Normbruch ».
Ces interventions sont
chargées dhumour, en voici un premier exemple. Le
Congrès officiel avait prévu un
défilé de mode. Cest alors que
quelques femmes du Mouvement, déguisées en
clowns, font irruption en sifflant dans le prestigieux Kursaal; elles
montent sur la passerelle et singent les mannequins, ceci pour
dénoncer lutilisation de la femme comme objet
sexuel. Autre exemple : alors que Jeanne Hersch, professeur
de philosophie à Genève, donne une
conférence inscrite au programme, une centaine de militantes
du MLF pénètrent dans la salle en sifflotant.
Elles y déploient des banderoles sur lesquelles on peut lire
dans les trois langues nationales : « Des enfants
OUI ou NON, cest nous qui
décidons », ou « Notre ventre
nous appartient », et commencent à
interpeller les congressistes sur la question de
lavortement. Les organisatrices leur cèdent le
micro et les laissent alors exposer par quelques brèves
interventions leurs arguments sur la question.
En reprochant aux congressistes davoir voulu
écarter lavortement de la liste des
thèmes à discuter, les militantes FBB/MLF
parviennent malgré tout à ce que, sous une forte
pression, les organisatrices acceptent la tenue dune
« tribune libre »,
cest-à-dire dun débat
public sur lavortement. À lissue de
cet échange mené en français, elles
peuvent présenter en plénière une
résolution sur « la protection de la
grossesse ». Curieusement, cette
résolution ne déclenche pas de débat
et est acceptée sans problème majeur, il est
vrai, sans les voix des femmes du PDC et des représentantes
des associations catholiques
Bilan et conclusions
De plusieurs points de vue, lanti-Congrès a
été un succès pour le nouveau
mouvement des femmes. Les divers groupes
néo-féministes ont réussi une
entrée spectaculaire et médiatique sur la
scène publique. Ceci, malgré leurs
désaccords internes et leurs divergences
théoriques. Leur démarcation nette des
organisations féminines traditionnelles et la confrontation
directe avec elles y ont été pour quelque chose.
À travers leurs actions médiatiques et les
débats politiques quelles ont menés,
les FBB/MLF ont enfin réussi à mettre
à lordre du jour la thématique de
linterruption de grossesse. Grâce à ce
sujet précis, sur lequel sest focalisé
le débat, les différents groupes ont pu
intensifier leur collaboration, déclenchant ainsi de belles
mobilisations. Cet esprit solidaire sest clairement
affirmé à loccasion des manifestations
du 8 mars pour la Journée internationale des Femmes, tout au
long des années 70, au cours desquelles
lavortement est resté au centre de
lattention.
Après 1975, les femmes du
Mouvement ont été aussi davantage enclines
à collaborer avec les organisations féminines
traditionnelles sur des questions légales. En fait, le
mouvement des femmes traditionnel nétait pas
homogène. Il se composait de diverses associations
féminines poursuivant des buts différents les
unes des autres. Mais déjà,
lanti-Congrès avait
démontré que dorénavant, les questions
à débattre ne viendraient plus de la
« vieille » frange du
mouvement des femmes, mais du nouveau mouvement aux
sensibilités sociales déclarées.
Appelé à intervenir lors des débats,
et même à en fixer le contenu, le mouvement se
devait davoir une meilleure structuration. Même si
ces considérations nont pas conduit à
la création dune organisation nationale, les
néo-féministes ont ainsi commencé
à établir des liens avec dautres
mouvements et à influencer les partis politiques
institutionnels, comme le Parti socialiste. [Mais ceci est une autre
histoire, NDT].
Renate Schär*
* Doctorante à
lUniversité de Berne. Traduction
française, coupures et résumés
dAnna Spillmann-Andreadi. Intertitres de notre
rédaction.
—————————–
Méthode Karman
La méthode Karman préconise une aspiration du
ftus au moyen dune canule. Elle porte le nom du
médecin qui la pratiquée le premier
aux États-Unis. Elle peut se faire de façon
ambulatoire, ce qui réduit le caractère invasif
de lintervention, évite à la patiente
une absence prolongée et lui épargne ainsi les
questions indiscrètes de son entourage. Autre avantage:
lIVG peut être pratiqué par un
personnel médical bien formé, sans
requérir lintervention dun-e
gynécologue. Pour lanecdote, le Dr Karman, proche
des milieux féministes de Chicago, avait même
réussi à pratiquer cette intervention dans un
bus, et ceci dès la fin des années 60. A.S.
—————————–
Pour en savoir un peu plus
sur lhistoire du MLF
Vient de paraître :
Carole Villiger, Notre ventre, leur loi. Le
mouvement de libération des femmes de Genève,
Neuchâtel, éditions Alphil, 2009.
Ce livre traite des revendications
féministes de laprès 1968, et de la
lutte de ses militantes pour
« lavortement libre et
gratuit » et la contraception accessible
à toutes. Son auteure, Carole Villiger a utilisé
les archives du mouvement et interviewé des militantes.
Louvrage comporte aussi une riche iconographie.
Deux classiques :
Maryelle Budry et Edmée Ollagnier
(éd.), Mais
quest-ce quelles voulaient ? Histoires
de vie du MLF à Genève, Lausanne,
Éditions den bas, 1999.
Un classique essentiel à lire
et/ou à consulter, conçu pour transmettre aux
générations ultérieures quelques
fragments de lhistoire du MLF.
Julie de Dardel, Révolution sexuelle et
Mouvement de libération des femmes à
Genève (1970 1977),
Lausanne, Éditions Antipodes, 2007.
Un livre incontournable : quelle compétence,
quelle précision, et sans pédanterie