Place à une sélection accrue des élèves à l'école obligatoire!
Place à une sélection accrue des élèves à l’école obligatoire!
La série des votations sur le
Cycle dOrientation est terminée, le dernier
épisode en a été brutalement
supprimé ! Pourtant, cétait le seul qui se
tournait vers un avenir moins sélectif pour
lécole, et qui aurait pu garantir une scolarité
complète à tous les élèves.
Pourquoi ce retrait?
Lors du premier vote sur le Cycle dOrientation, le 17 mai, le
contreprojet du Grand Conseil a obtenu 75 % des voix. Contre ce
score élevé, linitiative 138, qui devait
être votée en septembre, semblait avoir peu de chance.
Doù la tentation de la retirer pour ne pas affaiblir les
organisations layant lancée et garder une
« crédibilité » sur les
thèmes de linitiative. Léchec
programmé aurait pu, a-t-on entendu, faire ressurgir de leurs
cendres Arle et Réel, étrillés par
léchec de leur initiative réactionnaire le 17 mai.
Malgré ce raisonnement (qui évite
comme par hasard dentrer dans le débat sur la fonction de
lécole en cette période électorale), les
associations professionnelles actives dans lécole
obligatoire, la SPG (Société pédagogique
genevoise, pour le primaire) et la FAMCO (Fédération des
associations de maîtres-ses du C.O.) se sont clairement
prononcées pour le maintien de linitiative lors des
votations de septembre.
Les enseignant·e·s des Cycles qui
appliquent depuis plus de 30 ans le système prôné
par linitiative 138 (7e hétérogène, puis 8e
et 9e hétérogènes avec cours à niveaux et
options) se sont particulièrement mobilisés pour montrer
à leurs collègues les bénéfices que les
élèves, mais aussi les enseignant·e·s,
retirent de ce système moins sélectif, pourtant encore
perfectible !
Quel est le poids des gens du terrain? Que
pèsent les prises de position de deux associations
professionnelles regroupant des centaines de membres ? Rien
apparemment, ce sont 8 des 15 personnes ayant signé
linitiative lors de son lancement, qui se sont cru
légitimées à biffer plus de 10 000 signatures et
à ignorer les positions des associations professionnelles.
Parmi ces 8 personnes : le
représentant du PS, ceux de la Coordination enseignement, du
personnel des écoles professionnelles, des associations de
parents du primaire. Aucune des ces organisations na
été consultées avant le retrait des signatures.
Pour le maintien de linitiative, les 7
autres, dont les représentant·e·s de la SPG et de
la FAMCO, celles et ceux de solidaritéS, du PdT ou des
Communistes, des « Indépendants » et
dAttac.
La décision de retirer linitiative a
été prise au prétexte de garanties écrites
envoyées par Charles Beer (conseiller dEtat en charge du
DIP) concernant deux autres points de lIN 138 :
– mise sur pied dune commission devant assurer la coordination
des mesures de soutien pédagogique aux élèves en
difficulté, y compris entre les degrés et ordres
denseignement. Cette commission, qui doit se réunir 4
fois lan, évaluera aussi lutilisation des
ressources allouées (10 millions), votées avec le
contre-projet.
– validation des acquis de formation entre les différentes
filières du secondaire II, en cas de changement
dorientation.
Ces points sont importants, leur application
permettra sans doute de mieux soutenir une part des
élèves rencontrant des difficultés,
démotivés par des échecs
répétés ou par le manque de perspectives dans leur
filière. Mais ils ne sont quun emplâtre sur un
système engendrant lexclusion et léchec!
Importance des classes hétérogènes
En effet, le système de sections, prévu dans le
contreprojet, ne peut quaboutir au sentiment dexclusion
pour les élèves en difficulté. Le regroupement de
ces élèves dans une même filière, non
seulement les démotivera, mais démotivera aussi les
enseignant·e·s, qui baisseront les exigences et
létendue des programmes pour sadapter aux
résultats de leurs élèves
qui du coup se
retrouveront encore plus en retard par rapport à leurs camarades
plus scolaires
Dans ces conditions, quel sens aura un appui
pédagogique, aussi bien coordonné soit-il ?
Les classes hétérogènes
prévues par lIN 138, au contraire, permettent de tirer
ces élèves en avant en les faisant travailler avec
dautres élèves, leur donnant loccasion
détudier des programmes plus variés et
approfondis, en les intégrant mieux dans lécole.
Un système scolaire sans filière a
aussi un autre sens pour les élèves en difficulté,
car un plus grand nombre de formations et décoles leur
restent ouvertes à la fin de la scolarité obligatoire. Il
permet, et cest important après le retour des notes
à lécole primaire et la surenchère
dépreuves cantonales, de retarder la sélection
après lentrée au C.O., et donc de relativiser les
notes et moyennes que Beer a réintroduites avec application
après le vote sur les notes au primaire (sept. 2006).
Malheureusement, suite au retrait de lIN 138,
ce débat sur
lhétérogénéité naura
pas lieu. Lalternative aux sections et à une
sélection à lécole primaire est
renvoyée à un avenir flou. Ne restent que le contreprojet
et ses filières qui décident lavenir professionnel
des élèves avant lâge de 11 ans.
Et maintenant?
La loi genevoise sur linstruction publique, en son art. 4, exige
que lenseignement public donne à chaque
élève le moyen dacquérir les meilleures
connaissances, que chaque élève développe de
manière équilibrée sa personnalité, que
lécole respecte les choix de formation des
élèves, quelle
tende à corriger les inégalités des chances de réussite scolaire
Lécole à trois sections, qui
sélectionne et dirige les élèves vers des
formations déterminées, viole cette loi. Seule, une
école obligatoire sans filière, dotée des moyens
nécessaires au soutien des élèves moins scolaires,
et qui donne à toutes et tous la possibilité
datteindre les mêmes objectifs dapprentissage,
permettra de se battre contre les inégalités de chances.
Il est urgent de reprendre la lutte pour cette école-là,
sans concession à un système économique et social
qui divise, exploite et exclut.
Claire Martenot