Crèches à 10.-La journée: les réactions négatives n'ont pas tardé...
Crèches à 10.-La journée: les réactions négatives n’ont pas tardé…
Dans le numéro 148 de
solidaritéS, nous présentions le projet du gouvernement
jurassien en faveur dun tarif de crèche uniforme à
10 francs par jour, lessentiel du financement devant être
assuré par lEtat (76%) et par un
prélèvement sur les salaires de 0,14%.
Nous avions souligné laspect intéressant de cette
proposition qui favorisait le libre choix tant pour la mère que
pour le père et permettait déviter quune
grande partie du salaire ne soit engloutie dans les frais de garde ;
nous faisions également remarquer que lintroduction de ce
tarif allait buter sur linsuffisance criante du nombre de places
en crèche dans tous les cantons. Bref, nous expliquions pourquoi
cette idée jurassienne méritait lattention de
celles et ceux qui comprennent quinvestir dans les
crèches est non seulement une nécessité, mais un
réel choix davenir (favorable à la socialisation
de lenfant, à lémancipation des femmes, et
créateur demplois).
Mais à peine présenté,
voilà déjà que les résistances à ce
projet saffichent ! Dun côté, la
chambre jurassienne du commerce et de lindustrie a fait
connaître son opposition à tout prélèvement
sur les salaires, aussi minime soit-il (la moitié du
prélèvement, soit 0,07 %, serait à leur
charge). Ces Messieurs veulent bien des subsides et des soutiens, du
personnel à disposition, mais pour passer à la caisse,
non merci à dautres. Dans leur opposition, ils ont
été rejoints par le secteur le plus réactionnaire
de la société qui soutient les formes traditionnelles de
la famille, avec la mère au foyer et le mari au turbin. Ainsi,
un couple des Breuleux, dont la femme est mère au foyer,
récolte des signatures sur une pétition qui
sélève contre ce projet de loi : ils ne
veulent pas participer au financement de structures quils
nutiliseront pas !
Cette opposition à
lémancipation des femmes, à leur participation
active à la vie professionnelle , sauf pour les pauvres qui
nont pas le choix est très présente en
Suisse. Voilà qui rendra difficile une victoire en votation sur
ce thème, car il est évident que seule une
minorité est directement et personnellement
intéressée à lexistence de crèches
de qualité en nombre suffisant. Cest ce qui avait fait
échouer, en votation populaire nationale,
lassurance pour un congé parental et, pendant plus
de 50 ans, lassurance maternité.
À remarquer que tous les services publics
sont logés à la même enseigne ; tout le
monde finance lécole, quil ait des enfants ou non,
tout le monde finance les hôpitaux, quil soit malade ou en
bonne santé. Mais le libéralisme cherche à casser
ce système en privatisant chaque institution et en rendant son
accès payant. En toute logique, il va évidemment
sopposer à une extension du financement par
solidarité, pourtant nécessaire aux crèches et aux
structures daccueil des enfants. La crise actuelle risque bien
de renforcer tous les réfractaires à ces lieux
démancipation et de socialisation que sont les
crèches. Cest pourquoi, dans les mois et les
années qui viennent, il faudra, à Neuchâtel comme
ailleurs, unir inlassablement toutes les énergies visant
lémancipation sociale, pour faire obstacle aux forces
réactionnaires qui entendent renvoyer les mères au foyer.
Marianne Ebel