NON au projet centrale à gaz des services industriels genevois
NON au projet centrale à gaz des services industriels genevois
Le projet des Services Industriels
Genevois (SIG) de construire une centrale chaleur/force
alimentée au gaz au Lignon a suscité un débat
fourni au sein de solidaritéS (cf. n°139 et 143). Notre
dernière assemblée générale sest
cependant exprimée à une nette majorité contre
cette installation, même si un certain nombre de membres
présents ont choisi de sabstenir ou de ne pas participer
au vote en raison dune information jugée encore
« incomplète ». Voici quelques
éléments qui ont fait pencher la balance en faveur du non
à la centrale.
1. Ne pas opposer antinucléaires et défenseurs du climat.
Lexigence dune sortie rapide du nucléaire, source
dénergie extrêmement dangereuse, ne fait pas
débat ici. Depuis quelques années, lurgence de la
lutte contre le réchauffement climatique nous empêche
pourtant de prôner les mêmes solutions quil y a 30,
20, voire même 10 ans, où lon pouvait encore
considérer que la sortie du nucléaire obligeait à
recourir « transitoirement » au gaz. En 2009,
une position favorable à cette option risquerait de diviser le
mouvement écologiste entre antinucléaires
« historiques » et défenseurs du
climat. Or, ces deux combats convergent sur un point essentiel :
réduire la consommation dénergie et les
gaspillages.
2. Priorité à la réduction des gaspillages et de la consommation.
Nous défendons des mesures ciblées sur le chauffage
(isolation des bâtiments), la circulation automobile
(réduction du trafic privé) et laéroport
(réduction du trafic aérien). Sans oublier la
nécessaire diminution de la consommation
délectricité (en particulier des gros
consommateurs). Il faut donner un message cohérent avec le
projet de société socialiste et anti-productiviste que
nous défendons ! Genève et la Suisse doivent
être à lavant-garde de la bataille pour
réduire de 80 à 95 % (sur la base des
consommations de 1990) les émissions de gaz à effet de
serre dici 2050, selon les recommandations du GIEC. Quel sens
prendrait sinon notre exigence dun accord ambitieux à
Copenhague en fin dannée ?
3. Refuser une nouvelle source importante démission de CO2.
La construction de cette nouvelle centrale serait perçue comme
laveu quil est nécessaire daccroître
la consommation délectricité dans les
années à venir… Rappelons quelle
émettrait léquivalent en CO2 de 20 000
voitures supplémentaires parcourant 25 km chaque
jour ! Quelle crédibilité aurions-nous alors par
rapport aux automobilistes en leur demandant dopter pour la
mobilité douce ? Le fait que cette centrale chaleur-force
soit plus « rationnelle » que les centrales
thermiques étrangères auprès desquelles nous nous
approvisionnons encore partiellement, nest pas un argument
convaincant. Celles-ci continueront à fonctionner à
plein, compte tenu du trend actuel de croissance de la consommation
électrique à léchelle mondiale. Il
sagit bien dune production supplémentaire de
CO2 !
4. Réduire les gaspillages au lieu de produire plus.
La centrale chaleur-force prévue remplacerait des
chaudières dimmeubles par un réseau de chauffage
à distance, ce qui compenserait une partie des émissions
supplémentaires de CO2. Or, quand bien même le bilan
énergétique de ce système de chauffage à
distance savérerait favorable par rapport aux chauffages
individuels, en dépit des déperditions liées
à la circulation deau chaude sur des kilomètres,
il serait cependant possible de faire mieux en isolant dabord
les logements concernés, ce qui représente un
investissement à long terme. Le recours au gaz ne devrait
être envisagé quensuite (de manière
très localisée), si les solutions alternatives (panneaux
solaires thermiques, pellets de bois) savèrent
insuffisantes. Il faut appliquer le même raisonnement à
lélectricité. Lénergie la moins
mauvaise pour lenvironnement restant celle que lon ne
consomme pas.
5. Une dépense sans avenir.
Les montants articulés pour la construction de cette centrale
(200 millions de francs) ne prennent pas en compte les très
probables augmentations des prix du gaz (indexés sur ceux du
pétrole), quil faudra acheter sur un marché
mondial très tendu. Or, les scénarios officiels
prévoient une décroissance de 40 % de la
production de gaz de lUnion Européenne dans les dix
prochaines années, ce qui nous fera dépendre encore plus
dapprovisionnements lointains (Russie, Iran, etc.). Les moyens
dilapidés pour acheter cette énergie fossile seront aussi
perdus pour la rénovation dimmeubles ou les plans
déconomie dénergie
6. La population doit semparer de ce débat.
Il ne faut pas laisser ces choix aux mains des seuls experts des SIG,
dont le mandat est de produire de lénergie. Profitons
justement du fait quils sont plus faciles à
contrôler que les électriciens privés ! Les
mêmes experts (avec le soutien de la droite) navaient-ils
pas, en dautres temps, jugé
« indispensable » dagrandir
lusine dincinération des Cheneviers, qui
savère aujourdhui surdimensionnée !
La consommation délectricité et les besoins de
chauffage peuvent se stabiliser et décroître si nous en
avons la volonté politique. Des premiers pas en ce sens (certes
trop timides) seront faits au niveau fédéral dès
2012 avec entre autres une quasi-interdiction des
ampoules à incandescence
7. Priorité aux investissements publics pour les
économies dénergie et la production
dénergies renouvelables.
LEtat de Genève devrait développer des
investissements massifs dans le secteur de lisolation des
bâtiments, des transports publics et des infrastructures qui
favorisent la mobilité douce, mais aussi des énergies
renouvelables et des économies dénergie
Ces investissements, qui contribueraient à lutter contre le
chômage en répondant à des besoins prioritaires de
la population et de lenvironnement, pourraient être
financés par un effort fiscal des privilégiés
(à qui la droite et les Verts sapprêtent à
faire de nouveaux cadeaux) et des très gros consommateurs
énergétiques (industries, aéroport, centres
informatiques, grands magasins, etc.).
Jean Batou & Thibault Schneeberger