Ruban blanc et peurs bleues
Ruban blanc et peurs bleues
« Ruban
Blanc » est organisé par des hommes qui cherchent
à mettre fin à la violence faite aux femmes. Aucune
couche sociale nest à labri, aucune tranche
dâge non plus. Leurs auteurs ont un dénominateur
commun : le mépris des femmes. La campagne Ruban Blanc
propose quelques pistes de réflexion.
Le 6 décembre 1989, à lÉcole Polytechnique
de Montréal, une soixantaine détudiants en
ingénierie mécanique écoutent
lexposé dun de leurs collègues. Un homme
armé pénètre dans la salle, prend la place du
conférencier et ordonne aux hommes et aux femmes de se
séparer en deux groupes distincts. Il fait sortir les hommes et,
après avoir accusé les femmes dêtre des
« féministes », ouvre le feu.
Cest le début dun bain de sang qui se poursuivra
dans lécole : 14 tuées, 10 femmes et quatre
hommes blessés. Lauteur se suicidera à la fin,
laissant une « lettre dadieu » pleine
de haine contre les femmes. La société canadienne
sinterroge alors sur les violences faites aux femmes et des
hommes se réunissent pour les dénoncer publiquement. Un
ruban blanc porté les jours de commémoration de
lhorrible carnage doit manifester leur prise de conscience.
Dix ans plus tard, en décembre 1999,
lAssemblée générale de lONU adopte
la résolution de tout mettre en uvre pour éliminer
les violences à légard des femmes, et invite les
gouvernements et les ONG publiques et privées à
travailler pour cet objectif. Lidée fait son chemin,
soutenue par des partenaires locaux ou régionaux. Le 14
février 2009 voit naître à Genève
« Ruban Blanc campagne suisse ».
Plusieurs « ambassadeurs » sont
recrutés, des hommes occupant des positions sociales en vue,
prêts à plaider cette cause. Rémy Pagani est un des
premiers à y avoir adhéré, avec François
Longchamp, Pierre Maudet et René Longet.
« Ruban Blanc » a
organisé un après-midi de conférences le 25
novembre à Genève et a présenté les
objectifs de la campagne Ruban Blanc, un projet de prévention
des violences. La réponse à ce problème passe par
laction publique et la collaboration entre gouvernement et
population, hommes et femmes de la société civile. En
parler, essayer de comprendre est déjà une amorce de
réponse. Il faut informer le public, surtout les jeunes,
renforcer les programmes de prévention et faire pression sur le
gouvernement suisse pour quil finance des projets locaux.
Lors de la table ronde, sept participants
confrontés à cette question ont parlé de leurs
expériences. Tous des hommes, à part Luiza Vasconcelos,
représentante du Service pour la promotion de
légalité. Leurs interventions ont toutes
été pertinentes; mais trois intervenants ont
abordé le problème dune manière
particulièrement intéressante :
David Bourgoz du bureau du Délégué aux violences
domestiques compare volontiers le travail qui peut être fait avec
les hommes violents et les femmes violentées à celui qui
est fait avec les toxicomanes : « oser
parler ». Un numéro de téléphone
permet de parler anonymement et dêtre écouté
lors dun premier contact, qui peut être suivi
dentretiens en groupe ou individuels avec un spécialiste.
Il évoque des mesures de prévention tant au niveau
individuel que collectif et relève à cette occasion que,
grâce à des mobilisations féministes, le
« privé » est devenu
« public » et que la société
commence à se donner un droit de regard sur ce qui se passe
entre les quatre murs du foyer.
Le sociologue genevois Christian Schiess participe en tant que
représentant de lAssociation Viol-Secours. Seul à
prononcer le mot « sexisme », il observe
quun homme peut se dire opposé aux violences contre les
femmes, porter sur sa boutonnière un ruban blanc, tout en
étant sexiste à différents degrés :
de petits sifflements au passage dune femme, des rigolades, des
blagues; comme on peut se dire défenseur des étrangers
tout en ayant des attitudes racistes.
Dernier intervenant de la soirée, M. Wella Kouyou du HCR, qui se
propose de traiter des violences dont sont victimes ceux et celles qui
vivent dans des camps de déplacés et nont pas
lappui de leur gouvernement. Les femmes dans les camps des
réfugiés sont exposées à la double violence
des hommes de leur propre groupe et à celle venant des soldats
ennemis, qui lutilisent comme arme de guerre; la violence faite
aux femmes sert à asseoir leur pouvoir.
Anna Spillmann-Andreadi
Aide sociale contre caresses spéciales
Pedro est officier dans une Armée qui se veut pacifique. Il doit
porter secours et réconfort aux plus démunis et leur
apporter le message du Salut ce quil fait à sa
façon. Parmi les heureux destinataires du message, il y a
beaucoup de femmes étrangères. Plusieurs dentre
elles sont des sans-papiers, ce que Pedro sait fort bien. Efficace et
respecté, il a une tout de même une façon
très particulière de distribuer son aide. Il procure des
vêtements de sa boutique caritative à Maria, mais au
moment où elle entre dans la cabine dessayage, il
sy glisse aussi. Une autre aimerait une aide financière
ponctuelle, et Pedro cest donnant donnant lui
demande des fellations. Ayant aidé lune de ses
« chicas » à trouver un
logement, il lui arrive de lhonorer de visites-surprises et de
lui montrer que, sous son uniforme, il reste un homme, un vrai. De
sorte que le « petit coucou » à
Dolores, une mère de famille qui a laissé mari et enfants
au pays et travaille ici, lui vaudra un procès pour viol et
contrainte sexuelle. Les langues se déliant, notre bon pasteur
se voit confronté à trois plaignantes… Des
sans-papiers, dont il avait abusé viennent témoigner,
primo des abus sexuels subis et, secundo, de la désinformation
dont elles ont été victimes, car il leur avait fait
croire quen absence de permis de séjour, elles
navaient aucun droit.
Lex-capitaine, qui a déclaré
lors de son procès être « dabord
responsable face à Dieu et ensuite face aux
hommes » a écopé de deux ans de prison avec
sursis, bénéficiant de la circonstance atténuante
du temps écoulé (les faits remontent au début des
années 2000). Car pour la justice genevoise, une femme
sans-papiers qui se fait violer doit se rendre sans tarder au poste de
police pour porter plainte… (
ASPA