21 mars : journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale

21 mars : journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale

La Journée internationale pour
l’élimination de la discrimination raciale est
célébrée chaque année le 21 mars, pour
commémorer ce jour de 1960 où, à Sharpeville
(Afrique du Sud), la police a ouvert le feu et tué 69 personnes
lors d’une manifestation pacifique contre les lois relatives aux
laissez-passer imposées par l’apartheid (ONU, New York, 17
mars 2004).

Compromise avec le nazisme, la Suisse officielle a été
profondément raciste (antisémite). Elle l’est
restée. En 1989, le régime d’apartheid, auquel la
Suisse officielle n’avait pas ménagé son appui,
s’effondrait en Afrique du Sud. S’apprêtant à
prendre le virage, la Suisse se propose alors d’adhérer
à la Convention internationale de l’ONU sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale.

Le tour de passe-passe de la Suisse

En septembre 1994, elle fera d’une pierre trois coups avec
l’adoption d’une soi-disant « loi contre le
racisme ». Fermant l’accès de la Suisse
« aux ressortissants des pays qui n’ont pas les
idées européennes (au sens large) », elle se
donnera les moyens d’imposer une politique d’immigration
conforme aux nouveaux intérêts des milieux dominants
occidentaux. Limitant son engagement contre le racisme à une
norme pénale, elle protègera son racisme d’Etat.
Liquidant à bon prix son contentieux avec
l’humanité et la judéité, elle dissimulera
l’ampleur de son antisémitisme passé.

    La duplicité n’explique pas la
performance. Le déficit dans la perception du racisme joue un
rôle important. En Europe, seul l’épouvantable
génocide commis par les nazis a suscité un mouvement
– insuffisant à protéger les Roms – qui en
préserve la mémoire et combat
l’antisémitisme. Les autres formes du racisme
procèdent du colonialisme, et ce dernier n’a jamais
été condamné comme l’a été
l’antisémitisme. Elles n’ont jamais suscité
une telle opposition.

Avec l’initiative de 1893 contre l’abattage rituel, la
Suisse donnait ses premiers succès à
l’antisémitisme d’Etat. L’adoption de la
récente initiative islamophobe rend service aux partis et aux
régimes qui cultivent l’identité nationale et le
sentiment d’insécurité, qui engluent leurs
compatriotes dans un nationalisme racial qui affecte leur
capacité à défendre leurs intérêts
sociaux, démocratiques, humains.

Expériences de terrain et projets législatifs

Les 8 et 11 août 2008, le Comité pour
l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a
examiné le troisième rapport périodique
présenté par la Suisse. Il lui adressait alors de
très sévères recommandations en lui enjoignant de
reconnaître enfin la définition du racisme qui est celle
de la Convention qu’elle a ratifiée en 1994, de retirer
ses réserves à l’application de la Convention et
d’adopter enfin une loi générale contre le racisme.

Le 17 août 2004, le quotidien vaudois 24 heures lance une affaire
qui va provoquer une forte mobilisation :
« Privée de blouse blanche parce qu’elle est
noire ». Il expose le refus  d’un employeur
d’embaucher une aide-soignante en raison de sa couleur. Tout au
long d’un important procès, ACOR SOS Racisme a
multiplié les manifestations, sensibilisé les
associations professionnelles, le Grand-Conseil et le Conseil
d’Etat vaudois, et réuni des milliers de
personnalités sur une pétition. Le tribunal a finalement
reconnu, en mai 2005, l’atteinte à la personnalité
qu’a subie cette salariée. Il a condamné
l’employeur à lui verser 5000 francs de dommages et
intérêts.

    Dans la foulée de cette mobilisation, le 17
décembre 2004, le groupe Verts a déposé aux
Chambres fédérales une motion demandant une loi contre la
discrimination raciale dans le monde du travail. Le 23 février
2005, le Conseil fédéral a proposé son rejet.
Cette motion est enterrée. Le 23 mars 2007, le conseiller
national socialiste Paul Rechsteiner et huit cosignataires ont
déposé à leur tour une initiative parlementaire
pour une loi sur l’égalité de traitement qui
prévienne et élimine toute forme de discrimination
fondée sur le sexe, la couleur de peau, l’origine
ethnique, la religion, les convictions philosophiques,
l’âge, un handicap ou l’identité sexuelle.

Pas d’avancées sans mobilisations

Le 2 septembre 2009, le Conseil national a balayé
l’initiative Rechsteiner. En renversant le fardeau de la preuve,
son projet dépassait le droit actuel : « Il
est susceptible de créer des difficultés dans le droit du
travail et le droit du bail en affaiblissant le principe de la
liberté de contracter ».

    Le 20 mars 2009, à la veille de la
Journée internationale contre le racisme, la conseillère
nationale Bea Heim avait interpellé le conseil
fédéral: quelles conséquences tirera-t-il des
recommandations du CERD du mois d’août 2008 ? A-t-il
une stratégie pour combler les lacunes de la législation
nationale en matière de non-discrimination? Le 20 mai 2009,
l’exécutif lui a répondu que Paul Rechsteiner avait
déposé une initiative parlementaire, qu’il
réclamait une loi générale sur
l’égalité de traitement, et que le Conseil
fédéral suivrait attentivement la discussion qui aura
lieu dans ce cadre. Et pour cause, le 4 mai 2009, la commission des
affaires juridiques du Conseil national appelait à rejeter
l’initiative Rechsteiner…

    Début 2010, la Commission
fédérale contre le racisme, commission consultative
auprès du Conseil fédéral, publie sa très
bonne brochure : « Le droit contre la
discrimination raciale, Analyse et recommandations »
(www.ekr.admin.ch). Elle énumère tous les manquements de
la Suisse au droit international en matière de lutte contre le
racisme. Lutter contre le racisme est donc à l’ordre du
jour. Il y faut de la volonté politique, la volonté de
s’engager effectivement pour l’égalité de
traitement, aux côtés de toutes celles et ceux à
qui elle est refusée.

Karl Grünberg

ACOR SOS Racisme