Assurance-Chômage: faire valoir le principe de solidarité contre la loi de la jungle

Assurance-Chômage: faire valoir le principe de solidarité contre la loi de la jungle

Plus de 170 000 salarié·e·s sont
actuellement au chômage en Suisse (sans compter les fins de
droits, le chômage partiel et le sous-emploi). C’est dans
ce contexte que, sous l’impulsion du Seco, le Conseil
fédéral a proposé la 4e révision de la LACI
(loi fédérale sur l’assurance chômage et
insolvabilité), adoptée par les chambres le 16 mars
dernier. Celle-ci est combattue par un large front
référendaire syndical et politique, auquel
solidaritéS participe activement. Plus de 50 000
signatures doivent être récoltées d’ici la
fin juin… et le Conseil fédéral a d’ores et
déjà fixé la date de votation au début de
l’automne, le 26 septembre prochain, pour restreindre au maximum
le temps de campagne des opposant·e·s.

    Rappelons les principales attaques antisociales prévues par cette révision :


1. Allongement de la période de
cotisation donnant droit à 400 jours
d’indemnités : de 12 à 18 mois (260 jours
après 12 mois) ;




2. Pénalisation des
assuré·e·s de moins de 25 ans sans charges de
famille (200 jours au lieu de 400  ; 90 jours au lieu de 260 pour les
étudiant·e·s en fin de formation) ;




3. Pénalisation des assuré·e·s de plus de 55 ans (520 jours après 24 mois au lieu de 18) ;



4. Délai de carence
doublé après un licenciement (de 5 à 10 jours, la
moitié d’un mois) ;




5. Non prise en compte des
compensations de l’assurance chômage en cas de gain
intermédiaire pour le calcul du nouveau droit ;

6. Extension de la notion de
« travail convenable » (pour les moins de 30
ans, pratiquement sans rapport avec la formation
acquise).   

Mais si les référendaires s’entendent pour
dénoncer les maux de la 4e révision, ils ne sont pas
nécessairement d’accord sur le sens de la bataille
à mener. Cet enjeu est pourtant essentiel si nous voulons tenter
de sortir de la logique d’une succession de batailles
défensives de plus en plus difficiles. Ainsi, pour Travail
Suisse, l’assurance–chômage doit être avant
tout un instrument de régulation de l’économie
libérale, qui s’endette avec la crise pour viser
l’équilibre avec la reprise (sous ce rapport, la loi
actuelle lui semble adéquate). Plus crûment dit :
elle « constitue le contrepoids au marché du
travail flexible en Suisse » (communiqué du 30 mars
2010). On chercherait en vain dans cette argumentation une mise en
cause de la logique des dernières révisions de la LACI,
qui visaient à rendre le marché du travail plus
performant pour les employeurs.

    Aux yeux de l’USS, cette révision est
injuste. En effet, les jeunes, les femmes et les
travailleurs·euses âgés, en particulier les plus
précaires, sont particulièrement touchés par les
restrictions annoncées, tandis que les hauts revenus sont
largement dispensés de cotiser (la cotisation temporaire de
solidarité ne serait que de 1 % à partir de
125 000 fr. et elle ne serait pas perçue au-delà
de 315 000 fr.). Il suffirait de les astreindre à payer
leur part comme les autres pour boucher le fameux trou de 6 milliards
de l’assurance-chômage. Ces remarques sont frappées
au coin du bon sens. Mais à quoi bon s’étonner
d’une « perte de tout sens de
l’équité sociale » de la part de ce
parlement et de ce gouvernement (Communiqué d’Unia du 30
mars). A quoi bon se déclarer surprise, comme l’Union
syndicale, que le patronat tente d’imposer un tel marché
de dupes – «A eux le bonus ? A nous le
malus ? ». Les capitalistes et leurs obligés
ne visent-ils pas un seul but : privatiser les
bénéfices et socialiser les pertes. Ne serait-il pas
grand temps de le dire haut et fort et d’en tirer toutes les
conséquences?

    Pour nous, il s’agit de défendre les
besoins légitimes des salarié·e·s et de
faire valoir le principe de la solidarité contre la loi de la
jungle. C’est pourquoi, nous défendons le renforcement de
la protection contre les licenciements, l’introduction d’un
salaire minimum légal de 4000 Fr. sur 13 mois, la
généralisation de contrats collectifs fixant les
rémunérations, la réduction du temps de travail,
etc. Dans ce sens, l’assurance-chômage doit être
conçue comme une assurance sociale au plein sens du terme,
mettant les salarié·e·s à l’abri
d’un risque qui les menace dans leur bien–être et
leur santé, comme la maladie ou l’accident. Elle n’a
rien à voir, ni avec un instrument de pilotage de la
conjoncture, ni avec une tentative de moraliser un système par
ailleurs inamovible.
Notre engagement contre la 4e révision de la LACI
s’inscrit donc dans une perspective plus fondamentale :
résister à la mise en concurrence accrue des
salarié·e·s et étendre leurs doits au
détriment du pouvoir discrétionnaire du patronat et des
actionnaires. Ce sont des objectifs qui répondent aux besoins
impérieux du plus grand nombre, pour lesquels il vaut la peine
de se battre et de concevoir un autre ordre social. Est–il en
effet tolérable qu’un nombre croissant de
travailleurs–euses soient ainsi contraints à se croiser
les bras, tandis que tant de besoins sociaux restent
insatisfaits ? Est–il acceptable que la grande
majorité des salarié·e·s en emploi soient
astreints à travailler plus pour produire plus, tout en gagnant
moins et en subissant les conséquences écologiques
d’un tel emballement productiviste ? Poser ces questions,
c’est commencer à y répondre.

Jean Batou