Droit à un salaire minimum légal: solidaritéS gagne son recours au TF

Droit à un salaire minimum légal: solidaritéS gagne son recours au TF



Le 12 juin 2009, par une
décision scandaleuse à la suite d’un débat
grand-guignolesque, la majorité du Grand Conseil genevois
invalidait notre initiative populaire cantonale « Pour le
droit à un salaire minimum ».



La majorité de droite et d’extrême droite du
parlement genevois avait à combattre un texte de principe,
proposant d’instituer un salaire minimum légal afin que
« toute personne exerçant une activité
salariée puisse disposer d’un salaire lui garantissant des
conditions de vie décentes ». En fait,
l’initiative se faisait simplement l’écho de cet
art. 23 de la Déclaration universelle des droits humains qui
dispose, depuis plus de 60 ans, que : « Quiconque
travaille a droit à une rémunération
équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à
sa famille une existence conforme à la dignité
humaine… » Mais elle se proposait — faute
impardonnable aux yeux de la droite — de faire descendre ce texte
« sur terre », à Genève en
l’occurrence, en l’incarnant dans la Constitution cantonale.

    Difficile dans ces conditions de plaider la
non-conformité au « droit
supérieur » de notre texte. C’est pourtant ce
qu’a tenté la droite genevoise, conformément
à sa pratique constante visant à refuser si possible la
parole aux citoyen·ne·s, chaque fois qu’ils-elles
risquent de délivrer – dans les urnes – un verdict
progressiste. Ce qui est manifestement le cas en l’espèce,
face à la réalité de la sous-enchère
salariale vécue par des milliers de travailleurs et
travailleuses.

Un débat de fond relancé

Mais le Tribunal fédéral n’a pas marché dans
cette combine douteuse. Saisi d’un recours rédigé
pour nous par Nils de Dardel (v. encart), il vient de rendre un
arrêt cassant la décision d’invalidation de notre
texte et restituant par la même leur « droit
d’initiative » aux plus de 12 000
citoyen·ne·s qui ont signé celui-ci, ceci en trois
mois seulement, sans épuiser les quatre mois du délai de
récolte !

    Le texte constitutionnel genevois reprend donc ainsi
son chemin parlementaire et les délais de traitement –
suspendus pendant près d’un an par ce détour au TF
– recommencent à courir. Il n’y a bien sûr
rien à attendre de l’examen « sur le
fond » de l’initiative par le parlement genevois.
Les député·e·s de droite et
d’extrême droite ont en effet déjà dit, en
long et en large, tout le mal qu’ils pensent de
l’idée d’obliger les patrons à verser au
minimum des salaires garantissant des conditions de vie décentes.

    Rappelons ainsi, pour ne citer que lui, que le
libéral Jornot a prétendu que l’initiative
incarnait «  une politique
économique  digne de la Corée du
Nord », qui « propose de passer à une
économie planifiée… » et que, du
Conseiller d’Etat radical Longchamp au chef du MCG
xénophobe et populiste Eric Stauffer, on s’est
d’ores et déjà engagé à combattre
l’initiative « devant le peuple », tout
en tentant d’éviter d’avoir à le faire par le
biais de l’invalidation de l’initiative.

    Mais de toute façon, le parlement genevois
devra avoir fini son travail pour la fin de l’année au
plus tard, ouvrant la voie à un vote populaire dès
l’an prochain. Le débat que ce scrutin occasionnera et le
front qu’il permettra de constituer pourraient tomber à
pic dans la perspective du lancement de l’initiative populaire,
fédérale cette fois-ci, dont le principe a
été décidé en fin d’année
dernière tant par l’USS que par UNIA…

    En attendant, la décision du TF concernant
l’initiative genevoise devrait conduire la Cour constitutionnelle
vaudoise à donner raison aux initiant-e-s vaudois de
solidaritéS-VD et du POP notamment (soutenus par ATTAC et les
syndicats SUD, Comedia, L’Autre Syndicat et le SSP) qui recourent
contre l’invalidation de « leur »
initiative cantonale par le parlement vaudois.

Pierre Vanek


Salaire minimum: examen réussi au TF

Trois questions à Nils de Dardel, élu de
solidaritéS à la Constituante genevoise et auteur du
recours au Tribunal fédéral contre l’invalidation
de notre initiative cantonale genevoise pour le droit à un
salaire minimum.

Quel est l’effet de la récente décision du TF ?

NdD :
L’arrêt du 8 avril du Tribunal fédéral
autorise la votation populaire sur notre initiative pour le droit
à un salaire minimum et donne une leçon de
démocratie directe à un Grand Conseil genevois coutumier
d’annuler, pour des motifs politiciens, les initiatives qui lui
déplaisent. Le TF rappelle notamment au parlement genevois les
termes mêmes de la Constitution genevoise, qui reconnaissent le
principe « in dubio pro populo » :
seule une initiative populaire dont l’illégalité
« saute aux yeux » peut être
annulée.

C’est une surprise ?

NdD : Les
constitutionnalistes de tous bords, proches des syndicats ou, les plus
nombreux (!), proches de la droite et des milieux patronaux, ne
donnaient pratiquement aucune chance à notre initiative dans son
examen par le Tribunal fédéral. Ils se sont lourdement
trompés. Ils imaginaient en particulier que le
législateur fédéral, lorsqu’il avait
voté les « mesures
d’accompagnement » de la libre circulation des
travailleurs entre la Suisse et l’UE, avait épuisé
toute sa compétence, ne laissant prétendument aucune
marge aux cantons pour fixer des salaires minimaux dans certaines
branches économiques.

Cette opinion n’a pas été retenue par le TF. Au
contraire, ce dernier énonce, dans son arrêt, les
critères – certes restrictifs, mais bel et bien reconnus
– qui devraient être respectés par une future loi
cantonale qui appliquerait le principe constitutionnel du salaire
minimum.

Et quels seraient ces critères ?

NdD : En particulier, le
Tribunal fédéral indique que les cantons pourront fixer
des salaires minimaux « proches du revenu minimal
résultant des systèmes d’assurance ou
d’assistance sociale ». Les salaires minimaux
cantonaux pourront donc être un peu plus élevés que
ces montants. De plus, les minima sociaux existants tiennent compte du
montant du loyer payé pour le logement du
bénéficiaire, c’est-à-dire un montant
toujours plus exorbitant. Il y aurait donc place à un bel avenir
pour un salaire minimum cantonal et pour une lutte conséquente
contre la pauvreté et les salaires de misère.