Honduras; chronique du « Porfiriato
Honduras chronique du « Porfiriato »*
La parole à la Résistance populaire : entretien avec le syndicaliste Carlos Humberto Reyes
Président du Syndicat des travailleurs de lindustrie des
boissons (STIBYS) et représentant du Honduras au sein de
lUnion internationale des travailleurs de lalimentation
(UITA), Carlos Humberto Reyes est lun des principaux animateurs
du Front national de la résistance populaire (FNRP).
Invité par Solifonds (fonds de solidarité pour les luttes
de libération sociale dans le Tiers-Monde), Carlos Humberto
Reyes se trouvait fin avril-début mai en Suisse, où il a
pris la parole lors du 1er Mai et a noué un certain nombre de
contacts (y compris avec le Département fédéral
des Affaires étrangères) pour expliquer la situation
actuelle dans son pays.
La communauté internationale semble très
divisée par rapport à l’actuel gouvernement hondurien.
Quen pense le FNRP ?
Le gouvernement et le président actuels sont un produit direct
du coup dEtat du 29 juin 2008. Les élections de novembre
2009 ont été marquées par une très forte
abstention populaire : Porfirio Lobo a été
« élu » avec moins de 30 % des
suffrages. Or, le gouvernement étatsunien pensait que les
élections seraient la solution au problème du Honduras.
Ce nest pas le cas.
Pour de nombreux gouvernements latino-américains, les
événements du Honduras sont une agression contre les
institutions démocratiques, un processus qui se traduit par
l’installation d’une nouvelle base militaire étatsunienne (la
seconde) dans mon pays, les nouvelles bases étatsuniennes en
Colombie, le maintien de la base de Guantanamo
Une
militarisation qui rappelle les décennies passées.
Les causes du coup dEtat sont-elles géopolitiques ?
Les Etats-Unis veulent réarmer deux gendarmes
régionaux : le Honduras en Amérique centrale; la
Colombie en Amérique du Sud. Pour eux, sans contrôle de
l’Amérique latine, quils considèrent toujours
comme leur arrière-cour, ils ne pourront pas dominer le monde.
Quel bilan tirez-vous après trois mois de ce nouveau
gouvernement, qui considère que la situation est redevenue
normale ?
Cest une nouvelle facette de la dictature, qui se
présente comme facteur dunité nationale, ouvert
à la perspective dune amnistie et dune commission
de la vérité. Mais il ny pas dunité
nationale sur la base délections frauduleuses. Cette
amnistie a « blanchi » les militaires
putschistes, rendant inutile toute commission de la
vérité. Sur le plan économique et social, nous
vivons un retour en arrière par rapport aux conquêtes
obtenues par les syndicats, les travailleurs et dautres secteurs
durant la présidence de Manuel Zelaya.
Pour beaucoup (au Honduras ou à lextérieur),
la résistance est une surprise. Comme sexplique sa
force ?
Nos peuples résistent depuis 500 ans. Certes, le Honduras avait
été utilisé tout au long du 20e siècle
comme base dopérations nord-américaines sur le
continent : lagression contre le gouvernement de Jacobo
Arbenz, au Guatemala, dans les années 1950, la tentative
dinvasion de Cuba, dans les années 1960 ; la guerre
contre le sandinisme (Nicaragua) et le Front Farabundo Marti de
libération nationale (El Salvador), à partir de la base
de Palmerola, dans les années 1980. Mais il a toujours
existé un mouvement populaire très actif, quoique
durement réprimé, avec beaucoup de morts et de disparus.
Grâce à la capitalisation historique de cette
expérience, nous avons surmonté la fracture passée
entre social et politique. Cela explique quen quelques heures,
après le coup dEtat du 28 juin, ait démarré
un processus magnifique de mobilisation et de résistance. La
résistance sest renforcée dans chaque
région, dans chaque localité, dans chaque quartier. Par
exemple, lors des mobilisations contre le coup dEtat, qui a
riposté aux attaques de la police ? Les
« maras » (bandes de jeunes). On constate une
participation importante des jeunes, des syndicats, des paysans, des
enseignants, des indigènes, de secteurs de la petite entreprise,
des noirs, des groupes gays et lesbiennes qui ont
été fortement réprimés. Notre prochain
défi consiste à récolter dici le 28 juin
2010 1,2 millions signatures pour exiger une consultation populaire sur
lAssemblée constituante. Par ailleurs, nous avons
organisé 6 grandes manifestations le 1er mai. Certes, nous
norganisons plus une mobilisation quotidienne comme lan
passé. Nous continuons à dénoncer le coup
dEtat. Si nous ne réussissons pas à imposer la
Constituante, nous verrons de quelle manière participer à
des élections non pas comme FNRP, mais grâce
à une structure créée pour cette occasion. Quant
à Porfirio Lobo, son échec est programmé :
ou le peuple le renversera, ou il devra accepter une solution politique.
Quattendez-vous plus précisément de la communauté internationale ?
Les crimes contre les membres de la résistance, les agressions
et les assassinats de journalistes indépendants, la violation
des droits humains nous préoccupent grandement. Il est important
que la communauté internationale ne reconnaisse pas le
gouvernement de facto, que lUnion européenne ne signe pas
le traité de libre échange avec lAmérique
centrale, en raison de la situation hondurienne. Nous demandons
à la communauté internationale, aux Nations Unies et aux
organisations de défense des droits humains de faire pression
pour larrêt de la répression, afin que la
protestation politique et sociale en réaction au coup
dEtat et aux élections illégitimes cesse
dêtre criminalisée.
Propos recueillis par Sergio Ferrari et traduits de lespagnol par Hans-Peter Renk