Ne vous résignez jamais !

Ne vous résignez jamais !

Plus féministe que jamais,
Gisèle Halimi, 82 ans a galvanisé son public au Forum
Meyrin le 6 mai. Son dynamisme hors pair était aussi
renforcé par la récente victoire politique d’une
cause qu’elle a longuement portée, avec
l’équipe de « Choisir la cause des
femmes », l’association qu’elle avait
fondée avec Simone de Beauvoir en 1971.

Dès son arrivée au Parlement européen, en 1979,
Gisèle Halimi avait défendu l’idée
d’une Europe où toutes les citoyennes disposeraient des
mêmes droits. Une idée à la fois simple et
ambitieuse : identifier parmi les législations des 27
États membres celles qui sont les plus favorables aux femmes et
proposer qu’elles s’étendent à
l’ensemble des Européennes. 30 ans plus  tard, le
18 février 2010, 462 députés de
l’Assemblée nationale française votaient la
résolution déposée par le groupe socialiste,
radical et citoyens : « La Clause de
l’Européenne la plus favorisée ».

    Le gouvernement français devra donc
présenter au parlement un projet de loi visant à aligner
la législation française sur les dispositions
européennes les plus positives.

    « Si
la Clause de l’Européenne la plus favorisée
réussit, d’autres domaines pourraient suivre et changer la
relation des citoyens à la construction européenne,
perçue comme régressive en matière de droits
», estime Jean-Luc Sauron, président de l’Association des juristes européens.

    Le bouquet législatif, fruit d’un gros
travail de trois ans d’enquêtes, avait été
présenté dans un ouvrage paru en 2008 : Choisir la
cause des femmes, La clause de l’Européenne la plus
favorisée (Éditions Des femmes, Paris, 2008.
Préface de Gisèle Halimi : « Le
meilleur de l’Europe pour les femmes »).

En voici les lignes principales :
 

Choisir de donner la vie

Education sexuelle : le Danemark

–    L’éducation à la
sexualité est donnée dès l’école
primaire, les centres de planification familiale, financés par
l’Etat, y sont les plus performants.

Contraception : les Pays-Bas

–    L’Etat y assure l’information, la
disponibilité et la gratuité pour les mineures et les
femmes adultes.

Avortement : la Suède

–    Pour le respect de la liberté des
femmes à disposer de leur corps. Le délai légal
pour avorter est fixé à 18 semaines, alors qu’il
est à 12 semaines dans la plupart des autres pays
européens.

La famille : havre affectif ou piège pour les femmes ?

Le mariage : l’Autriche

–    Pour la primauté du mariage civil (comme dans la loi française) ;
–    En y ajoutant l’ouverture sans restriction du mariage aux homosexuels (loi espagnole).

Le divorce : l’Espagne

–    Pour le prononcé du divorce qui n’est subordonné à aucune clause.
–    Pour le divorce par consentement mutuel
à la demande des deux époux (après trois mois de
mariage) sans période de réflexion.
–    Pour l’obligation de secours alimentaire.

Le contrat d’union civile : la Belgique

–    Pour leur contrat d’union civile
garantissant des droits élevés et ouverts tant aux
hétérosexuels qu’aux homosexuels, à
côté du mariage.

Le congé parental : la Suède

–    Pour son haut niveau de
rémunération du congé parental, et
l’esquisse du système de l’alternance (une partie du
congé réservé au père).

L’autorité parentale : l’Estonie

–    Pour l’établissement de
l’autorité parentale à partir du lien de filiation
(sauf s’il est judiciairement constaté que cela est
contraire à l’intérêt de l’enfant) et
parce que l’exercice conjoint de l’autorité
parentale est maintenu en cas de séparation.

Violences

Violences conjugales : l’Espagne

–    Pour la sensibilisation à la violence
de genre dans les écoles dès le plus jeune âge, y
compris le décryptage des images sexistes présentes dans
les publicités et les médias.
–    Pour la formation des fonctionnaires des
services publics à reconnaître les femmes victimes de
violence afin de les diriger vers les services de police et les centres
d’accueil.
–    Pour les mesures de protection
d’urgence de la victime, imposant la séparation physique
de la victime et de l’auteur des violences dans un délai
rapide.
–    Pour l’inscription dans la loi de
l’ouverture de centres d’accueil et
d’hébergement des victimes de violences.
–    Pour la création de juridictions
spécialisées incluant dans chaque siège de
tribunal un juge formé spécifiquement aux violences
faites aux femmes.

Viol : la France

–    Pour la définition rigoureuse du viol
comme un crime en l’élargissant aux agressions sexuelles.
–    Le prononcé du huis clos à la seule demande de la victime.
–    La possibilité pour les associations
spécialisées dans la défense des femmes de
rejoindre les parties plaignantes.

Prostitution : la Suède

–    Pour l’abolition, de fait, de la prostitution.
–    Pour la pénalisation du client.
–    Pour l’impunité accordée aux prostituées.
–    Pour les centres d’aide destinés aux prostituées.
–    Pour l’implication des médias
dans la dénonciation de la prostitution par des campagnes
d’information.
–    Pour la protection accordée à
la prostituée qui dénonce le proxénète et
la traite.

Harcèlement : la Lituanie 

–    Pour les dispositions relatives au
harcèlement conjointement dans le code du travail et la loi sur
l’égalité entre femmes et hommes.

Travail : l’indépendance économique des femmes, socle de toutes les libertés

La France :

–    Pour son régime de retraite fondé sur la logique de la solidarité.
Les droits économiques et sociaux français, reconnus
depuis l’après-guerre, permettent d’accorder des
garanties collectives à toutes les femmes.

Politique : quelle démocratie pour les femmes ?

la Belgique

–    Pour l’inscription de la parité
dans la Constitution et son dispositif législatif imposant une
parité absolue et des quotas, pour toutes les élections.

Adopter ce bouquet législatif provoquerait un saut qualitatif
formidable et simultané pour toutes les femmes
européennes. Dans une interview au
« Courrier » le 6 mai, Gisèle Halimi
précisait : « Et pas seulement pour les femmes. J’ai
toujours défendu que les progrès féministes
bénéficiaient à toute la
société. » 

Maryelle Budry-Cruse