Formation professionnelle neuchâteloise, objectif : + 400 places d’apprentissage

Formation professionnelle neuchâteloise, objectif : + 400 places d’apprentissage

Le Conseil d’Etat met en
consultation un rapport qui vise au déplacement de la formation
des jeunes en fin de scolarité obligatoire des écoles
à plein temps (écoles techniques, commerciales,
lycées, etc.) vers des apprentissages en entreprise
(appelés formation duale). La cause en est financière,
car une formation complète en école coûte beaucoup
plus cher à l’Etat qu’une formation où
l’apprenti·e ne suit qu’un à deux jours de
cours par semaine.

Historiquement et en comparaison nationale, les entreprises du canton
de Neuchâtel offrent peu de places d’apprentissage, ce qui
a conduit au développement d’écoles techniques et
commerciales d’excellent niveau, mais assez coûteuses.

L’Etat entend diriger, par divers moyens, les jeunes vers les apprentissages en entreprise :

  • ouverture des classes des dernières années du secondaire aux entreprises pour se présenter
  • aménagement des conditions de travail pour les
    apprenti·e·s (horaires, vacances actuellement moins
    favorables en entreprise)
  • soutien et aides aux entreprises qui forment des apprenti·e·s
  • augmentation des places d’apprentissage à l’Etat
  • amélioration de l’accessibilité des
    entreprises pour les apprenti·e·s (sites souvent
    éloignés des transports publics)
  • concentration de l’enseignement secondaire sur les
    connaissances de base au détriment de la culture
    générale (demande des patrons)
  • adaptation de la formation des enseignant·e·s pour
    qu’ils·elles orientent davantage les jeunes vers la
    formation en entreprise
  • valorisation publique, dans les médias, de la formation en entreprise

Certaines de ces mesures relèvent du bon sens
et, a priori on ne peut que les approuver, d’autres nous
heurtent : les patrons n’ont rien à faire à
l’école secondaire et les enseignant·e·s
n’ont pas à se substituer à l’orientation
professionnelle. Mais ce qui nous inquiète le plus, c’est
le risque évident qu’il y a de voir se renforcer la
sélection à l’entrée des écoles
à plein temps. Pour quelques places d’apprentissage
supplémentaires et beaucoup de belles phrases sur la
responsabilité de l’Etat envers les jeunes, ne va-t-on pas
tout simplement rendre plus difficile l’accès aux
lycées et aux écoles professionnelles à plein
temps ?

Economiser plutôt qu’aider vraiment les jeunes

Aujourd’hui, le manque de places d’apprentissage est
flagrant et le travail des apprenti·e·s est souvent dur
et peu attractif. Vue sous cet angle, la volonté du Conseil
d’Etat de développer la formation duale et de rendre les
apprentissages plus attrayants pourrait nous réjouir. Mais quand
on sait que le programme de législature prévoit de faire
une économie dans la formation de 32 millions (alors que
l’introduction d’Harmos impliquera des coûts
supplémentaires dans le budget formation), on ne peut que
déchanter. Placées dans ce contexte
d’économies à tout prix, ces propositions nous
interrogent; d’autant plus que le Conseil d’Etat annonce en
même temps une nouvelle diminution de l’impôt sur les
bénéfices des entreprises.

Une chose apparaît clairement : le
Conseil d’Etat espère réaliser des économies
par une augmentation de l’offre en formation duale; d’ici
à ce qu’il justifie ainsi une diminution des enveloppes
accordées aux écoles à plein temps, il n’y a
qu’un pas, rapidement franchi. Si l’on n’y prend
garde, le canton de Neuchâtel (aujourd’hui encore assez
attractif du point de vue de ses écoles) risque de glisser dans
une logique de démantèlement qui pourrait coûter
cher aux futures générations.

Pour le libre choix

Certaines professions ne s’acquièrent qu’en
formation duale, d’autres connaissent les deux voies pour obtenir
le même diplôme. Certains jeunes préfèreront
s’inscrire dans une école à plein temps,
d’autres en ont marre d’être assis sur des bancs
d’école et choisiraient volontiers d’apprendre un
métier en entreprise. SolidaritéS est favorable au libre
choix : que chaque jeune trouve son chemin et la meilleure
façon de parvenir à son but. Mais pour que cela soit
possible, il faut à la fois maintenir de bonnes conditions de
travail dans les écoles à plein temps (aussi bien pour
les élèves que pour les enseignant·e·s) et
développer en parallèle la formation duale.

Aujourd’hui, certains jeunes ne trouvent de
formation ni en entreprise, ni dans une école. C’est
grave, car très vite ils finissent à l’aide sociale
et souvent n’en ressortent plus. Il est urgent de remédier
à cette situation : se former, apprendre est un droit
dont chaque jeune doit pouvoir bénéficier, quels que
soient sa nationalité, son milieu social, les moyens de ses
parents.

Force est de constater que les jeunes en
apprentissage sont actuellement beaucoup plus souvent laissés
à eux-mêmes que les lycéen·ne·s. La
volonté d’augmenter la formation en entreprise doit
s’accompagner d’un renforcement des mesures de soutien et
d’encadrement, ce qui ne coûtera pas moins cher que la
formation en école. Mais il n’y a pas de miracle :
une bonne formation a un prix, en école à plein temps
comme dans un système dual. Dans ce domaine, les
économies se traduisent la plupart du temps par une augmentation
du nombre de jeunes en difficulté. Une marginalisation qui, en
définitive, coûte bien plus cher à toute la
société.

Henri Vuilliomenet