Brésil: après le premier tour

Brésil: après le premier tour

« Merci à Dieu de m’avoir amenée jusqu’ici »,
déclarait Dilma Roussef, candidate du Parti des travailleurs,
lors du débat à TV Globo. Elle tentait
d’atténuer ainsi son recul chez les électeurs
chrétiens (surtout évangélistes) un mois avant les
élections.

Via Internet, il avait en effet été
« révélé » aux croyants
que Dilma approuverait la dépénalisation de
l’avortement… Lors d’une réunion avec des
chefs religieux, la candidate du PT a promis de ne pas ouvrir un
débat au Parlement sur ce thème. Mais les
dégâts étaient faits : Dilma a raté
l’élection au premier tour pour 3,09 % des voix,
ayant perdu 7 % des électeurs évangélistes.

Une perte d’appui

Trois autres facteurs ont joué : les attaques
médiatiques contre la candidature de Dilma, son recul dans la
classe moyenne inférieure, l’ascension de Marina Silva,
candidate du Parti vert (PV)

    Plus qu’en 2006, les médias ont
joué le rôle de principal parti d’opposition au
président Luiz Ignacia da Silva et à Dilma Rousseff, en
dénonçant des scandales de corruption et de trafics
d’influence (supposés ou réels).
L’échec de la candidate soutenue par Lula montre la forte
influence des médias dans la société, même
si l’apparition de blogues et de sites progressistes pouvait
sembler un frein à ce pouvoir.

    Les raisons du recul de Dilma dans la classe moyenne
ne sont pas très claires. Paradoxalement, un secteur très
bénéficiaire des politiques de Lula est responsable
d’un second tour, jugé improbable. Comme la classe moyenne
est conservatrice sur les questions morales, la polémique sur
l’avortement fut donc déterminante.

« L’onde verte »

Ces déplacements de voix ont bénéficié
à Marina Silva. L’ex-ministre de l’environnement (et
ex-membre du PT) est une évangéliste notoire. La fameuse
« onde verte » – son résultat
surprenant du 3 octobre (19,33 % des suffrages) – est
largement due à la campagne anti-Dilma, les médias
n’attaquant pas la candidate verte, et au report des suffrages
provenant de la classe moyenne inférieure.

    Marina a aussi capté l’électorat
« écolo » et les déçus
de Dilma et de José Serra (droite, candidat du Parti
social-démocrate brésilien présent au 2e tour).

    Qui soutiendra-t-elle au second tour ? Le
transfert des voix de Marina ne sera pas automatique. Elle
n’exerce pas sur son électorat la même influence que
Lula sur le sien. […] Comme ce fut le cas depuis 2002 (1re
élection de Lula), on n’a pas entendu les trois
candidat·e·s les mieux placé·e·s
débattre d’un projet pour le pays. Dilma, Serra et Marina
ont abordé les aspects mineurs d’un mandat
présidentiel.

    Pour être juste, il faut relever que les
quatre candidats de la gauche – Plinio de Arruda Sampaio (Parti
Socialisme et Liberté), José Maria de Almeida (Parti
socialiste des travailleurs unifié), Ivan Pinheiro (Parti
communiste brésilien) et Rui Costa Pimenta (Parti de la cause
ouvrière) – tentèrent d’élever le
niveau du débat, mais que celui-ci fut escamoté par les
grands médias. Ainsi, des thèmes fondamentaux pour
l’avenir du pays ne furent même pas cités :
exemple le plus évident, la politique économique –
très conservatrice – menée durant la
présidence de Lula. Dilma Rousseff, José Serra et Marina
Silva se sont engagés à la poursuivre. […]

Ivan Ojeda, éditeur de
l’hebdomadaire « Brasil de Fato ».
Traduction HPR. Adaptation de la rédaction.