Construction: renforcer la mobilisation

Construction: renforcer la mobilisation



Nous nous sommes entretenus avec
Alessandro Pelizzari (secrétaire régional, Unia
Genève) sur la semaine d’action et de mobilisation dans la
construction.

Quels sont les objectifs d’UNIA par rapport aux négociations salariales en cours dans la construction ?

L’accord salarial de l’année passée est
resté bien en deçà de nos attentes. Le secteur de
la construction a été largement épargné par
la crise ; il a même progressé durant la
récession. Les entrepreneurs ont donc gagné beaucoup
d’argent. Les gains de productivité ont été
bien supérieurs à la progression des salaires, qui est
restée plus faible que dans d’autres branches. C’est
pour cela qu’une importante minorité de
délégué.e.s syndicaux, notamment de Genève,
avait refusé la proposition patronale d’une hausse de
1 %. D’où un clair besoin de rattrapage salarial
cette année.

    Rien ne justifie, de plus, de rester
modeste : les entreprises de la construction ont
été les premières à profiter des plans
conjoncturels des collectivités publiques, les chantiers
débordent toujours d’activités, les carnets de
commande sont pleins et le travail ne cesse d’augmenter. Preuve
en est les centaines d’heures supplémentaires
cumulées par les maçons entre l’année
dernière et cette année et la pénurie de main
d’œuvre qualifiée déplorée par les
patrons. Sans parler de l’adaptation nécessaire au
coût de la vie, dont la hausse des primes de
l’assurance-maladie est le signe le plus douloureux. Après
consultation de nos militants, nous avons donc entamé des
négociations salariales en revendiquant 150 francs. La
réponse patronale après trois séances : 26
francs à peine pour les salaires les plus bas ! Une telle
offre ne peut être considérée sérieuse.
C’est pour cela que les travailleurs ont organisé des
actions de protestation dans toute la Suisse.

Quels ont été les résultats de la semaine
d’action décidée par les présidents de la
construction d’UNIA ?

Environ 3000 travailleurs ont prolongé leur pause de midi. A
Genève, quelques 150 travailleurs ont débrayé sur
un chantier d’Implenia ; la plus grande entreprise de
construction en Suisse dont le directeur genevois est aussi le
président de la section locale de la Société
Suisse des Entrepreneurs (SSE), l’association patronale de la
construction. Les maçons ont ainsi donné un signe
d’avertissement clair pour que la délégation
patronale augmente sensiblement son offre lors de la prochaine
séance de négociation qui aura lieu le 11 novembre.
D’ici là, pour maintenir la pression, les travailleurs ont
décidé d’organiser une manifestation de
protestation devant le siège de la SSE, le lundi 8 novembre
à 17h30 (Rue Malatrex 14).

A un an du renouvellement complet de la Convention collective
nationale du secteur principal de la construction, que peut-on dire des
objectifs et des moyens de la lutte syndicale dans ce secteur ?

La mobilisation dans le cadre de la campagne salariale fait
actuellement ressortir qu’en plus de la question salariale, les
maçons insistent beaucoup sur la dégradation de leurs
conditions de travail : l’augmentation
effrénée des cadences ; la hausse massive de la
main d’œuvre temporaire qui précarise
l’ensemble des équipes avec des risques d’accidents
croissants ; le problème toujours non résolu de la
réglementation du temps de travail (aujourd’hui les
travailleurs sont amenés à faire d’innombrables
heures en été pour rattraper les heures perdues en
hiver) ; ou encore la déstructuration du secteur avec le
recours massif à des sous-traitants.

    La dernière amélioration importante de
la Convention nationale date de 2004, moment où la retraite
anticipée à 60 ans est introduite, pour laquelle les
maçons avaient entamé une lutte importante. Ces
dernières années ont surtout été
marquées par des luttes défensives pour maintenir le
status quo conventionnel (grèves de 2007-2008).
Aujourd’hui, l’heure est clairement à la
conquête de nouveaux acquis sociaux qui renforcent la protection
des salariés face aux risques. Les mois à venir
montreront si le syndicat a réussi à renforcer son
enracinement sur les chantiers, en dehors de quelques
réalités bien particulières comme Genève ou
le Tessin. Cet ancrage sera fondamental pour construire le rapport de
force nécessaire pour décrocher des droits
supplémentaires pour les maçons l’année
prochaine.

Propos recueillis par la rédaction