On ferme la poste de la ferme: résistance ferme!

On ferme la poste de la ferme: résistance ferme!


Mardi 26 novembre à 18h, les postes de la Cluse et des Acacias,menacées de fermeture ont été occupées par des habitant-e-s de ces quartiers concernés. A la rue de la Ferme où se situe celle de la Cluse, les quatre-vingt manifestant-e-s ont exigés de la direction de la Poste qu’elle fournisse les comptes relatifs à ce bureau prouvant que celui-ci serait déficitaire.


Cette revendication a été avancée dès le début du mouvement et transmise de vive voix aux responsables de la Poste lors d’une assemblée en avril dernier. Cette demande réitérée dans le cadre du comité dit «d’accompagnement» n’a, à ce jour, jamais reçu de réponse.


Un déficit bidon


Ne parvenant pas à atteindre un dirigeant de la Poste, le gérant fait savoir qu’il va appeler la police pour procéder à l’évacuation des lieux. Les manifestant-e-s répondent qu’ils attendent tranquillement l’arrivée des forces de l’ordre. Comme par miracle, M. Perren, responsable du réseau romand est alors contacté sur son portable. Il nous répète qu’il est hors de question de communiquer ces chiffres relevant du «secret commercial»! Cet «argument» nous fait bien rigoler sachant que Jean-Noël Rey, l’ancien directeur de la Poste, est devenu le dirigeant d’une entreprise privée de courrier, concurrente… M. Perren s’offre à venir discuter avec les occupant-e-s mais réaffirme qu’il ne communiquera jamais les comptes demandés.


Un débat s’engage parmi les occupant-e-s qui se conclut par un vote. Les manifestant-e-s déclarent très majoritairement qu’ils n’ont aucune envie d’attendre M. Perren pour que celui-ci vienne, une fois de plus, justifier la fermeture du bureau de la Cluse. L’occupation est levée à 20h. et les manifestant-e-s promettent d’autres actions si le projet de restructuration est maintenu. Pour le comité «Touche pas à ma poste», le refus de communiquer les comptes est l’aveu que le bureau de la Cluse n’est pas déficitaire. Dans le cas contraire, la direction de la Poste se serait empressée de présenter de tels comptes.


Accompagnement, piège à…


L’action du 26 novembre s’inscrit dans le processus de restructuration de la Poste qui a vu l’annonce de la fermeture de quinze centres de tri sur dix huit avec – à la clé – la suppression d’au moins 3500 places de travail. Devant les menaces de grève, le projet a formellement été retiré. Mais ne nous faisons aucune illusion, la tactique de la Poste est toujours la même. Elle annonce des plans de restructuration d’envergure, qu’il s’agisse du réseau ou de l’infrastructure, pour ensuite, sous la pression populaire les retirer formellement et engager des «discussions» avec les opposants.1


Celles-ci n’ont qu’un seul objectif: convaincre que les restructurations seraient inévitables et amener les opposants à les avaliser sous une forme légèrement différente, qui réduit le réseau et les emplois. C’est l’objectif des comités «d’accompagnement» et nous ne sommes pas dupes. Notre participation, jusqu’à ce jour, au comité d’accompagnement de la Ville de Genève, signifie que nous sommes toujours prêts à discuter de comment répondre le mieux possible aux besoins exprimés par les habitant-e-s mais en aucun cas à avaliser la fermeture proposée.


La restructuration de la Poste doit être replacée son contexte plus large: «libéralisation» et démantèlement du service public. Rappelons que la séparation des télécoms (Swisscom) d’avec la Poste fut votée par la quasi totalité des députés aux Chambres en 1997 avec l’abandon du monopole de service public dans ces deux domaines. A l’époque notre tentative de référendum n’a pas abouti, le PSS votant la nouvelle loi, sous prétexte que la »libéralisation» des télécoms allait faire baisser les prix. Or chacun sait que les baisses de prix sont momentanées et que ceux-ci ne tardent pas à remonter sous l’effet de la constitution des nouveaux monopoles privés. Par ailleurs, les bénéfices auparavant réalisés par le secteur des télécoms permettaient de financer le service public postal, alors qu’aujourd’hui ils vont aux actionnaires. En dépit de cette séparation, la Poste a réalisé ces trois dernières années des bénéfices de l’ordre de 500 millions sur le dos des prestations aux usagers/ères et des salarié-e-s.


Larmes de crocodile des édiles


Nous assistons aujourd’hui à un concert de protestations hypocrites. Le parti socialiste monte au créneau pour tancer son conseiller fédéral Leuenberger et lui demander de restructurer sans licencier alors que les pertes d’emplois programmées sont dans la logique de la libéralisation votée par les mêmes socialistes. Le Conseil fédéral vient d’ailleurs de décider d’accentuer la libéralisation de la Poste en abaissant à 100gr le monopole sur le courrier. Du côté des bourgeois des régions périphériques et des villes menacées par la disparition des centres de tri, on pleurniche en sachant fort bien que c’est le prix à payer de la politique consciemment choisie en 1997.


La libéralisation du service postal s’inscrit parfaitement dans le mouvement européen et mondial de démantèlement des services publics sous l’égide de l’OMC et dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) en cours de renégociation. Il s’agit d’accorder aux privés, le plus souvent des multinationales, des pans entiers d’activités rentables jusqu’ici détenus par les services publics. La fermeture des bureaux de poste et des centres de tri ne sont que l’aboutissement logique de cette politique.


Celles et ceux qui manifestent, à Florence et ailleurs, contre cette politique ne peuvent se contenter de proclamer leur opposition. Ils doivent concrètement, sur le terrain, pied à pied, participer aux mouvements de résistance pour démontrer le lien direct existant entre les choix politiques de la droite et de la gauche néolibérale et la mise à mal du service public.


Bernard Clerc



  1. Depuis, on sait que la direction de La Poste n’a jamais songé à retirer son plan de fermeture des 18 centres de tri, mais que pour éviter une grève avant les fêtes de fin d’année, elle a fait mine de rentrer en discussion avec les partenaires sociaux. (Le Matin 7.12.2002)