OGM: des pépins non programmés

OGM: des pépins non programmés

Bien que la pression des principaux
producteurs d’OGM (Monsanto, mais aussi Bayer, Syngenta, Dupont
et BASF) pour lever tous les obstacles à la commercialisation de
leurs produits ne cesse pas, de récents rapports ont
confirmé que l’agrochimie jouait vraiment à
l’apprenti sorcier avec la nature.

Les fermiers américains ne l’ont jamais beaucoup
aimée et la surnomment « herbe à
cochon » (pigweed). L’amarante de Palmer vient de
leur jouer un beau tour… de cochon, lui aussi, du moins à ceux
qui ont intensément eu recours aux OGM Roundup Ready de
Monsanto. Ces semences contenaient un gène qui les rendait
résistantes à l’herbicide Roundup, produit phare de
Monsanto. Les agriculteurs semaient, puis passaient deux fois
l’herbicide au glyphosate et les champs étaient
« propres en ordre ». Aux Etats-Unis,
58 % du coton, 66 % du maïs et 93 % du soja
sont ainsi Roundup Ready. Quinze ans de développement de cette
technique ont eu pour effet de sélectionner par contrecoup les
mauvaises herbes qui résistent au glyphosate (une dizaine), la
plus redoutée étant l’amarante de Palmer, qui
pousse rapidement, peut atteindre plus de deux mètres de haut et
se reproduit facilement. Seul l’arrachage à la main en
vient à bout. Grâce aux OGM, l’agriculture la plus
mécanisée de monde redécouvre la houe et la pelle.
Si l’hypothèse d’une transmission horizontale du
gène résistant de la culture (coton, soja ou maïs)
à l’amarante semble reculer, il n’en reste pas moins
que cette sélection par ricochet représente une
catastrophe économique pour certains fermiers.
Déjà pris à la gorge par les prix croissants des
OGM, ils sont obligés d’augmenter massivement les doses
d’herbicide, ce qui tourne au désastre écologique.
D’autant plus qu’ils recourent souvent à des
herbicides dangereux, comme le dicamba, un dérivé
d’un des composants de l’agent orange, défoliant
utilisé durant la guerre du Vietnam. Mais Monsanto ne
désarme pas : dès 2014, il mettra sur le
marché un soja résistant à la fois au glyphosate
et au dicamba. Jusqu’à la prochaine résistance, au
nouvel herbicide et à la nouvelle semence OGM, sans doute.

Le colza OGM aime les voyages

Dans la propagande favorable aux OGM, il a souvent été
dit que ces semences transgéniques ne risquaient pas de se
propager, bien que les essais aient démontré le
contraire. Cette fois, la démonstration en a été
faite grandeur nature. Une équipe de l’Université
de l’Arkansas a parcouru 5 400 km de routes dans le
Dakota du Nord, avec arrêt tous les 8 kilomètres pour y
examiner les bas-côtés. Résultat :
86 % des plants de colza examinés ont
révélé être porteurs d’au moins un
gène conférant une résistance à un
herbicide total. Mieux, deux de ces plants retournés à la
nature possédaient chacun deux gènes de protection,
l’un contre le glyphosate (Monsanto) et l’autre contre le
glufosinate (Bayer). Or ces plants à double résistance
n’existent pas dans le commerce.

    Cerise sur le gâteau : le colza peut
s’hybrider naturellement avec une dizaine de mauvaises herbes. La
multiplication des formes de résistance est prévisible,
le recours à des combinaisons d’herbicides pour
contrôler ces nouvelles mauvaises herbes est programmé.

Punaises, ce coton chinois !

La Chine et l’Inde sont des marchés de choix pour
l’agrochimie occidentale. Pour ne pas trop en dépendre,
ces deux pays ont choisi une stratégie de contrôle public
du développement des OGM. Stratégie douteuse, dans la
mesure où elle repose sur un partenariat public-privé et
où la pratique du principal acteur chinois reproduit à
l’identique la brutalité et l’opacité des
politiques des multinationales occidentales. Avec des effets tout aussi
incontrôlables sur l’environnement.

    La Chine a ainsi mis en culture d’importantes
surfaces de coton modifié génétiquement.
Appelé Bt, car capable de produire la toxine Bacillus
thurigensis, efficace contre un parasite local, une petite noctuelle.
Celle-ci éliminée par le coton Bt cultivé, que se
passa-t-il ? Un autre parasite, secondaire, occupa la niche
écologique ainsi libérée et les miridés
– insectes de la famille des punaises – passèrent
à table. Non seulement en boulottant le coton Bt, mais aussi les
autres cultures environnantes, comme les raisins, les pommes, les
poires et les pêches. La culture du coton concernait 3 millions
d’hectares (désormais à 95 % OGM), les
surfaces attaquées par les miridés représentent 26
millions d’hectares. Le cercle semble particulièrement
vicieux, puisque la prolifération des punaises provient aussi de
l’abandon des anciens insecticides utilisés, plus
généraux, qui éliminaient aussi bien la noctuelle
que les miridés.

En attendant le saumon OGM

Le monde végétal n’est pas la seule cible des
bricoleurs génétiques. Depuis plusieurs années, un
saumon transgénique attend de pouvoir être
commercialisé aux Etats-Unis. Ses qualités ? La
bestiole croît deux fois plus vite que les autres et atteint une
taille adulte entre 16 et 18 mois (contre 30 pour le saumon Atlantique
d’élevage). A première vue, le salmonidé
semble sans danger pour la consommation humaine. C’est du moins
ce que dit l’entreprise. Les experts consultés par
l’autorité américaine de régulation
traînent un peu les pieds, évoquant « leurs
nombreuses réserves quant aux études
présentées ». Trente-et-une organisations de
défense des consommateurs et de l’environnement se battent
contre la mise sur le marché de ce
« Frankenfish », qui risque aussi de
s’échapper en pleine mer et de supplanter les
espèces naturelles. 

Daniel Süri