Crise au Portugal: refuser la dette publique
Crise au Portugal: refuser la dette publique
Le Portugal connaît la plus grande crise de son histoire depuis
30 ans. Après 6 ans au pouvoir, le premier ministre
social-démocrate José Sócrates a donné, le
23 mars 2011, sa démission, suite au rejet du parlement de
son quatrième plan daustérité (Le
quatrième programme de stabilité et de croissance (PEC
IV)) Jusqualors, le gouvernement social-démocrate avait
eu le soutien du PSD, principal parti dopposition (de droite
équivalent du PLR en Suisse) dans les différentes
votations au parlement pour faire passer ses plans
daustérité. Mais cette fois-ci, le PSD sest
joint au Parti communiste, au Bloc de gauche, aux Verts et au CDS-PP
(extrême droite) pour faire échouer ce quatrième
vote. Ce revirement de la droite tient notamment au fait que
Sócrates a paradé avec son nouveau plan
daustérité à Bruxelles, sans en dire un mot
au parlement, ni au président Cavaco Silva, ni même
à son allié de droite, le PSD.
En parallèle, le gouvernement portugais
menait des négociations avec le patronat et les principaux
syndicats pour modifier la loi et faciliter le renvoi des
travailleurs·euses. Seule la CGTP (proche du parti communiste)
sest retirée, pour protester contre ces
négociations. Un retrait qui laisse présager une
recrudescence de la lutte syndicale que le gouvernement
social-démocrate na pas été capable
daffronter jusqualors et na plus lintention
de subir en vue des prochaines élections. Lintervention
de Bruxelles et du FMI pour un « sauvetage »
en règle du Portugal semble imminente. Le premier ministre
social-démocrate a pris les devants pour rendre
lopposition responsable de léchec de son dernier
plan et lui céder les rênes.
Mais Sócrates se libère avant tout
dune impopularité toujours plus forte en raison de
limpact de ses mesures daustérité au
quotidien. Coupures dans les salaires et dans les prestations sociales,
augmentation de la TVA à 23 %, prix de lessence
qui monte en flèche, des transports publics plus chers de
12 %
avec comme résultats : 20 % de
la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté,
11 % de chômeurs·euses et plus dun million
de travailleurs·euses précaires et sous-payés, en
particulier des jeunes. Ces dernières semaines, le Portugal a
été presque tous les jours le théâtre de
grèves et de mobilisations sans précédent. Le 12
mars, la tension sociale était à son comble, avec les
mobilisations de jeunes via facebook, en écho aux
révolutions arabes. Dans toutes les villes du Portugal, des
dizaines de milliers dentre eux, dont 200 000 à
Lisbonne et 80 000 à Porto, ont manifesté pour
protester contre la crise, le chômage et les plans
daustérité.
Après lAllemagne, le Portugal et tout
récemment la Grande-Bretagne (où 300 000 personnes
ont manifesté le 26 mars contre les plans du gouvernement
Cameron), ces mobilisations de dizaines de milliers de personnes
montrent que les populations européennes, en particulier les
jeunes, nont pas abdiqué et refusent de payer la facture
de la crise, dêtre « la
génération sacrifiée» sur lautel de
la dette. Une véritable guerre sociale se joue aujourdhui
en Europe. Face à cette situation alarmante, lenjeu
principal est de coordonner les résistances pour mettre en place
une politique qui fasse payer les vrais responsables de la crise,
capitalistes et banquiers et non pas les populations. Cet objectif ne
peut être atteint que par la mobilisation sociale et politique de
millions de citoyen·ne·s ainsi que par une confrontation
directe avec les classes dominantes et les gouvernements avec un
objectif central, un moratoire, un audit, voire lannulation des
dettes publiques.
Isabelle Paccaud