Fiat, les ratés de la globalisation capitaliste

Fiat, les ratés de la globalisation capitaliste

En octobre, nous avons publié une interview de Felice Mometti sur la préparation de la grève générale du 18 octobre et la possible jonction «…sur des initiatives concrètes, entre le «vieux» mouvement ouvrier et les «nouveaux» sujets sociaux qui animent le «no global» italien.» A l’occasion du conflit de la FIAT, notre camarade fait le point sur cette lutte difficile.


Le 9 octobre la FIAT demande l’état de crise et présente un plan constitué de 8100 suppressions d’emplois, dont 500 (concernant les salarié-e-s les plus près de la retraite) en «mobilité», et le solde en «caisse intégration» (caisse chômage) à 0 heures, sur les 36000 salarié-e-s FIAT Auto qui travaillent dans les établissements italiens. L’Alfa Romeo de Arese et l’établissement de Termini Imerese sont voués à la fermeture définitive. A Turin seulement, ce plan toucherait environ 73000 employé-e-s pour 1200 entreprises, avec un total de suppressions d’emplois compris entre 11000 et 15000.


Comment en est-on arrivés là? Le traité entre Fiat et General Motors conclu en 2000 prévoyait l’acquisition, de la part de GM, du 20% de la Fiat automobiles, avec une option d’acquisition obligatoire, à la demande de Fiat, du 80% restant de la part de GM à partir de 2004. On a parlé alors d’«accord historique», qui aurait crée de splendides synergies et qui aurait relancé l’automobile italienne.

Capital financier et capital industriel

A fin juin 2002 «on découvre» l’énorme dette de Fiat et le début de la négociation avec les banques créditrices, qui se temine à fin juillet, avec un «pacte anticrise» qui préconise la cession de la part de Fiat, d’une série de secteurs productifs à hauts rendements et un prêt à des conditions très strictes. Ce «pacte» doit permettre aux banques engagées de «surveiller» la Fiat jusqu’au moment oú elle va cédér le secteur automobile à GM.


L’intérêt des banques ne correspond pas avec celui de GM: si Fiat s’éffondre, GM s’en approprie gratis, mais les banques y perdent leurs mise de fonds. C’est pourquoi les banques créditrices font pression pour que la Fiat vende certains secteurs du groupe, afin de réduire la dette.

Une crise capitaliste

L’accord de juillet entre Fiat et les banques avait déjà laissé sur le carreau 3000 emplois, par un accord infame signé par la CISL et la UIL (fédérations syndicales «modérées»), qui misaient sur un plan industriel qui s’est révélé, à peine deux mois après, totalement inconsistent. La réaction ouvrière a précédé les déclarations officielles de la Fiat. Il y avait déjà des grèves le 4 octobre à Arese et à Mirafiori, le 7 à Termini Imerese, avec barrage de l’autoroute, et des piquets sur le territoire à Cassino.


Pour les mass-media on s’est fendu d’explications les plus diverses sur les «erreurs» de la Fiat. Nous ne partageaons aucun de ces points de vue. Plus particulièrement nous contestons l’hypothèse de «l’erreur». Cela suppose comme arrière-pensée, la conviction que sous le capitalisme, si les entreprises ne faisaient pas d’erreurs, voire même si elles pouvaient bénéficier de la mytique «politique industrielle» il n’y aurait pas de crises, de suppressions d’emplois, etc. Nous ne savons pas comment appeler une société sans coupes, sans licenciements, sans concurrence sauvage, etc. Nous savons seulement que cela ne s’appelle pas «capitalisme», et nous savons également qu’elle n’est pas – encore – de ce monde.

Les effets de la globalisation

Bien plus simplement disons que la Fiat a fait un choix, il y a longtemps, et ce choix est fondé sur la seule logique et la seule morale que connaisse le capitalisme: la privatisation des profits et la socialisation des pertes. La Fiat a déjà choisi, depuis longtemps, de sortir du secteur automobile, car ce secteur était soumis à une concurrence internationale d’un niveau inatteignable pour l’Italie, et avec des taux de profits d’un niveau inférieur à celui d’autres secteurs.


Dans les années 1990, les parts de marché du groupe (avec Lancia et Alfa) atteignaient, en Italie le 52%, aujourd’hui elles tombent à 31%. En Europe ses parts sont passées de 14% à 8% pendant la même période.


La Fiat comptait 130000 salarié-e-s en 1980. Ce chiffre est tombé à 90000 au milieu des années 80, à 50000 au début des années 90 pour atteindre les 36000 d’aujourd’hui. Tout cela correspond au choix bien précis de maintenir l’entreprise sur une pente de «décadence productive»: ne pas investir, réduire les dépenses au strict minimum, oeuvrer au «dépeuplement» de l’entreprise pour en soustraire des ressources à injecter ailleurs, tant que ça dure…


Dans ce genre d’opérations la Fiat a acquis une expertise certaine: elle a oeuvré de cette façon avec l’Alfa Romeo, lorsqu’elle l’a acquise en 1986 (dans les faits l’Etat lui en avait fait cadeau), pour ne pas la voir céder à la Ford, et l’a ensuite démantelée progressivement. La même chose s’était produite avec la Lancia et l’Innocenti.


La Fiat donc, à l’instar de n’importe quelle autre entreprise capitaliste, est fondée sur la recherche du profit, de son profit. Et de ce point de vue elle a réalisé, il y a dix ans, le meilleur choix. La gauche institutionnelle et les syndicats ne peuvent pas espérer s’en tirer, en suggérant à Agnelli & Cie la meilleure façon de se conduire en capitaliste, car cela ils le savent déjà très bien, malheureusement. On doit au contraire agir de façon à casser et battre cette logique.

La nationalisation s’impose

La seule proposition raisonnable en réalité a été celle formulée par Refondation Communiste (PRC): la nationalisation de la Fiat. Refondation Comuniste a présenté un amendement à la loi budgétaire («Loi financière») pour demander le rachat de Fiat au prix symbolique d´un euro. Au cours des 25 dernières années, la Fiat a reçu des subventions de l´Etat de l´ordre de plusieurs dizaines de milliards d´euros sous différentes formes, sans compter la «caisse intégration» (assurance chômage), et l´Alfa Romeo en cadeau. Selon la bourse, la Fiat vaut moins de 4 milliards d´euros. Ce qui manque aux ouvriers au premier chef c´est une proposition de sortie de la crise. Et Celle-ci ça en est une: arracher la Fiat au contrôle de ceux qui en ont décrété la fin.


Les évenements de la Fiat sont un exemple de globalisation néolibérale, qui combine des phénomènes de concentration du capital industriel et financier, avec la tentative de fragmenter les sujets sociaux qui luttent pour un changement radical. Une chose importante s´est produite après beaucoup de temps en Italie: la rencontre entre un mouvement social, celui de Gênes et du Forum Européen de Florence d’un côté, et les travailleurs de la Fiat de l’autre. Ceci nous laisse penser que l’avenir n´est pas si borné qu’on voudrait nous le faire croire…


Felice MOMETTI