La santé soumise au marché

La santé soumise au marché


L’offensive néolibérale et ses prolongements guerriers sont toujours à l’oeuvre. Pour une majorité de la population du globe, les conditions de vie, de travail, d’alimentation, d’éducation, d’hygiène, d’accès à l’eau potable et d’accès aux soins de base continuent à se détériorer. Mais les préoccupations des détenteurs de capitaux restent identiques: élargir les marchés, réduire l’intervention des pouvoirs publics dans l’activité économique selon leurs besoins, réduire l’offre de prestations du secteur public, réduire les coûts sociaux dans le seul but de faire «fructifier»leurs capitaux.


Les investisseurs privés cherchent également dans le domaine sanitaire à poursuivre cette logique: cela concerne les hôpitaux, les soins ambulatoires, les produits thérapeutiques, la formation et la recherche. L’accord général sur le commerce des services (AGCS) est l’instrument de l’OMC dont se dotent les multinationales pour étendre leurs activités. L’exemple des firmes transnationales de l’industrie pharmaceutique cherchant à soumettre les gouvernements à leurs intérêts contre la production de médicaments génériques locaux en est une parfaite illustration. Le rapport de l’OMS 2000 «pour un système de santé plus performant» encourage les investisseurs privés à accroître leur influence dans les systèmes de santé. Dans de nombreux pays, les hôpitaux publics sont soumis à des processus de privatisation, laissant le champ libre aux intérêts de groupes privés. Des structures de soins publiques sont fermées pour cause de non rentabilité, alors que de nouvelles structures privées voient le jour avec l’objectif d’accroître le profit sur investissement. La chirurgie esthétique en est un bon exemple. Des chaînes multinationales s’intéressent ainsi attentivement au secteur hospitalier et aux laboratoires d’analyse. L’industrie privée fait main basse sur le génie génétique avec l’appropriation du vivant: le nombre de demandes de brevets pour les gênes, humains y compris, a dépassé le demi-million et plusieurs milliers ont déjà été accordés (Monde diplomatique, décembre 2002).


Face à cette logique dévastatrice, les résistances se sont multipliées sur l’ensemble de la planète avec l’élan du Forum social mondial de Porto Alegre. Au fil des mobilisations croissantes, des manifestations toujours plus impressionnantes, la question des alternatives à ce système économique ravageur trouve un nouvel écho. Le récent succès du Forum social européen à Florence en témoigne. Issus des travaux du séminaire «santé et néolibéralisme» un appel de ce forum intitulé «Une autre santé est possible» a vu le jour et circule actuellement pour construire cette alternative avec un rendez-vous européen à Paris en février 2003. A Porto Alegre en janvier 2003, le thème de la santé et des conditions de travail est prévu, avec un atelier international pour coordonner et encourager la campagne internationale contre les industries de l’amiante.


En Suisse, la récente création du Forum social suisse a pris le relais dans un processus de décentralisation du Forum mondial et européen. Sur les acquis de Porto Alegre, cette nouvelle étape dans la reconstruction d’alternatives au capitalisme met à l’ordre du jour les principaux thèmes et domaines d’intervention, en particulier les services publics. Le virage pris par la droite dans ce pays pour imposer ses orientations au Département fédéral de l’Intérieur par l’intermédiaire de Pascal Couchepin est à la hauteur des enjeux dans la santé. Contre la volonté bourgeoise clairement exprimée d’accroître la concurrence et le marché dans la santé, nous avons à ce jour la responsabilité de construire un large front de résistance. Nous devons gagner la prochaine bataille sur le financement de l’assurance-maladie avec des primes en fonction du revenu. Une victoire sur ce terrain insufflerait une dynamique d’ensemble pour gagner sur d’autres enjeux sociaux.


Notre mouvement doit donc poursuivre son engagement sur le plan national avec l’espoir de participer à la construction des bases de l’émancipation de chacune et de chacun hors du carcan toujours plus anti-social, injuste et aliénant du système économique dominant.


Gilles GODINAT