Contre la sous-enchère salariale et le chômage: pour davantage de droits pour les travailleuses et les travailleurs

Contre la sous-enchère salariale et le chômage: pour davantage de droits pour les travailleuses et les travailleurs



En Europe, les
salarié·e·s sont sous les coups de boutoir des
organisations financières internationales et de l’Union
européenne. Ils sont aujourd’hui confrontés
à la plus vaste offensive de démantèlement de
leurs droits sociaux depuis les sombres années du fascisme. En
Suisse aussi, le marché du travail est en train de subir de
vastes transformations allant à l’encontre du bien
être et de la qualité de vie des
salarié·e·s. C’est pourquoi il est temps de
lancer une contre-offensive pour plus de droits pour les travailleuses
et les travailleurs.

L’étranger comme bouc émissaire

A défaut d’un programme immédiat pour les
salarié·e·s, ce seront les forces populistes et
xénophobes qui gagneront encore du terrain, en Europe comme en
Suisse. Le lancement tonitruant de l’initiative de l’Union
démocratique du centre, visant à revenir à une
politique stricte de contingentement et à une soi-disant
préférence nationale, le montre parfaitement.

    Et il ne suffira pas de dénoncer les
grossièretés et les malhonnêtetés qui se
cachent derrière cette nouvelle initiative xénophobe
(comme le fait de rendre responsable les
étranger·e·s de la pollution atmosphérique
ou encore de l’augmentation du prix des loyers) pour pouvoir
réellement la combattre.

    La dénonciation de la xénophobie est
une chose nécessaire, mais elle n’est de loin pas
suffisante car la xénophobie se nourrit du malaise social et de
la fragilisation des rapports de travail.
    Contrairement à ce que laissent entendre les
discours populistes et xénophobes, ce ne sont pas les
frontalier·e·s, ni les étranger·e·s
qui sont responsables des licenciements et des pressions sur les
salaires. Ce sont les patrons et il faut se doter d’instruments
non seulement pour le faire savoir mais également pour
combattre, sur le terrain, ces idées qui divisent les
travailleurs·euses. Ces mêmes instruments devraient
être au cœur, cet automne, des programmes électoraux
de l’ensemble des forces progressistes.

Une sous-enchère salariale qui progresse

La mise en concurrence des salarié·e·s les uns
contre les autres (résident·e·s contre
frontalier·e·s, Suisses contre
immigré·e·s, hommes contre femmes, jeunes contre
les plus âgés) est allée de pair avec un
accroissement des cas de sous-enchère salariale.

    Le 3 mai dernier, le rapport de la
Confédération sur la mise en œuvre des mesures
d’accompagnement  confirmait cette tendance pour la
période 2009-2010 (cf. solidaritéS nº 188). Alors
que déjà 25 % des entreprises
contrôlées par des commissions paritaires étaient
coupables d’infractions ou de sous-enchère en 2009, cette
proportion est passée à 39 % en 2010 !

    Les différentes initiatives pour
l’introduction d’un salaire minimum légal signalent
ainsi enfin un début de réponse programmatique contre le
dumping salarial. Fin novembre, la votation de l’initiative
cantonale genevoise représentera aussi un défi majeur
pour la suite de cette campagne nationale.

Des contrôles insuffisants

A Genève, canton le mieux doté en matière de
contrôles du marché du travail, le nombre
d’inspecteurs-trices de l’Office cantonal de
l’inspection et des relations de travail (OCIRT) est pourtant
clairement insuffisant, et ses prérogatives (ou moyens
d’action) trop réduites. Il n’y a que 16
inspecteurs·trices du travail, dont 7 à 8 seulement pour
s’occuper de la sous-enchère salariale, pour près
de 300 000 emplois. Soit un inspecteur pour 18 750
emplois. A titre de comparaison, 153 agents sont employés par la
Fondation des parkings pour 50 000 places de parc, soit un agent
pour 326 places de parking. D’autre part, l’inspection du
travail est souvent contrainte de prioriser la chasse aux
travailleurs·trices sans papier, plutôt que de poursuivre
les patrons en infraction, ce qui est pourtant bien son rôle.

    Enfin, les organisations syndicales se voient de
plus en plus souvent refoulées des entreprises, accusées
de violation de domicile.

    Dans ce contexte, le lancement cet automne
d’une initiative visant à créer,
parallèlement à l’inspection étatique, une
inspection syndicale du travail, dotée de réels moyens de
contrôle, ne pourra que contrebalancer la tendance actuelle et
donner plus de droits aux salarié·e·s.

Vers une large manifestation contre le dumping social et salarial cet automne ?

Il appartient ainsi à toutes les forces progressistes de
soutenir les initiatives pour l’introduction d’un salaire
minimum légal, mais également d’appuyer
l’initiative genevoise pour la création d’une
inspection syndicale du travail. Il est cependant nécessaire que
ces initiatives s’ancrent dans une dynamique sociale à
créer, qui soit à même de redonner confiance aux
travailleuses et aux travailleurs. On attend ainsi des forces
progressistes qui, cet automne, se lanceront dans leurs campagnes
électorales qu’elles n’oublient pas que la politique
se fait en premier lieu dans les entreprises et dans la rue. Pour
contrer la propagande populiste, il est bien entendu essentiel
d’avoir un programme mais il est tout aussi cardinal de le
défendre publiquement. Et pourquoi n’irions-nous pas cet
automne vers une large manifestation contre le dumping social et
salarial ? L’appel est lancé.

Joël Varone