Grande-Bretagne
Grande-Bretagne : Dix ans de salaire minimum démentent la propagande patronale
En Grande Bretagne un salaire minimum légal (SML) a été introduit en 1999 et a déployé ses effets pendant plus de dix ans. Avec quel résultat ?
Début 2010, la Chambre haute du parlement britannique, débattait cette question. Le document préparatoire à cette session mérite le détour.1 Il montre que cette mesure a un bilan positif, loin de ce que veut nous faire croire la propagande dont nous abreuvent les patrons à la veille des votes populaires à GE et à NE sur nos initiatives.
Pas de pression à la baisse, au contraire…
Loin de ce « nivellement par le bas » que prédisent les libéraux, on a assisté en Grande Bretagne à une croissance régulière du salaire minimum, bien supérieure à la hausse tant de l’indice des prix que des salaires moyens.
De plus, sur 10 ans, un nombre constant, de l’ordre d’un million de salarié·e·s britanniques, a bénéficié de ces hausses chaque année. Ainsi, le nombre d’employé·e·s au bas de l’échelle des salaires, bénéficiant du minimum légal de salaire n’a pas augmenté, ce qui aurait été le cas si « nivellement par le bas » il y avait, et ceux-ci ont, en outre, bénéficié d’augmentations supérieures à la moyenne et d’un réel mieux de leur situation financière.
Un effet d’entraînement vers le haut
Mais surtout, dit le rapport : « Les données officielles disent que le salaire minimum n’a pas seulement profité aux quelques pourcents de salarié·e·s du bas de l’échelle, mais par un effet d’entraînement vers le haut, il a aussi influencé le niveau des salaires situés au-dessus du salaire minimum, les employé·e·s des catégories de revenus inférieures recevant des augmentations en pourcent supérieures à celles des catégories moyennes ou hautes. Ce phénomène est reflété dans l’étude de Dickens, Riley et Wilkinson (2009) qui a trouvé que la progression salariale la plus forte de 2001 à 2006 se situait dans les centiles inférieurs de la distribution des salaires. »
Le salaire minimum national britannique se situait, au moment de ce rapport, à 50.8 % du salaire médian. En transposant cette proportion à Genève par ex. – où en 2008 le salaire médian était de 6 801 fr. par mois selon l’Office cantonal de la statistique – cela donnerait un salaire minimum à 3 455 fr., bien au-delà, proportionnellement, des 2 500 fr. qu’agitent nos propagandistes patronaux en épouvantail.
Bon pour l’emploi…
Par ailleurs, ces derniers – en même temps qu’ils annoncent des baisses de salaires dues au SML – prédisent que les hausses de salaires qu’il induira – comprenne qui pourra ! – tueront l’emploi. Sur ce point, le rapport est éclairant. Malgré les réelles hausses de salaires induites par le SML, le rapport dit que « le marché du travail s’est bien porté durant la période de mise en œuvre du salaire minimum national, l’emploi passant de 27.04 millions en avril 1999 à 29.50 millions en avril 2008, une progression annuelle de l’ordre de 1 %. »
Et favorable à l’égalité hommes-femmes
Enfin, le rapport examine les effets du salaire minimum légal sur l’écart des salaires hommes-femmes et entre travailleurs·euses « blancs » et issus de « minorités ethniques ». Dans ces cas, il conclut que cette mesure a contribué à réduire les inégalités. Son impact positif sur le revenu des femmes étant, en particulier, supérieur à celui sur les revenus des hommes.
Tous ces effets ne sont pas mécaniques. Le salaire minimum n’est pas une panacée qui remplacerait l’organisation et la lutte syndicales. Mais cette expérience suffit à discréditer les arguments grossiers des défenseurs patronaux du droit la sous-enchère salariale, qui refusent d’ouvrir les yeux sur la nécessité de cette mesure de protection des travailleurs·euses. Une mesure sur laquelle même la CDU d’Angela Merkel s’est vue obligée cette semaine d’entrer en matière, fut-ce à reculons, lors de son congrès à Leipzig, comme elle a dû – face à l’évidence de Fukushima – avaler la sortie du nucléaire !
Pierre Vanek
- « The National minimum Wage and Poverty », 8.3. 2010 sur : www.parliament.uk/documents/documents/upload/lln2010-008.pdf
Le patronat ment,
le patronat ment énormément !?*
La droite genevoise – MCG et UDC compris – a voulu invalider notre initiative pour un salaire minimum légal (SML), privant les citoyen·ne·s non seulement de ce droit, mais de se prononcer sur celui-ci. Or le Tribunal fédéral les a déboutés. Depuis, ils déforment ce jugement, disant qu’il limiterait le SML à 2 500 fr.
Or si le TF dit que ce salaire devrait être « proche du revenu minimal résultant des systèmes d’assurance ou d’assistance sociale », cela ne se traduit nullement par un tel montant.
Si on prend par ex. les « montants déterminants destinés à couvrir les besoins vitaux » définis à GE dans le cadre des prestations complémentaires cantonales, on se retrouve, pour une personne vivant seule, avec un montant forfaitaire de 25 342 fr. l’an pour couvrir ses besoins vitaux, auquel on peut ajouter 13 200 fr. pour le loyer et les charges, sans compter 450 fr. par mois de prime d’assurance-maladie et le remboursement d’autres frais, dentaires par ex.
Ça donne un montant mensuel de 3 700 fr. environ pour une personne. Or si on sait qu’un salaire ne peut pas forcément couvrir les besoins d’une famille, prétendre qu’il ne doit couvrir que les besoins d’une unique personne, comme c’est le cas des montants ci-dessus, n’est guère défendable. De plus, le TF a dit qu’un SML devrait être proche, mais pas égal, à un montant résultant du système de couverture sociale.
Ainsi – sans parler de l’initiative fédérale de l’USS – qui lèvera bientôt, on l’espère, les limites du droit supérieur actuel : les 4 000 fr. mensuels de notre argumentaire sont conformes au jugement du TF, alors que les 2500 fr. agités par les patrons sont une désinformation honteuse.
PV
* A chanter sur l’air du « Radio Paris ment, Radio Paris est allemand ! » de Pierre Dac sur la BBC en 1943–1944. En effet, c’est Goebbels qui disait que : « Plus le mensonge est gros, plus il passe. »