La campagne pour le droit à l'avortement est lancée

Suite au dépôt de l’initiative réactionnaire qui remet en cause le remboursement de l’avortement par l’assurance maladie de base, la coordination nationale de la Marche mondiale des femmes a appelé les féministes de toute la Suisse à s’organiser pour répondre ensemble à cette offensive. Jusqu’à présent, trois rencontres nationales ont eu lieu à Berne, permettant de planifier diverses actions pour 2012. Voilà quelques extraits de l’analyse en profondeur que l’on trouve sur www.marchemondiale.ch.

«Partout dans le monde, le droit de choisir si oui ou non nous voulons un enfant nous est contesté. Les milieux conservateurs et réactionnaires – soutenus par l’église catholique et des partis politiques de droite et d’extrême-droite – attaquent aujourd’hui directement ou indirectement le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Au Portugal, en Galicie, en Macédoine, mais aussi en France, comme en Suisse, le droit à l’avortement, conquis de haute lutte, est aujourd’hui menacé. Ailleurs, il est carrément supprimé. […]

Derrière ces attaques au droit à l’avortement, ce sont aussi d’autres droits qui sont visés, pour lesquels les femmes luttent (autonomie, droit au travail, choix de leur sexualité…). L’attitude paternaliste de l’Etat s’en trouve renforcée : par le pouvoir qu’il détient, il se donne l’autorité de décider des choix personnels des individus, en particulier de ceux des femmes.

[…] Cette volonté générale de remise à l’ordre des femmes par les milieux conservateurs, sexistes et racistes (qui partout dans le monde s’organisent et se renforcent) appelle de notre part 

– une réflexion de fond sur les liens qui existent entre la remise en cause du droit à l’avortement et les quatre champs d’action définis en 2010 par la Marche Mondiale des Femmes (MMF) ;

– la définition de nouveaux moyens d’action tenant compte des nouvelles technologies de communication et d’autres formes d’agir (cf. mouvement des indigné·e·s, facebook, flashmob, etc.) ;

– une meilleure prise en compte de la nécessité de trouver des moyens de communiquer qui ne dépendent pas que des médias qui, trop souvent, ignorent les mobilisations féministes, et nous sont hostiles.

 

Travail et autonomie des femmes

[…] Derrière cette initiative se profile clairement la volonté – toujours présente dans les milieux réactionnaires et plus répandue en période de crise – de renvoyer les femmes à leurs casseroles et aux soins à prodiguer gratuitement aux enfants et aux proches, malades ou handicapés.

[…] Il est important que la société garantisse à chacune la liberté nécessaire pour continuer à étudier, à se former ou à travailler en ne mettant au monde que des enfants désirés. L’accès à une bonne prévention (information et contraception libres et gratuites), mais aussi, en cas d’échec, l’accès facilité à la pilule du lendemain font partie de nos revendications prioritaires.

 

Défense des services publics et du bien commun

[…] L’enjeu de notre lutte pour le maintien du libre accès à la santé comme service public et pour le droit à une IVG et une contraception remboursées, pour un renforcement de la prévention (dans les écoles, sur les lieux de travail, dans les centres de requérantes, etc.) est important pour toutes les femmes, mais spécialement pour les jeunes femmes, qu’elles soient suisses ou immigrées/réfugiées. 

[…] La défense du principe de solidarité est essentiel, et va au-delà de la lutte contre les initiatives anti-IVG. Nous luttons avec et pour toutes les femmes, y compris celles qui n’ont pas de voix politique ; nous exigeons que toutes, quel que soit notre statut, notre nationalité et notre âge, nous puissions véritablement choisir si et quand nous voulons (ou pas) des enfants. […]

 

Violences envers les femmes

[…] Imposer à une femme de porter contre son gré un enfant dans son ventre et l’obliger de le mettre au monde est d’une incroyable violence. Pour la femme en premier lieu, mais aussi pour l’enfant non désiré.

[…] Viol et grossesse non désirée : la société se doit d’aider les victimes des violences sexuelles, mais accepter (comme le préconisent les partisans de l’initiative) que l’IVG ne soit couverte par l’assurance maladie que dans le cas extrême d’un viol est une restriction inacceptable d’un droit fondamental, obtenu de haute lutte. Il est à noter aussi que le viol dans le mariage (bien que condamnable selon la loi) n’est que rarement avoué comme tel.

 

Paix et démilitarisation

[…] Le viol des femmes et des filles est constamment utilisé comme arme de guerre, pour l’intimidation et la domination des peuples. Certaines femmes qui arrivent en Suisse comme requérantes d’asile peuvent se trouver dans des situations de grossesse involontaire (voire traumatisante et à risque) par leur vécu durant la guerre ou lors de la fuite. Le droit à l’avortement pris en charge par les assurances doit être garanti pour toutes les femmes, c’est dire qu’il nous faut aussi explicitement tenir compte de ce que peuvent vivre les femmes lors de ces circonstances violentes et douloureuses de guerre et de fuite. Ce point mérite enquête et approfondissement. […]

Avec un appel à s’engager dans l’action et à continuer la réflexion, deux chapitres complètent le document :«Comment agir ensemble?» et «Communication». 

La première action commune aura lieu le 8 mars 2012. Décidée lors de la troisième rencontre le 15 janvier 2012, elle se prépare actuellement sous la forme d’une lettre ouverte qui sera adressée au Conseil fédéral et aux parlementaires des deux chambres. Toutes les organisations féministes et féminines d’accord de s’engager pour le droit à l’avortement sont invitées à la signer (pour contact : mmf.suisse@yahoo.com).

 

Marianne Ebel