Un massacre qui tombe à pic

Le mercredi 1er février, 75 supporteurs de football meurent dans le stade de Port-Saïd sous le regard impassible des forces de l’ordre, censées éviter les confrontations entre « Ultras ». Ces « Ultras », en particulier ceux de l’équipe cairote d’Al-Ahly, ont toujours été en première ligne de la défense des manifestations de la place Tahrir lorsqu’elles étaient agressées par les forces de police ou les sbires du régime. Par exemple lors de la fameuse « bataille des chameaux » du 2 février 2011.

Habitués aux confrontations avec la police, souvent accueillis par la police montée et ses fouets, les « Ultras » sont considérés comme une «réaction spontanée à la domination de la politique du profit et à la rapacité des capitalistes envers le football» par les Socialistes révolutionnaires égyptiens. Dans leur déclaration, ces derniers évoquent trois hypothèses pour expliquer le massacre de Port-Saïd. Soit la volonté de réprimer les forces et les groupes qui ont participé à la révolution. Soit, vu la date anniversaire de la « bataille des chameaux », la manifestation de la capacité d’action, dans l’impunité, de ses commanditaires. Soit enfin, quelques jours après la levée de l’état d’urgence, une provocation permettant de démontrer que sans celui-ci, la sécurité n’est pas assurée. La déclaration poursuit : «Quel que soit le message que ce crime veut faire passer, la seule réponse des forces révolutionnaires est de dire ‹Non›. Les crimes commis contre les forces révolutionnaires n’arrêteront pas la révolution, et ne terroriseront pas les révolutionnaires.
Les responsables de la ‹
bataille des chameaux› de 2011, qui sont protégés par le Conseil militaire, ne parviendront pas à leurs fins. Ils échoueront comme la précédente fois. Ils vont précipiter le régime actuel dans le même gouffre où ils ont mené celui de Moubarak. Les lois d’urgence qui n’ont pas pu protéger Moubarak, ne sauveront pas le maréchal Tantaoui (au pouvoir depuis le 11 février 2011).»

Plus loin, le texte rappelle que ce crime s’inscrit dans la continuité des tentatives de faire taire les forces révolutionnaires antérieures au massacre de Port-Saïd. Ainsi, une première chasse aux sorcières avait démarré en décembre lorsque le site du ministère de l’Intérieur, repris par des chaînes de télévision par satellite, avait mis en évidence le caractère « subversif » des Socialistes révolutionnaires en diffusant une vidéo d’une de leur séance de formation consacrée à la question de l’Etat et de sa chute. A la même période, un militant du Mouvement socialiste libertaire avait été poursuivi par le procureur de la sécurité de l’Etat.

Concernant la subversion de l’Etat du Conseil supérieur des forces armées, les Socialistes révolutionnaires sont restés intransigeants : «Oui, nous cherchons à renverser l’Etat de tyrannie et de pauvreté qui nous a gouvernés pendant les 30 dernières années et qui continue à nous gouverner aujourd’hui, l’État qui a tué des milliers de combattants dans ses prisons, l’État qui a pillé et volé les pauvres afin d’accroître la fortune des riches. C’est l’Etat qui soutient les patrons dans leurs confrontations avec les travailleurs. C’est l’Etat qui refuse de renationaliser les entreprises qu’il a liquidées à bas prix, bien que les tribunaux aient statué en faveur de la campagne des travailleurs pour les rendre à la propriété publique, démontrant que pour cet Etat, le pouvoir du capital est plus important que l’autorité du système judiciaire.
C’est l’État qui autorise les capitalistes à licencier et à affamer les prolétaires, les paysans et les pauvres par milliers, puis qui proclame des lois qui criminalisent leurs protestations.

Il s’agit de l’État qui établit entre ses citoyens une discrimination fondée sur la religion, le sexe et la race. C’est l’État raciste qui a massacré des réfugiés soudanais en 2005 et agressé sexuellement des femmes en 2006 et 2011. C’est l’État sectaire qui a comploté pour brûler des églises et qui a persécuté des chrétiens coptes pauvres et qui a finalement assassiné 24 d’entre eux en octobre cette année.?»

Une détermination sans faille, qui force le respect, mais surtout représente la seule voie possible face à un régime qui entend bien ne pas renoncer ni à ses privilèges ni à ses méthodes criminelles. 

 

Daniel Süri