LAlliance dOlten tient la route Brunner et le PSS déraillent
LAlliance dOlten tient la route Brunner et le PSS déraillent
Dès laube du 25 janvier, aux quatre coins du pays, des milliers de personnes se mettaient en mouvement pour aller manifester contre le World Economic Forum à Davos, transformé en camp retranché des multinationales, protégé par un dispositif militaire et policier sans précédent, payé à coup de millions publics et complaisamment encensé par les médias dominants comme étant la pierre suisse apportée à la croisade contre le spectre «terroriste». Ceci alors quun terroriste authentique, comme Colin Powell, se voyait dérouler le tapis rouge à Davos
Cette mobilisation a été le fruit dun patient travail dinformation, de mobilisation et dorganisation, mené par les militant-e-s et les groupes rassemblés sur la base de la plateforme de l«Alliance dOlten»1, ces manifestant-e-s refusaient la mondialisation capitaliste, la privatisation des services publics, la marchandisation de toute la vie sociale, le racisme, le patriarcat et bien sûr la guerre! Ils refusaient aussi le pseudo «dialogue» avec les patrons du WEF, mis en scène pour masquer la réalité des rapports de force sociaux et des intérêts de classe radicalement contradictoires qui saffrontent à léchelle du monde.
Les leçons de 2001
En 2001 déjà, la manifestation contre le WEF avait été purement et simplement interdite, au nom du primat du droit des plus riches sur les droits démocratiques élémentaires, démonstration éminemment pédagogique des règles du jeu capitaliste. La débauche de millions en faveur dun état de siège ad hoc, au service dun club privé de multinationales, avait suscité alors une vague dindignation, dont le WEF était sorti politiquement diminué.
Cette année, pour les dirigeants du WEF, et leurs serviteurs empressés, il sagissait de ne pas renouveler léchec de 2001. Comment faire? La recette est éprouvée: en concédant formellement le droit de manifester aux opposant-e-s, tout en le niant en réalité. En tentant de mettre en scène, lopposition entre «bons élèves» dun côté, critiques, dociles, modérés et peu nombreux, avec de lautre, les «radicaux» menaçants, sur lesquels la campagne sécuritaire et antidémocratique internationale, qui tourne à plein régime depuis le 11 septembre, permet de coller létiquette de «terroristes» potentiels.
Ainsi la manifestation a-t-elle été formellement autorisée, tout en soumettant les participant-e-s au filtrage par un dispositif policier sans précédent dans ce pays: ils étaient censés passer dans un dispositif permettant fouilles, photos, fichage individuel et refoulements arbitraires sur la base de «listes noires» policières. Passer sous le joug de ces mesures antidémocratiques et franchir les écluses à bétail humain de Fideris aurait créé un précédent, aurait légitimé et banalisé la généralisation dune vraie machine de guerre contre les mouvements sociaux.
Brunner choisit son camp
Message de Porto AlegreSamedi 25 janvier, lassemblée des mouvements sociaux du Forum social mondial de Porto Alegre adoptait la résolution suivante, à lunanimité, sur proposition de membres du Forum social suisse présents, notamment Eric Decarro, président du SSP/Vpod: «Lassemblée des mouvements sociaux tient a protester contre les atteintes à la liberté de manifestation que constituent les mesures adoptées par les autorités suisses, dans le cadre du dispositif sécuritaire, policier et militaire quelles ont mis en place pour protéger le forum économique de Davos. LAssemblée des mouvements sociaux considère quavec de telles mesures, les autorités portent lentière responsabilité des évènements qui pourraient survenir lors de cette manifestation. LAssemblée des mouvements sociaux considère de plus que cette atteinte à la liberté de manifester et la transformation de Davos en camp retranché est parfaitement représentative des conséquences autoritaires et antidémocratiques que porte la globalisation néolibérale que les décideurs réunis à Davos veulent promouvoir.» |
Cest pourtant cette voie-là quà choisi le PSS et sa présidente Christiane Brunner, dans un communiqué, quatre jours avant la manif, ils ont eu le culot inouï de présenter les mesures de policières comme étant des «dispositifs minimaux destinés à assurer la sécurité des personnes souhaitant manifester à Davos autant que celle de la population davosienne», invoquant la caution dun professeur de droit qui sy connaît en libertés publiques puisquil a fonctionné en son temps comme expert au service du Conseil fédéral pour la mise en place des «mesures de contraintes» contre les demandeurs dasile.
LAlliance dOlten quant à elle a réagi de manière responsable en organisant la «désobéissance civile» de Fideris. Une délégation de plusieurs centaines de personnes (dont deux élu-e-s de solidaritéS) ont pris place dans un premier train doù, pacifiquement mais avec détermination, ils ont refusé les contrôles et négocié, avec lappui des syndicalistes du SIB venus par la route, le libre passage des manifestant-e-s vers Davos.
Flics violents, accord violé
Après deux heures et demi de négociations, un accord a été trouvé avec les autorités, annoncé et garanti par haut-parleur par un élu municipal bourgeois de Davos, attesté par les membres des Juristes démocrates de Suisse présents sur place. Pas de contrôles didentité individuels, pas de passage dans les «écluses», contrôle léger des seuls bagages dans le train, mêmes conditions pour tous les véhicules suivants.
Or cet accord a été grossièrement et à dessein violé par les autorités, les manifestant-e-s des trains suivants ont été soumis aux exigences policières initiales, ont refusé et se sont repliés sur Landquart où des millers de personnes ont passé des heures, parqué-e-s dans un enclos et harcelés par la police Ils ont même essuyé dans les trains, au départ en direction de Zürich et Berne, des tirs de balle en caoutchouc, qui ont fait plusieurs blessés.
Dans la soirée, à larrivée à Berne, au sortir de la gare, cest à coup de lacrymogènes et balles en caoutchouc que la police a empêché les manifestant-e-s de rejoindre la Place fédérale et dy crier leur indignation. Assurant ainsi aux médias complaisants les scènes «démeute» indispensable pour justifier la débauche policière. Dans Le Matin du lundi suivant on verra par exemple une photo de manifestant-e-s pacifistes, à genoux et mains levées face à un cordon de police, présentés comme des «casseurs» dans un article titré «Des terroriste prêts à tuer»!
Des enseignements à tirer
Dans un premier temps lexistence même de laccord de Fideris a été occulté par les médias. Ceci afin de présenter les centaines de manifestant-e-s, arrivés à Davos grâce à cet accord et ayant ensuite ramené symboliquement lautorisation de manifester à la municipalité, comme les «troupes» – en fait inexistantes – dune Christiane Brunner qui sest soumise au contrôles et qui sest retrouvée isolée à Davos avec un groupuscule de quelques dizaines dacolytes, alors quelle se mettait en scène abusivement comme la porte-parole de «milliers de manifestants» opposés moins au WEF ou à la répression quà lAlliance dOlten.
Le viol de laccord de Fideris a été depuis banalisé. Michel Barde par exemple, secrétaire général de la Fédération romande des syndicats patronaux, justifiera tout par largument suprême: à la guerre comme à la guerre. «Les manifestants ont crié au viol des accords conclu avec la police, comme si des actions de guérilla, car cest à peu près de cela quil sagit, pouvaient être complètement contrôlées et planifiées à lavance, sans débordement de part et dautre »2 écrira-t-il.
Du côté des opposant-e-s au WEF, cest un travail important de bilan, dinformation, de rétablissement des faits, de débat sur ce qui sest passé et sur les leçons à en tirer, qui a été entrepris. Il sagit en effet que les opposant-e-s à la mondialisation capitaliste dans notre pays sortent renforcés et plus unis de cette confrontation. Prochain rendez-vous clé: lanti-G8 en juin n
Pierre VANEK
1 V. solidaritéS No 18 du 12.12.02
2 Tribune de Genève, du 5.2.03