Xénophobie

Xénophobie : Xénobio et Ecopop vont en bateau - La barque est-elle pleine?

La barque est-elle pleine?

Personne ne parle aujourd’hui d’«Ecopop», bon moment pour ouvrir la discussion d’un sujet difficile. L’Association écologie et population (Ecopop), qui a lancé le 6 mai 2011 son initiative «Halte à la surpopulation» l’a déposée le 2 novembre 2012 avec 120 700 signatures. Ancien activiste de Kaiseraugst, Benno Büeler, son président, affirme qu’elle ne vise pas les étrangers. «Ecopop» assure «se distancier clairement de vues xénophobes ou racistes».

Le 11 mars 2012, affairistes et bétonneurs tremblent de colère et l’électorat écologiste est satisfait du succès de l’initiative de Franz Weber «Pour en finir avec les constructions envahissantes de résidences secondaires».

Le 7 août 2012, la Tribune de Genève annonce que Franz Weber soutient l’initiative d’Ecopop. Quinze mois après son lancement celle-ci n’a réuni «que» 90 000 signatures. Weber la boostera-t-il ? Une féroce campagne le dénigre. Peu dégoûtés lorsqu’ils s’en prennent aux «criminels étrangers», aux «abus des réfugiés» ou au «danger islamique» les caciques PDC et PLR traitent d’extrémiste xénophobe le «vieux lion» de l’écologie.

Ecopop se nourrit d’une révolte légitime

C’est qu’il pèse lourd avec les 200 000 membres de l’association Helvetia Nostra, on l’a vu en mars. Et son propos est limpide : Mon engagement n’est pas dirigé contre les étrangers, mais contre les promoteurs et les élites économiques qui ne pensent qu’à vendre, faire du fric et bétonner la Suisse. C’est ça le thème: pour le profit, on bétonne l’avenir de nos enfants. Je n’ai jamais rien eu contre les étrangers. Je veux surtout que le parlement saisisse la problématique de la surpopulation. C’est une question d’intérêt supérieur dont les partis politiques, de gauche comme de droite, et pourquoi pas d’extrême-droite, doivent s’emparer. Confus, cet appel révèle le désarroi de l’époque. Quel cap suivre lorsque les boussoles sont désorientées ?

Craindre la surpopulation suffit-il à combattre les capitalistes?

Ayant déclenché le scandale, Franz Weber nuance son soutien : «C’est un soutien relatif. L’initiative n’est pas mon combat. Je m’en prends aux spéculateurs, pas aux étrangers. Je n’ai jamais de ma vie été contre les étrangers, pas un quart d’heure !» Ecopop réunit aisément les dizaines de milliers de signatures qui lui manquaient. Dès août 2012, Philippe Roch, ancien chef de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a lui aussi soutenu Ecopop : «On ne peut pas croître indéfiniment dans un monde limité.» En déposant l’initiative il déplore la «réaction complètement hystérique» qu’a suscitée leur soutien et espère un débat public qui brisera le «tabou de la surpopulation».

En septembre, Ecopop dépose plainte pour diffamation et atteinte à l’honneur contre Maria Roth-Bernasconi (PS) et Antonio Hodgers (Verts) qui auraient dans les médias associé l’initiative au national-socialisme et à l’eugénisme. Quiconque remet en question la croissance de la population se fait traiter de nazi déplore Philippe Roch.

Le «combat antixénophobe» du passé n’a plus d’avenir

Les xénophobes des années 60 luttaient contre l’embauche d’ouvriers étrangers. Les patrons les contraient. Ils ne voulaient pas plus de leur influence que de celle des syndicats sur leur politique d’embauche. Le «combat antixénophobe» articulait ainsi l’opposition des patrons, le discours charitable des églises et le productivisme de la gauche traditionnelle. Avec le soutien du Conseil fédéral et du Parlement il remporta des victoires difficiles. Ceci alors que la crainte de l’«altération excessive de l’identité nationale» (Überfremdung) avait imposé depuis les années 20 une xénophobie raciste.

Mais les partis gouvernementaux, qui ont démantelé le droit d’asile, lutté contre le « crime étranger» et laissé passer l’initiative anti-minarets pour empêcher «l’enchevêtrement culturel»1 et le séjour des «ressortissants des pays européens qui n’ont pas les idées européennes (au sens large)»2 ont brisé l’alliance antixénophobe. Leur adaptation au discours de l’UDC le démontre. Et les crises environnementale, climatique, énergétique minent l’idéologie productiviste qui dominait alors.

Avec Franz Weber contre les affairistes. Tou-te-s contre les capitalistes

Selon un premier article du soussigné dans le N°188 de solidaritéS : «Depuis les initiatives xénophobes des années 1970, aucun missile aussi puissant n’avait été lancé. Combien de nos lectrices et lecteurs ont-ils conservé la mémoire de la grande peur de ce printemps 1970 où la première initiative Schwarzenbach était soumise au vote ? Le danger d’Ecopop réside dans le caractère d’évidence et d’innocence qu’il semblera avoir.»

Ne devons-nous pas soutenir le Franz Weber dont «l’engagement n’est pas dirigé contre les étrangers» mais mettre en question son illusion d’une alliance «des partis politiques, de gauche de droite et pourquoi pas d’extrême droite» pour y parvenir ?

Seule une alternative au pouvoir capitaliste qui détruit la nature et la société pourrait permettre d’avancer «contre les promoteurs et les élites économiques qui ne pensent qu’à faire du fric», en Suisse comme dans le monde entier. Electoralement, une telle perspective ne pèse aujourd’hui pas grand-chose. Mais qui peut croire qu’une victoire sur Ecopop acquise avec des partis dont la politique antisociale stimule consciemment les angoisses xénophobes nous fasse réellement avancer contre le racisme ?

Karl Grünberg

  1. Conseiller fédéral démocrate-chrétien Arnold Koller, 1994
  2. Message du Conseil du 15 mai 1991 sur la politique à l’égard des étrangers et des réfugiés.