Danemark

Danemark : L'alliance rouge et verte approuve un budget d'austérité

Le Danemark connaît actuellement une situation politique désormais classique sur le Vieux Continent. Deux partis de gauche, le Parti social-démocrate (SD) et le Parti socialiste populaire (SF), gouvernent dans une alliance avec un parti bourgeois libéral au nom un peu trompeur de Gauche radicale. Ensemble, ils poursuivent une politique néolibérale.

 

Jusque-là, rien d’étonnant. On pourrait même reconnaître certaines similitudes avec des situations locales ou cantonales en Suisse. Ce qui l’est plus, en revanche, c’est que le regroupement des forces antilibérales, l’Alliance rouge et verte – Listes unitaires (Enhedlisten), a voté le second budget national présenté par ce gouvernement de centre gauche. Or le budget n’améliore pas vraiment la situation dégradée des chômeurs et chômeuses et se situe dans la continuité des contre-réformes adoptées depuis la formation du nouveau gouvernement en 2012, grâce au soutien de la droite. Ces mesures visaient à accroître la productivité du travail et les écarts de revenus entre les chômeurs, les chômeuses et les salarié·e·s. Dans cette logique, le capital et les couches disposant des revenus les plus élevés sont dispensés de payer les frais de la crise. Il y a eu d’une part une réforme fiscale réduisant les impôts des plus hauts revenus et d’autre part une refonte de la sécurité sociale rendant plus difficile la recherche d’un emploi subventionné par l’Etat par les personnes en difficulté. Elles s’ajoutaient à la réforme de la durée d’indemnisation des sans-travail voulue par le précédent gouvernement de droite, entrée en vigueur le 1er janvier 2013. 

L’approbation du budget 2013 ne s’est pas faite sans opposition dans l’Alliance, puisque la décision a été prise avec une forte opposition dans la direction nationale (15 voix contre 9). Comment s’explique cette décision, d’autant plus surprenante que la modification du régime des allocations de chômage avait suscité un tollé dans les rangs des électeurs du SD et du SF, ainsi que des syndicats ?

 

Un changement de pied de la droite

Au début de la négociation budgétaire, les fronts semblent clairs. La majorité de centres gauches cherche des alliés et se heurte à une double opposition. La droite, en particulier les libéraux de Venstre, refuse tout soutien. L’Alliance rouge et verte, elle, s’en tient fermement à sa proposition budgétaire la plus importante demandant la création d’emplois pour les chômeurs et chômeuses ou la prolongation de la durée de versement de leur indemnisation. Cette proposition était présentée comme une condition non négociable d’un éventuel appui au budget 2013.

Une attitude conforme à la résolution du Congrès national de 2010 de l’Alliance, qui disait : « Enhedslisten encourage le nouveau gouvernement à une rupture – fondée sur l’égalité sociale, la solidarité et le développement soutenable – avec les politiques du gouvernement précédent. Un budget qui marquera une telle rupture pourra compter également sur notre soutien. Mais nous ne pourrons en aucune circonstance soutenir un budget qui comprendrait des retours en arrière, ne comporterait pas d’améliorations significatives, serait le résumé d’une année de politiques d’austérité décidées en commun avec les partis de droite.»

 

La terrible logique du «moindre mal»

Puis les libéraux de Venstre ont annoncé vouloir négocier le projet budgétaire gouvernemental. La majorité de la direction de l’Alliance et de ses parlementaires a alors estimé que si elle maintenait sa demande inconditionnelle, son électorat lui reprocherait d’avoir poussé le gouvernement dans les bras des libéraux. S’y ajoutait le fait que le gouvernement avait fait quelques concessions, pour les personnes les plus défavorisées par exemple, allouant aussi quelques financements supplémentaires pour la politique « verte ». Une partie de la majorité de la direction de l’Alliance estimait qu’il fallait quoi qu’il en soit voter le budget pour éviter qu’il n’empire en cas de négociation avec les libéraux.

La minorité de l’Alliance – dont fait partie le SAP, la section danoise de la IVe internationale – a souligné que le budget comportait des coupes sur le dos de la population paupérisée et des sans-travail?; que sa logique dominante était celle des réformes néolibérales antérieures et qu’il n’y avait pas trace d’une politique budgétaire expansionniste visant une amélioration de la situation sociale et la création d’emplois dans le secteur public.

Par ailleurs, en acceptant le budget, la majorité de l’Alliance rouge et verte sapait les mobilisations et affaiblissait les possibilités de construction d’un mouvement de masse, puisque ce qui était accepté se situait en dessous de l’admissible.

Le débat sur cette question doit donc s’ouvrir dans les rangs de l’Alliance rouge et verte. Il appartiendra à son prochain congrès statutaire de faire le bilan de cette décision, qualifiée «d’erreur politique majeure» par ses opposants. 

 

Eric Peter

Traduction : DS