L'hébergement d'urgence saturé à Lausanne
Depuis plusieurs années déjà, l’hébergement d’urgence pour les personnes sans abri à Lausanne connait un manque de places structurel, à tel point que chaque nuit, plusieurs dizaines de personnes sont contraintes de dormir dehors.
Un rapport mandaté par le Service Social Lausanne (SSL), L’hébergement d’Urgence à Lausanne. Etat des lieux et recommandations, dont les statistiques ont été établies pour la période allant de novembre 2011 à janvier 2012, note que « chaque soir, les trois structures d’hébergement d’urgence de la Ville (la Marmotte, le Sleep-In et l’Abri PC en hiver) refusent en moyenne au total environ 30 personnes, qui n’ont pas d’autre choix que de dormir dehors ou dans un abri de fortune.?» Ayant été rédigé au moment de l’occupation des cabanons des Prés-de-Vidy par des familles et personnes sans logement, ce même rapport conclut qu’il y a actuellement, à Lausanne, un « déficit d’une quarantaine de places en hiver, sans compter la population rom, […et] d’une trentaine de places en été/automne ».
Pourtant, la Constitution fédérale établit, en son art. 12, l’aide minimale en situation de détresse comme droit fondamental dont bénéficie toute personne, indépendamment de son statut de séjour. Les autorités doivent, au minimum, assurer à tout individu un abri, de la nourriture, des vêtements ainsi que les soins médicaux d’urgence. Le « droit au toit » est aussi garanti par la Constitution vaudoise. Le fait que ce droit constitutionnel ne soit plus garanti à Lausanne semble laisser de marbre la Municipalité à majorité rose-rouge-verte, qui rechigne à augmenter les capacités de l’accueil à bas seuil, prétextant en particulier qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses pour financer une extension du réseau.
Jusqu’ici, la principale mesure qui a été prise pour faire face, de manière partielle, au manque de places a été l’ouverture en hiver d’un abri de la protection civile, qui offre aux personnes sans domicile un confort largement inférieur par rapport à une structure ordinaire d’hébergement d’urgence.
Usine à gaz
Dans le même temps, la police lausannoise met à l’amende les personnes, notamment des Roms, qui n’ont d’autre choix que de dormir dans leur voiture ou à la belle étoile. Faute d’alternative, ces personnes continuent pourtant à dormir sur la voie publique, ce qui amène à de nouvelles amendes majorées pour récidive. Par manque de ressources suffisantes, les sans domicile concernés ne paient souvent pas ces amendes, qui suivent donc une procédure administrative longue et inutile. Dans le contexte de l’interdiction de la mendicité à Genève, l’émission « Mise au Point » du 15 mai 2011 avait mis en évidence l’inefficacité des amendes et le coût de la procédure pour les collectivités publiques. En réponse à une interpellation de la députée Anne Mahrer, le Conseil d’Etat Genevois a ainsi évoqué un coût de 1 821 600 francs pour les amendes prononcées entre janvier 2008 et juin 2011. Une conclusion qui semble laisser indifférentes les autorités lausannoises.
Pendant ce temps, la situation de l’hébergement d’urgence ne cesse d’empirer, notamment en raison de la grave pénurie de logements dans l’agglomération lausannoise, qui frappe en particulier les locataires les plus précaires?; le rapport mentionné souligne ainsi que « chaque année, environ 200 locataires lausannois sont menacés d’expulsion de leur logement, et risquent de se retrouver à la rue ». Les auteur·e·s dudit rapport recommandent à l’unisson l’ouverture d’un nouveau lieu d’hébergement d’urgence. Seront-ils enfin entendus ?
Hadrien Buclin