Orange: fin de grève au goût amer
Orange: fin de grève au goût amer
«Soyons clairs, nous navons gagné quun mois de salaire» sexclamait une travailleuse jeudi 6 mars dans lassemblée qui a conclu la grève. Pourtant, tel que vendu aux médias, la direction dOrange concédait un plan généreux: 3,5 à 9,5 mois de salaire selon lancienneté, des indemnités et mesures de soutien individuelles pour les transféré-e-s à Bienne et un fonds de 2 millions comme compensations pour ceux qui ne peuvent pas accepter le transfert dans la cité horlogère.
Appel dusager-ère-s au boycott dOrangesolidaritéS, dès la reprise de la grève, a regroupé plusieurs dizaines de signataires sengageant à résilier leur abonnement si la direction continuait à ne pas entrer en négociation et à ne pas satisfaire les revendications des salarié-e-s dOrange. Plusieurs jeunes de RévolutionS avaient manifesté aussi leur soutien en appelant au boycott quils avaient signifié par leur présence solidaire aux travailleuses-eurs en grève. Nous remercions tous ceux et toutes celles qui se sont engagé-e-s à boycotter lopérateur: cette action ajoutée aux multiples messages de soutien à lintérieur et à lextérieur de nos frontières (notamment par le syndicat Sud) a contribué à redonner confiance aux salarié-e-s dOrange dans le cadre de leur grève. |
Du côté du syndicat de la communication, Alain Carrupt, vice-président affirmait: «La lutte a été très dure, et les attentes des employés très importantes. La majorité dentre eux na pas trouvé le plan fantastique, mais il sagit tout de même dune victoire…» (Le Temps, 7.03.03)
Un mouvement de grève déterminé…
Depuis lundi 24 février, où les employés avaient décidé de suspendre la grève, diverses démarches avaient été entreprises envers lOFCOM (voir solidaritéS n° 22) et auprès du Conseil dEtat vaudois, dans le cadre dune séance organisée sous légide de Jacqueline Maurer-Mayor, cheffe du Département de léconomie. Mais celle-ci navait donné aucun résultat. Les travailleuses-eurs avaient donc décidé de repartir en grève le jour suivant le 28 février. Jusquau lundi soir 3 mars, le mouvement a continué, avec différentes actions. En quelques jours les grévistes ont recueilli plus de 7000 signatures pour un plan social équitable, quils ont remises au syndic de Bussigny. Ils ont aussi entrepris des actions auprès des gros clients commerciaux dOrange comme Coop, et ont soutenu la demi-heure de grève de leurs collègues/voisins de Coca-Cola visés aussi par une restructuration. Puis le mardi 4 mars, les grévistes, avec des représentants dautres syndicats font barrage devant le Centre dappel de Bussigny. «On ne baisse pas les bras» lisait-on sur les banderoles et autocollants; toute la matinée ils intercepteront les salarié-e-s voulant rejoindre leur poste de travail. Blocage pacifique, et explication du sens de leur action.
Vendredi avec le soutien des autres syndicats devait avoir lieu une action importante: bloquer tous les centres Orange, à Bienne, Bussigny et Zurich. Jeudi, Orange cède la grève prend fin.
Les employé-e-s ne sont pas dupes
Les travailleuses-eurs dOrange ont une interprétation beaucoup moins favorable des faits que le syndicat de la Communication avec lequel la direction dOrange a dailleurs constamment refusé la négociation. «La direction clame des indemnités allant jusquà 9 mois et demi de salaire, mais bien peu toucheront cette somme» affirme un membre du Comité de grève. Alors que la moyenne dâge est de trente ans, seul un cas serait touché par cet avantage! Dans lassemblée qui a décidé la fin de la grève, une série demployé-e-s disaient leur déception: une partie dentre eux conservent un sentiment amer. Une autre travailleuse donne une note plus optimiste: «Nous avons affirmé notre dignité face à une direction qui ne nous respecte pas et nous avons montré aux autres salarié-e s que cétait possible»
Pierrette ISELIN
Francesco Panteri, délégué du personnel dOrange, aujourdhui licencié par la direction dOrange donne, à notre avis, la meilleure conclusion à cette grève.
Que penses-tu de ce plan social?
Un mois de salaire en plus, alors que nous avions demandé 3 mois par année de service, 1000 Fr. par an de service entamé et la libération de lobligation de travailler pour le personnel refusant le transfert à Bienne, cest bien peu après 12 jours de grève!
Quaurait-il fallu faire pour faire reculer la direction dOrange?
Bloquer hermétiquement les sites de Bussigny et Crissier et une présence tous les jours au WTC à Lausanne.
Vous vous êtes battus tous ensemble, mais vers la fin du mouvement, on sentait des tensions contradictoires
Les gens commençaient à être fatigués et la Direction a joué la pendule. Le syndicat na pas été très combatif ou plutôt il nest pas encore habitué au fait que le monde du travail a évolué.
Que vont faire les travailleuses et les travailleurs dOrange aujourdhui?
Travailler comme avant, tout simplement. Car ceux qui nont pas été concernés par ces restructurations ont été choyés et gâtés par la direction. Un employé dun Orange Center (magasin) à Avry (Fribourg) me disait samedi 1er mars que les personnes licenciées lavaient été parce quelles avaient fait grève on croit rêver! Ça montre combien la désinformation est forte au sein de lentreprise ainsi que la non-connaissance des droits des travailleuses et des travailleurs.
En quoi penses-tu que le syndicalisme des années dabondance a vécu?
Je me souviens quà une époque les chefs du personnel «débauchaient» les employés à coup daugmentations de 500 Fr. par mois sur simple coup de fil. En tant quemployé de commerce, jai connu ça. Les syndicats navaient quà soccuper de quel hôtel rajouter sur la liste pour les bons Reka, par exemple.
Maintenant, il faut se battre en étant dur, voir plus dur que les directions néolibérales à laméricaine. Elles décident unilatéralement et ne plient que très peu car elles savent quun combat long est en leur faveur. Elles sont à limage de Bush «Jai décidé et cest ainsi». Il ne faut pas les lâcher tant quelles ne sont pas revenues à un système où lêtre humain est le centre. Lentreprise a un réel rôle social à jouer et elle doit le jouer. Les syndicats sont là pour les y aider et le leur rappeler avec véhémence, si nécessaire.
(pi)