L’expérience du Parti Socialiste Ecossais

L’expérience du Parti Socialiste Ecossais

Comment (re)construire une «gauche de gauche» (pour reprendre la formule de Pierre Bourdieu), après la vague néo-libérale de ces 20 dernières années, l’effondrement du «communisme» et la dérive de la social-démocratie? Lors de notre 3e forum socialiste (novembre 2002), nous avons voulu débattre de cette question en invitant notamment Murray Smith, l’un des fondateurs du Scottish Socialist Party (SSP). Le SSP est né d’un regroupement de la gauche anticapitaliste écossaise qui bénéficie aujourd’hui d’une large audience populaire.


Aux origines du SSP, il y a la campagne unitaire contre la «poll tax»: un impôt particulièrement anti-social introduit par le gouvernement de Margaret Thatcher. Murray rappelle aussi que l’Ecosse, qui combine une industrialisation rapide et une question nationale aiguë, s’est toujours située à gauche de l’Angleterre. Enfin, le tournant à droite du Labour Party a poussé le courant «Militant» – d’origine trotskyste, qui travaillait au sein du Labour depuis les années 50 – à le quitter en 1992 pour former un groupe indépendant: le «Scottish Militant Labour» (SML). Cette même année, plusieurs candidats du SML ont été élus aux conseils municipaux de Glasgow et d’Edinburgh (dont Tommy Sheridan, animateur du mouvement contre la poll tax, alors emprisonné).

De l’Alliance Socialiste au SSP

Dans la foulée de ses premiers succès, le SML, qui s’était engagé dans l’animation de «forums socialistes» avec d’autres forces de la gauche anticapitaliste écossaise, a proposé la constitution d’une Alliance socialiste, pour développer une alternative au Labour Party et au Parti indépendantiste écossais (SNP), qui attirait alors une partie des militant-e-s de la gauche travailliste.


Malgré les difficultés inhérentes à un tel processus, l’expérience de l’Alliance a débouché trois ans plus tard, en 1998, sur la formation d’un nouveau parti plus large: le SSP. Lors des élections au Parlement d’Ecosse (mai 1999), Tommy Sheridan a été élu député à Glasgow. Sa première proposition de loi demandait l’interdiction des saisies pour dettes (méthode utilisée par le gouvernement pour l’encaissement de la poll tax); la deuxième visait la gratuité des repas dans les cantines scolaires.


Aujourd’hui, le SSP compte 3000 à 3500 membres. Outre des réseaux de femmes, de retraité/es (les «Panthères grises»), il a créé une organisation de jeunesse, «Scottish Socialist Youth». En raison de sa prise de position en faveur d’une «Ecosse socialiste et indépendante» et de la République, le SSP dispose d’un large crédit, notamment au sein des milieux culturels: des écrivain/es, des musicien/nes sont membres ou sympathisant/es du SSP (par ex., une bonne partie des acteurs du film de Ken Loach: «My name is Joe»). Le droit de tendance existe au sein du parti et la conception globale du militantisme vise à la construction d’un parti de masse (peu compatible avec certaines conceptions traditionnelles de l’extrême gauche). Le SSP est impliqué dans de nombreuses campagnes extra-parlementaires (dont évidemment le mouvement «altermondialiste» et le mouvement anti-guerre).

Ecosse et Angleterre

Malheureusement, les courants d’extrême gauche anglaise et écossaise ont connu des rythmes et des modalités de développement très inégaux. En effet, la réflexion sur leurs expériences respectives s’est développée dans des cadres différents. Par exemple, lors de la création du SSP, le Scottish Militant Labour a rompu avec le reste du «Militant» britannique, dont il était originaire. En Angleterre, le «Militant» n’a pas œuvré à la construction d’un parti de type SSP.


Selon Murray, les Alliances Socialistes britanniques sont bloquées au milieu du gué. Le Socialist Workers Party, principale organisation de la gauche révolutionnaire britannique, qui travaille au sein du SSP en Ecosse, ne paraît pas vouloir pousser les «Alliances socialistes» dans cette direction en Angleterre. Quant au «Militant», il a récemment quitté les Alliances Socialistes…


Le SSP a su «poser la question de l’alternative au capitalisme et de la contestation pratique des manifestations du néo-libéralisme au cœur de la vie politique écossaise». Pour Murray Smith, la construction d’une force anticapitaliste et socialiste répondant aux attentes croissantes des salarié-e-s nécessite des initiatives audacieuses et l’abandon de «réflexes» organisationnels conservateurs.


En résumé, une expérience intéressante dont nos lecteurs-trices pourront mieux prendre connaissance, notamment en consultant l’exposé complet de Murray sur notre site Internet. Bonne lecture et bonne réflexion!


Hans-Peter RENK


Documents qui peuvent être commandés à solidaritéS:

3ème Forum socialiste, week-end 23 & 24 novembre 2002: Quelle organisation pour le socialisme en Suisse et en Europe aujourd’hui? (solidaritéS – Genève & Neuchâtel; Collectif pour une alliance socialiste – Vaud; SoAl/Solidarität – Bâle).


Murray Smith & Frances Curran. – Le SSP: un nouveau parti pour le socialisme.


Murray Smith. – Nouveaux partis des travailleurs et nouvelle alliance internationale: le Parti socialiste d’Ecosse (SSP) ouvre le débat.


Les 6 premiers numéros (sous forme imprimée) de la revue bimestrielle «Frontline», publiée par la plateforme «International socialist movement» (ex-Socialist Militant Labour) au sein du SSP.

Textes disponibles sur INTERNET:

L’exposé de Murray Smith au 3e Forum socialiste est disponible sur: www.solidarites.ch/journal (consulter ensuite la rubrique «Textes en ligne», subdivision «Forums socialistes»).


Pour les lecteurs-trices familier/es de la langue de Shakespeare, voir le site du Scottish Socialist Party: www.scottishsocialistparty.org et de l’ISM: www.redflag.org.uk/