Amiante

Amiante : Schmidheiny coupable er responsable

La cour d’appel de Turin a aggravé le verdict de première instance en faisant passer la condamnation de Stephan Schmidheiny, dernier propriétaire de la firme Eternit, de 16 à 18 ans de prison et à 89 millions d’euros d’indemnités provisionnelles. Il est reconnu coupable d’avoir provoqué «une catastrophe humaine et environnementale par tromperie». Comme le mentionne la déclaration commune des associations des victimes (regroupant des organisations d’Italie, de France, de Belgique, d’Espagne et du Pérou), «la gravité de la peine correspond à la stratégie criminelle planifiée de la multinationale Eternit. Pendant des décennies, le cartel de l’amiante, comme l’avait amplement démontré l’extraordinaire enquête du parquet de Turin a poursuivi son expansion en cachant la nocivité et la cancérogénicité de cette fibre mortelle, provoquant ainsi les maladies et la mort de milliers de travailleuses, de travailleurs et de victimes environnementales ignorant du danger».

Cette victoire du pot de terre contre le pot de fer doit être saluée comme il se doit et servir d’exemple pour obtenir qu’en Suisse le délai de prescription de dix ans tombe dans le cas des victimes de l’amiante. Ce délai revient de fait à innocenter les multimilliardaires de la famille Schmidheiny, les maladies (cancers des poumons et de la plèvre) ne se déclarant qu’après un temps de latence généralement plus long, pouvant aller jusqu’à trente ou quarante ans.

Un objectif qu’il ne sera visiblement pas facile d’obtenir si l’on en croit les réactions de la presse suisse. La Neue Zürcher Zeitung (NZZ) a ouvertement regretté que Schmidheiny soit traité comme un vulgaire « tueur en série »?; pour sa part, le groupe Tamedia (24 Heures, Tribune de Genève), avec la complicité de l’ATS, s’est placé sans vergogne du côté des puissants, publiant un portrait flatteur de Stephan Schmidheiny en philanthrope soucieux d’environnement et de social. Rebelote quelques jours plus tard, avec l’annonce du décès par mésothéliome d’un membre du gang, Anton Schrafl, cousin des frères Schmidheiny et ancien dirigeant du groupe. L’angle choisi pour ce disparu de 81 ans ? Du compassionnel, genre « vous voyez, même la famille en paie le prix ». Si les milliers de victimes de l’amiante en Suisse avaient reçu le même traitement, si la même place avait été accordée aux victimes ouvrières qu’à ce directeur, l’interdiction de l’amiante aurait certes été prononcée plus tôt.

Une interdiction, du reste, pour laquelle il est nécessaire de continuer à sa battre, puisque, de manière inattendue, pour la quatrième fois la chrysolite – dernière forme d’amiante produite dans le monde – n’a pas été portée sur la liste des substances dangereuses de la Convention de Rotterdam. Cela, grâce à l’action de sept pays producteurs : Russie, Zimbabwe, Kazakhstan, Kirghizistan, Ukraine, Inde et Vietnam. Rappelons que selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé, l’amiante provoque chaque année plus de 100 000 morts.

 

DS