Expulsion du Squat de la Main

Expulsion du Squat de la Main : Ortica résiste et signe!

Bien que l’expulsion du squat ait été décidée pour fin juin par la Ville de Neuchâtel, le collectif Ortica, qui gère les lieux, loués à prix modique par la Ville, a décidé de faire de la résistance. Non seulement pour défendre un projet social au bénéfice des plus démuni·e·s et animer une scène alternative moribonde, mais aussi – en filigrane – pour signifier à la Ville que sa politique sociale et culturelle est calamiteuse.

Une pétition est en ligne sur Avaaz*. Cette résistance n’empêchera pas la fermeture du squat. En revanche, ce bouclage n’étouffera pas, bien au contraire au vu du soutien apporté, la volonté du collectif Ortica, présent à la rue de la Main 2 depuis plus d’un an, de poursuivre ses activités : « bouffes populaires » (où chacun·e paye selon ses moyens), livraison gratuite de fruits et légumes récupérés, soirées de réflexion politique (organisées, notamment, par solidaritéS, POP, FLM, OSL…), soirées de soutien (pour les grévistes de l’hôpital de la Providence par exemple), mini-concerts…

 

Un projet à refonder…

Acteur embryonnaire et précaire d’un mode de vie construit sur un modèle autonomiste et collectiviste – précaire parce que toujours soumis aux injonctions répétées et continues de la Justice, quand ce n’est pas de la politique, à l’image du rôle joué par le conseiller communal socialiste Olivier Arni (PS) – Ortica doit maintenant se trouver de nouveaux locaux, mais aussi refonder son projet en intégrant toutes les personnes qui ont participé à la vie de la Main, «car tout cela ne nous appartient pas, nous les membres du collectif Ortica, tout cela appartient à chacune et chacun d’entre nous» comme l’ont dit et écrit des membres du Collectif parlant de tous les par­ti­cipant·e·s aux activités du squat.

Ce n’est pas nouveau ni surprenant de dire que les entreprises collectives et indépendantes ne s’accompagnent que d’un soutien, au mieux mitigé, au pire inexistant, quand l’activité est constitutive d’une idéologie et spécialement quand l’idéologie s’attaque aux errances multiples de nos édiles, incapables de trouver des solutions adaptées aux nombreux problèmes que connaît la Ville (logements et crèches, paupérisation et chômage, etc.) et au modèle capitaliste en général.

 

Les vrais motifs de l’expulsion

Et c’est précisément à ce niveau que se situe le motif réel d’expulsion et non dans les reproches « classiques », mais judiciairement suffisants que l’on connaît : plaintes du voisinage concernant le bruit et les déprédations, le non-respect des consignes de protection incendie (hypocrite puisque les locaux loués par la Ville à Ortica n’ont jamais été considérés comme salubres), non-respect du contrat signé avec les autorités. Notons que la Main n’était pas le premier lieu investi par Ortica. Il avait cependant été mis à disposition par la Ville, malgré la présence d’un voisinage résidentiel proche et peu réceptif, qui plus est à 15 minutes du centre-ville.

Mais en la matière, il n’y a pas de « bon » endroit, pas de lieu, proche ou éloigné qui puisse convenir à des activités qui non seulement ne rapportent pas de profits, mais mettent en cause la logique du tout-au-profit. Des précautions, sous forme de contrat à clauses multiples, avaient alors été prises par la Ville pour s’assurer d’éventuels débordements (attendus/désirés ?) : «Encore une seule plainte et c’est l’expulsion». Après de multiples avertissements, au vu de la situation, inévitablement, les valises étaient déjà prêtes.

Toute l’affaire témoigne avant tout des volontés exprimées par la Ville en matière de culture, d’urbanisme et surtout de politique. Oui à une Case-à-chocs aseptisée, sous contrôle, mais pas d’espace pour penser autrement, expérimenter et réfléchir sur la culture, le social et le politique, par exemple sur la manière de répondre aux vrais besoins en logement bon marché qui font si cruellement défaut, à l’aménagement de l’espace urbain entièrement en main des professionnels qui laissent des places vides parce qu’inconfortables (en réalité des « non-places »). Et ce n’est certainement pas l’absence de tout débat politique ouvert et continu dans la vie neuchâteloise, de toute perspective autre que la monotonie médiatisée par les deux officines d’Etat que sont Le Courrier neuchâtelois et Vivre la Ville (l’un parle du squat comme d’une nuisance, l’autre n’en évoque pas la couleur) qui favoriseront un autre modèle de développement.

 

De l’espace pour dessiner un autre monde

De facto, c’est un non univoque à toute forme de démarche culturelle alternative (comme la proposition du collectif Ar’mur de réaliser de grandes fresques dans les rues taguées de Neuchâtel), le reclassement et les rénovations légères de bâtiments abandonnés, à l’image des Caves du Palais (immense bâtisse en plein centre-ville), laissées à l’abandon depuis 1987 et tout nouvellement cédées au privé et, pour finir, non au collectif Ortica lorsqu’il s’invite dans le débat politique en médiatisant la grève de la Providence, en apportant son soutien aux grévistes. Le fait que l’« extrême gauche » y réalise des séances de réflexion politique doit certainement venir ternir encore un peu plus ce sombre tableau…

Bref, au-delà de l’avenir du collectif, qui survivra et trouvera d’autres lieux pour reprendre ses activités, c’est toute la question de l’espace laissé aux démarches collectives et aux expériences d’une autre façon de vivre qui se pose à nous, comme acteurs de la volonté d’un autre monde.

 

Camille Jean Pellaux

 

* www.avaaz.org/fr/petition/Soutien_aux_expulsees_du_Squat_de_la_Main