Lute des salarié-e-s en «emplois de solidarité» à Partage

Lute des salarié-e-s en «emplois de solidarité» à Partage : Brèves de grèves: quand la charité tue la dignité

Nous sommes au 32e jour de grève des employés de Partage (Cyclotri et Halle). Les grévistes ont poursuivi leur lutte en enchaînant les assemblées, rendez-vous, et actions dont une manifestation commune avec les sa-larié·e·s du Service des espaces verts de la Ville de Genève et une manifestation commune avec les employé·e·s en grève ponctuelle de l’Office cantonal de l’emploi.

Deux motions relatives à la sous-traitance de tâches de service public ont été déposées, l’une en Ville de Genève et l’autre à Carouge. Les grévistes ont assisté au débat sur la prise en considération de la motion traitée au Conseil municipal de Carouge. Ils ont entendu la ritournelle désormais bien connue du « pauvre gars ». Par deux fois, un élu du camp bourgeois s’émouvait : «Tout ce que cette motion va réussir à faire, c’est renvoyer ces gens à l’aide sociale!»

« Ces gens », assis dans le public, en furent perplexes : ainsi il est affirmé que tous étaient à l’aide sociale avant que la bienveillante LIASI (Loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle) leur vienne en secours en leur proposant des Emplois de solidarité (EdS). Ainsi il est dit que tous ont des problèmes de lien social, de faibles qualifications, des histoires de vie accidentées. Les trois dames LIASI, LMC (Loi en matière de chômage) et ESS (Economie sociale et solidaire, version genevoise) exercent la charité, la main sur le cœur.

 

Pour une juste reconnaissance du travail effectué

Or les travailleurs·euses en EdS ne demandent pas la charité. Ils luttent pour leur droit à la dignité et pour la juste reconnaissance du travail qu’ils effectuent au quotidien, au même titre que n’importe quel autre tra­vail­leur·euses du dit « marché de l’emploi ordinaire » : un travail à 40 heures par semaine sans compensation des heures de nuit et du week-end, un travail sans espace-temps libéré pour de la recherche d’emploi, un travail sans offre de formation ou de formation continue.

A écouter la rhétorique du « pauvre gars » pour lequel le système des Emplois de solidarité serait une nécessité, je ne peux m’empêcher de penser à Roland Barthes, et à la réflexion qu’il nous livre dans Mythologies (1957) sur la charité dans un texte sur l’abbé Pierre : «Je m’inquiète d’une société qui consomme si avidement l’affiche de la charité, qu’elle en oublie de s’interroger sur ses conséquences, ses emplois et ses limites. J’en viens alors à me demander si la belle et touchante iconographie de l’abbé Pierre n’est pas l’alibi dont une bonne partie de la nation s’autorise, une fois de plus, pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice»

 

Cornelia Hummel

 

PS : Après avoir promis un audit de l’association « Partage », l’Office cantonal de l’emploi a effectué une volte-face et a saisi la Chambre des relations collectives de travail. On ne sait pas encore si ce tribunal arbitral acceptera la saisine. A suivre.