SPMI et SPAD

SPMI et SPAD : Grève illimitée pour cause de responsabilités majeures et reconnaissance mineure

Réunis en assemblée générale le 31 octobre 2013, les personnels du Service de protection des mineurs (SPMi) et du Service de protection de l’adulte (SPAd) ont voté une grève illimitée, reconductible chaque jour, à compter du lundi 4 novembre 2013. Nous publions ici un article rédigé « à chaud » par deux dé-lé-gué·e·s du personnel de ces services, qui expliquent les raisons de ce mouvement de grève.

Les personnels du Service de protection des mineurs et du Service de protection de l’adulte, estimant avoir été malmenés par leurs départements respectifs, lesquels leur ont imposé des négociations interminables et sans résultat satisfaisant depuis des années, ont décidé de s’associer pour dénoncer leurs conditions de travail.

 

Surcharge de travail et absence de moyens

 

La question du suivi d’une population particulièrement vulnérable est au cœur de leurs préoccupations. Ils tirent la sonnette d’alarme d’une surcharge de travail qui atteint durement l’état de santé des collaborateurs et collaboratrices des deux services de protection.

Ils dénoncent une absence de moyens qui nuit gravement à la qualité des prestations fournies, et ce depuis 2006, date de la séparation des secteurs mineur et majeur du Service du tuteur général et de la fusion du secteur mineur avec le Service de protection de la jeunesse.

Les revendications du mouvement concernent l’ensemble du personnel, assis­tant·e·s sociaux, gestionnaires et comptables.

Le 1er janvier 2013, la nouvelle loi civile sur les curatelles et tutelles a pris effet, avec pour corollaire que les assistants sociaux devaient dorénavant être désignés par les tribunaux civils en qualité de mandataires officiels (curateur ou tuteur). De ce fait, un nouveau statut devait leur être attribué, ainsi qu’une classe salariale en lien avec leurs nouvelles responsabilités. Il est à noter que les juristes des deux services de protection, lorsqu’ils avaient été nommés en tant que mandataires en 2006, avaient bénéficié de 3 classes supplémentaires.

 

Un statut non reconnu

 

Bien que les assistants sociaux aient dû endosser dès le 1er janvier 2013 leur nouvelle fonction, à cette date, ils ne bénéficiaient d’aucune reconnaissance de leur nouveau statut, ni d’un cahier des charges, ni d’une classe salariale adaptés. En effet, leurs demandes réitérées à cet égard étaient restées lettre morte.

Au printemps 2013, la fonction d’Intervenant en protection de l’enfance (IPE) et d’Intervenant en protection de l’adulte (IPA) a été créée et approuvée par le Conseil d’Etat.

A l’automne 2013, après moult engagements non tenus de la part des édiles, l’Office du personnel de l’Etat a rendu sa décision de situer les IPE et IPA en classe 16 avec une prise d’effet au 1er janvier 2014, pour autant que le budget de l’Etat le permette. Par ailleurs, les modalités salariales décidées se sont révélées les plus défavorables aux personnels, le résultat étant que les IPE et IPA toucheront un salaire diminué du fait du rattrapage des cotisations sociales.

Il est à noter qu’au mois d’octobre 2013, le Conseiller d’Etat en charge du DIP, Charles Beer, tout en concédant que la classe 16 n’était pas proportionnée au degré de responsabilités de la nouvelle fonction, a fait miroiter la perspective d’une amélioration de la situation grâce à l’outil d’évaluation SCORE (dont l’entrée en vigueur est prévue en 2016, s’il voit le jour).

En conséquence, les personnels revendiquent l’attribution d’une classe salariale à la hauteur des responsabilités et de la complexité du rôle dévolu aux IPE/IPA, à savoir la classe 20. Par ailleurs, les personnels entendent obtenir naturellement l’effet rétroactif au 1er janvier 2013, date de la mise en application légale de la nouvelle loi civile, puisqu’ils ont assumé, dès cette date, les nouvelles charges et prérogatives relatives à leur fonction.

 

Un nombre de dossiers sans limites

 

Une autre revendication, d’égale importance, consiste en la fixation d’un nombre maximum de dossiers par assistant social et par gestionnaire. En effet, les personnels du SPMi et du SPAd dénoncent depuis des années la surcharge des deux services concernés. Sur ce sujet, les directions successives des services de protection n’ont jamais montré une réelle volonté de fixer de limite, comme si les deux services étaient censés pouvoir absorber l’ensemble des problématiques inhérentes à la précarisation et la paupérisation croissantes de la population.  

Au SPMi, un IPE est responsable en moyenne de la sauvegarde des intérêts de 65 mineurs, dont les situations sont telles que la moitié d’entre eux bénéficie d’un mandat de protection conféré par les tribunaux civils. Le suivi de ces 65 mineurs implique également de collaborer étroitement avec son réseau familial et institutionnel, ce qui nécessite de nombreuses démarches auprès d’un nombre important de personnes et d’instances. Au SPAd, un IPA, en moyenne, fait encore plus alarmant, est en charge pour un plein temps de 130 majeurs, dont certains présentent diverses problématiques d’ordre psychique, de troubles liés à l’âge et à l’isolement social.

Les calculs produits tant par le personnel du SPMi que celui du SPAd fixent des maxima à ne pas dépasser en vue de fournir les prestations indispensables à l’exercice de leur mission. Ces quotas de référence sont de maximum 40 dossiers par IPE pour le SPMi et de 80 dossiers pour le SPAd.

 

Un travail ardu et difficile

 

Les IPE et les IPA qui appliquent notamment des mandats dans un cadre de contrainte légale peuvent se trouver confrontés à de vives réactions, des intimidations, des menaces, voire des passages à l’acte de la part des personnes concernées. Certaines d’entre elles présentent des troubles psychiques graves sans qu’il existe forcément de suivi psychiatrique pour les stabiliser. D’aucunes ont été condamnées pour des actes de violence ou consomment des produits stupéfiants qui les désinhibent. Notre intrusion dans leur sphère privée est alors rarement appréciée. Le travail consiste à permettre aux adultes et aux familles – notamment en cessant l’usage de la maltraitance concernant le SPMi – de trouver les ressources nécessaires à l’amélioration de leur situation, en collaboration avec le réseau professionnel, lorsqu’il existe.

La tâche est particulièrement ardue, lorsque certains adultes ou mineurs ont développé des stratégies d’évitement et des mécanismes de résistance à toute forme d’aide, et que les IPE et IPA se trouvent dès lors les seuls intervenant·e·s dans ces situations.

 

Urgence contre prévention

 

La pléthore de dossiers induit des pratiques professionnelles centrées exclusivement sur le traitement des urgences au détriment d’un véritable travail de réflexion et d’évaluation devant aboutir à des actions de prévention sociales, et éducatives s’agissant du SPMi. Les IPE et IPA sont amenés constamment à établir des priorités, à évaluer les risques inhérents à tels mineurs ou tels majeurs, dans un contexte de sollicitations incessantes, voire de pressions, émanant des usagers eux-mêmes ou de leur réseau.

Les services de protection des mineurs et de l’adulte sont en mouvement depuis de longues années, mais le manque de considération à leur égard alimente une mobilisation qui ne fléchit pas. L’absence de réponses à la hauteur des difficultés qu’ils vivent et dénoncent par conscience professionnelle, la pression continuelle qu’ils subissent dans leurs métiers, l’impression d’avoir été floués par leurs décideurs depuis toutes ces années expliquent le ras-le-bol actuel.

Tout en poursuivant leurs activités professionnelles, au plus près de leur déontologie, ils s’estiment légitimés dans leurs demandes visant à être reconnus dans leur fonction, soutenus dans leurs difficultés et protégés dans leur santé. Sans réponse satisfaisante à ce jour à ces revendications, les personnels du SPMi et du SPAd ont décidé de faire grève, et d’alerter le public et la presse de la situation alarmante qui prévaut dans leurs services respectifs.

 

Dominique Perret, déléguée  du personnel au SPAd et Laurent Claude, délégué au SPMi

Titre et intertitres de la rédaction