Dépénalisation du cannabis à Genève

Dépénalisation du cannabis à Genève : Dans le bon sens!

La récente mise en consultation publique du Groupe de réflexion interpartis réunissant tous les partis représentés au Grand Conseil genevois dans la dernière législature, à l’exclusion de l’UDC, sous le titre « Pour plus de sécurité dans la ville », propose des Associations de consommateurs de cannabis comme modèle efficace de réglementation de l’accès au cannabis. Ce projet s’inscrit dans la tendance actuelle à la dépénalisation de la consommation du cannabis

La politique de prohibition remise en question

 

Le Rapport mondial sur les drogues 2013 de la Commission des stupéfiants de l’ONU fait état d’un mouvement contradictoire : la consommation mondiale de l’héroïne tend à baisser, celle de la cocaïne reste stable, et la consommation de cannabis chez les jeunes en Europe a baissé ces dix dernières années, alors que les nouvelles substances psychoactives (NSP), appelées aussi « drogues de synthèse » et autres psychotropes « euphorisants » se sont développées : leur nombre a doublé de 2009 à 2013 et leur consommation a proliféré de façon inquiétante. Déjà en 2011, le Rapport mondial reconnaissait que la lutte antidrogue menée depuis la Convention prohibitionniste de l’ONU signée en 1961 avait échoué, concluant alors «qu’il est urgent de réformer les politiques nationales et mondiales de contrôle des drogues». Plusieurs auteurs du rapport recommandaient la dépénalisation des drogues et la légalisation du cannabis. 

En effet, alors que l’alcool et le tabac restent un problème majeur de santé publique à cause de leurs effets sur la morbidité et la létalité, bien plus importants que les stupéfiants, la politique essentiellement répressive préconisée par les prohibitionnistes n’a jamais pu saisir plus de 45 % de la production mondiale de cocaïne, et 25 % de l’héroïne.

Le marché mondial des stupéfiants avec ses 300 milliards de dollars, reste aussi important que le marché des armes, alimentant de multiples réseaux mafieux sur la planète.

 

La dépénalisation gagne du terrain

Depuis le début janvier 2014, l’État du Colorado aux USA autorise la vente de marijuana. L’Uruguay a légalisé le cannabis en décembre 2013. Depuis 2006 en Espagne, la consommation de cannabis dans des espaces privés est autorisée et a donné naissance aux Cannabis social club, modèle qui émerge en France depuis 2012. Depuis les années 2000, le Canada reconnaît l’usage médical du cannabis, de même que seize états des États-Unis et quatre autres pays, dont les Pays-Bas. En Australie, l’État d’Australie méridionale et le territoire de Canberra, capitale australienne, ont autorisé la possession de faibles quantités de cannabis. 

D’une manière générale, les politiques répressives tendent à s’assouplir. Rappelons qu’en Suisse, suite à l’échec du projet de dépénalisation dans la révision de la loi sur les stupéfiants en 2004, les milieux concernés, y compris les professionnels de la santé, avaient dans leur grande majorité soutenu l’initiative pour la dépénalisation du cannabis en 2006, rejetée par le peuple en 2008. En matière d’addictions, la politique fédérale est restée contradictoire, avec la légalisation de certaines substances dangereuses d’un côté et d’un autre la répression indifférenciée pour des produits moins délétères pour la santé.

 

Un projet genevois très pragmatique

Après une réflexion centrée sur la sécurisation de l’espace public et la sécurité en général, la nécessité de maintenir la coordination de la politique dite des quatre piliers (réduction des risques, prévention, offre de soins et répression du trafic) et un rappel des expériences de contrôle de la consommation sous divers modèles, dans sa synthèse, le groupe « propose de tenter une expérience pilote à Genève et d’autoriser pendant trois ans la culture, la distribution et la consommation de cannabis et de ses produits dérivés comme le haschisch et l’huile, dans le cadre d’associations contrôlées et encadrées, s’inspirant des clubs sociaux connus ailleurs, notamment en Espagne ou encore en France ».

En insistant sur le fait que les modèles expérimentés dans d’autres pays n’ont pas entrainé une augmentation de la consommation ni du nombre des consom-mateurs·trices, le groupe propose de combiner cette approche avec une répression accrue du commerce de rue, pour limiter les effets criminogènes du marché ouvert.

Cette démarche a également été abordée lors des récentes Assises des Habitants des Pâquis, avec un appui des par-ti-cipant·e·s.

Le projet genevois devrait se coordonner avec d’autres grandes villes de Suisse comme Bâle et Zürich afin d’obtenir l’autorisation fédérale de dérogation à la loi pendant la durée de l’expérience. L’accent mis dans le texte du groupe interpartis sur la sécurité et la répression du marché ouvert pose problème : en absence de dépénalisation de la cocaïne et de l’héroïne, le marché ouvert restera actif, et la répression dans ce domaine a déjà montré ses limites.

A l’évidence, notre mouvement doit non seulement soutenir cette démarche mais poursuivre notre orientation axée sur la dépénalisation de toutes les drogues, contre l’hypocrisie et l’échec des mesures prohibitionnistes, en mettant l’accent sur les mesures préventives dans tous les domaines, éducatifs, sociaux, sanitaires, mais également sur le « bien vivre ensemble » en mettant un terme à un marché connu pour être depuis toujours aux mains de réseaux criminels. 

 

Gilles Godinat