FAIF

FAIF : Oui au financement du rail

Le 9 février prochain, la population suisse se prononcera sur le projet FAIF (Financement et aménagement de l’infrastructure ferroviaire), qui vise à assurer un financement durable et un plan stratégique pour l’entretien et le développement du réseau ferroviaire suisse. solidaritéS apporte son soutien à ce projet qui, bien que loin d’être idéal, représente une opportunité d’assurer le financement du rail dans la durée.

Les opposants au FAIF, issus des seuls rangs UDC, du lobby des camionneurs (ASTAG) et des importateurs de voitures (auto-suisse) sont emmenés par Walter Wobmann. Ce conseiller national UDC soleurois fut en son temps le fer de lance de l’initiative contre les minarets, et plus récemment de la fronde pro-bagnole contre l’augmentation de la vignette à 100 francs, avec les succès que l’on sait. Ce président de la Fédération motocycliste suisse est donc un habitué des campagnes bulldozer. En témoignent les affiches que l’on peut déjà voir fleurir dans nos rues contre le FAIF.

 

Un contre-projet acceptable

Ce projet, pourtant, n’a rien de révolutionnaire. Il fait suite à l’initiative populaire « Pour les transports publics » déposée en 2010 par l’Alliance pour les Transports Publics, menée par l’ATE (Association transports et environnement). L’initiative demandait que les recettes des taxes sur les carburants soient réparties de manière équitable (50 / 50) entre le rail et la route (contre 75 % pour la route et 25 % pour le rail aujourd’hui).

Les Chambres fédérales ont con­çu avec FAIF un contre-projet direct globalement équilibré qui apporte des solutions de financement pour le rail, mais en vidant l’essentiel du sens politique significatif de l’initiative originelle. Celle-ci pointait une voie d’avenir en demandant une forme de « péréquation écologique », en prenant de l’argent à la route pour le reverser au rail. L’initiative a toutefois été retirée, ses initiants jugeant le contre-projet (FAIF) acceptable. Nous ne voterons donc que sur ce seul objet.

 

Un financement assuré à long terme

Le FAIF prévoit la création d’un Fonds d’infrastructure ferroviaire (FIF) pérenne, qui dégagera 6,4 mil­liards pour le rail et pérennisera l’actuel Fonds pour les transports publics (FTP) (aujourd’hui limité dans le temps) qui tire ses revenus de la redevance sur le trafic des poids lourds (RPLP), de la TVA et de l’impôt sur les huiles minérales. Cette part (impôt sur les huiles minérales) cessera d’alimenter le fonds une fois les dettes de l’actuel FTP épongées. L’idée politique forte de l’initiative originelle (« subvention croisée » de la route vers le rail) a donc bel et bien été balayée, ce qui est regrettable.

 

TVA, cantons et pendulaires mis à contribution

Le nouveau FIF sera aussi financé par plusieurs sources : contributions supplémentaires des cantons (200 mio.), et pour-mille additionnel de la TVA (360 mio.). En effet, la hausse de 0,4 point de la TVA instaurée en 2010 pour assainir l’assurance-­invalidité devrait prendre fin en 2017. On en maintiendra 0,1 point pour le FIF, jusqu’en 2030. Le taux normal descendra donc de 8 % à 7,7 % (et non à 7,6 % comme c’était le cas avant 2010). Autre source : le plafonnement à 3000 francs maximum du montant déductible de l’impôt fédéral direct (IFD) pour les pendulaires (rappellons que l’abonnement général CFF 2e classe coûte 3550 francs). 

Seule une minorité (20 %) de pendulaires sera donc réellement concernée par ce plafonnement. Il s’agira surtout des automobilistes les plus « gourmands » en kilomètres… et les plus aisés (l’impôt fédéral direct concernant surtout les revenus élevés). Une source de financement plutôt bien ciblée qui rapportera 200 millions.

 

Pas de frein à la hausse des tarifs CFF

Autre source de financement : la hausse du prix du sillon, répercutée par les CFF sur les prix des billets. Deux tiers de cette augmentation ont déjà eu lieu début 2013, le dernier tiers étant déjà fixé pour 2017. Au lieu de freiner la tendance à la hausse des tarifs, le FAIF l’accompagne. Alors que les billets sont déjà prohibitifs pour une bonne partie de la population, décourageant souvent l’usage du train, de nouvelles hausses constituent un très mauvais signal.

 

Développement du rail

En sus des aspects financiers, le FAIF contient également un Programme stratégique de développement et d’entretien du réseau (PRODES). 

 

De nombreuses améliorations verront le jour, notamment en Suisse romande : 4 InterCity (2 étages) par heure entre Genève et Lausanne, extension de la gare Cornavin (le montant prévu de 790 millions ne couvrira toutefois pas la totalité des coûts de la variante souterraine désormais retenue), raccourcissement du temps de parcours Lausanne-Berne, garantie des capacités en trafic marchandises (Neuchâtel-Bienne notamment), amélioration générale de la sécurité et de l’entretien, etc.

 

Un soutien critique

Tout en appelant sans équivoque à voter OUI à ce projet, on ne pourra s’empêcher d’en regretter plusieurs aspects. D’une part, la contribution très minimale de la route : une véritable politique d’avenir de financement du rail devrait viser au contraire une contribution massive des taxes sur les carburants et de la vignette autoroutière, non seulement pour les investissements, l’entretien, mais aussi pour mieux maîtriser les tarifs CFF.

C’est sur cette question tarifaire bien sûr que l’on émettra le plus de réserves sur le FAIF : un projet d’une telle envergure aurait dû au minimum permettre d’enrayer la hausse des tarifs CFF, voire si possible de les baisser. Cela devra faire l’objet de batailles à l’avenir. En attendant, compte tenu des aspects largement positifs du paquet ficelé, et en dépit des critiques, c’est un OUI que nous glisserons dans l'urne le 9 février.

 

Thibault Schneeberger