Initiative de la «marche blanche»

Initiative de la «marche blanche» : Des interdictions professionnelles à vie?

S’il est indispensable d’affirmer que la problématique des dé-linquant·e·s sexuels doit être prise au sérieux et que des dispositions légales adaptées doivent être mises en place pour la gérer, il est également important de s’opposer à l’initiative fédérale à ce sujet, mise au vote le 18 mai prochain qui ne résout rien et s’apparente à une chasse au sorcière.

En effet, l’’initiative «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants» prévoit que :

Toute personne condamnée pour délit sexuel soit automatiquement privée à vie du droit d’exercer une activité professionnelle ou bénévole en contact avec des enfants?;

Cette interdiction vaut aussi pour tout mi­neur·e condamné pour un tel délit par un tribunal pour mineurs?;

Cette interdiction à vie est automatique dès la première condamnation et sans considération aucune de la gravité plus ou moins importante de l’infraction commise.

 

Automatique, définitive et non-proportionnée!

Cette initiative, avec son caractère automatique et définitif, part manifestement du principe que les délinquants sexuels sont dangereux pour toujours. Cette conception exclut toute possibilité de réhabilitation, ce qui est choquant en cas de pronostic psychiatrique favorable ou en cas d’infraction de peu de gravité.

De plus, la brutalité de cette initiative n’était pas compatible avec le principe de proportionnalité, qui s’applique en droit constitutionnel suisse. Le caractère définitif et automatique de l’interdiction d’activité professionnelle ou bénévole enfreint, quant à elle, l’art. 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Toutefois, il est évident que celui qui a commis un délit sexuel d’une certaine gravité à l’égard d’enfants ou de han­di­capé·e·s n’est pas réintégrable automatiquement dans un cadre professionnel lorsqu’il retrouve la liberté. Mais les réponses purement répressives (comme celle de l’initiative) sont inadéquates et conduisent à des sanctions non seulement inutilement brutales, mais également contre-productives.

 

Un «contre-projet» sévère et déjà en vigueur

Le Parlement fédéral, en décembre 2013, a voté une loi qui prévoit que le juge prononce, dans les cas de délits et crimes sexuels, des interdictions professionnelles, mais selon des distinctions et des durées différentes :

 

a Lorsqu’un délit est commis, le juge peut prononcer 1 à 10 ans d’interdiction?;

b S’il prononce une condamnation de plus de 6 mois de privation de liberté ou plus de 180 jours-amende, l’interdiction doit être prononcée pour 10 ans?; (les interdictions de 10 ans peuvent être prolongées ultérieurement par le juge de 5 ans en 5 ans, sur demande de l’autorité d’exécution des peines.)

c Dans les cas les plus graves, une interdiction à vie peut être prononcée.

 

Cette législation (contre-projet indirect), est fort sévère en comparaison internationale. On pourrait même se demander si elle n’est pas excessive. Dans tous les cas, elle constitue largement une réalisation des objectifs de l’initiative, tout en apportant des précisions, des nuances et des distinctions qui rendent ces interdictions professionnelles et d’activités davantage compatibles avec les impératifs élémentaires des droits humains. En conséquence, nous voterons NON à l’initiative pour une interdiction professionnelle à vie des pédophiles. 

 

Nils de Dardel