Déchets et recyclage

Déchets et recyclage : Des travailleurs en danger

C’est sous ce titre que le magazine de l’Institut syndical européen publie, dans sa revue « HesaMag » nº 9, un dossier sur un domaine d’activités prétendument « vertes ». Deux exemples, pris en Italie et en Grande-Bretagne, montrent clairement que derrière l’image positive du recyclage, et donc de la diminution de la pollution, règne une exploitation souvent sauvage et sanglante.

« Aujourd’hui, en Italie, le travail d’éboueur est plus pénible qu’autrefois: aux charges à porter, aux poussières, aux mouvements répétitifs, au risque biologique est venue s’ajouter une nette intensification du travail. Pour ne pas faire exploser les coûts du tri sélectif, imposé par les exigences de respect de l’environnement, les travailleurs ont été soumis à rude épreuve puisque leur nombre est resté inchangé alors que le travail à accomplir était au moins multiplié par quatre. Bien entendu la qualité du service s’en ressent.?» Le tableau des conditions de travail des éboueurs dressé par Massimo Cenciotti, responsable national du secteur de l’hygiène environnementale pour le syndicat des travailleurs des services publics de la CGIL, n’a rien de réjouissant.

 

Le coût de l’austérité

«On observe une augmentation des risques et une aggravation des conditions de travail», poursuit-il. «En 2011, le syndicat a recensé 12 décès sur le lieu de travail, un fait inimaginable il y a encore quelques années. Les causes sont la parcellisation du travail, l’augmentation des rythmes et les mouvements répétitifs. Le travailleur se cogne, trébuche, tombe, charge et décharge continuellement. Les déchets sont lourds. La tournée de collecte en porte-à-porte peut s’étendre jusqu’à 600 points différents et l’on arrive ainsi à 1200 sacs ou poubelles par tournée. Aujourd’hui, les éboueurs sont furieux. Réaliser le tri sélectif des déchets en dépensant le même budget qu’autrefois revient à dégrader fortement les conditions de travail et à mettre en danger la santé des travailleurs, sans que les services publics de prévention interviennent. »

Le secteur de la collecte des déchets solides urbains (DSU) comprend 90 000 travailleurs parmi lesquels en moyenne 75 % travaillent dans les rues, soit 67 500 travailleurs, dont 15 % sont des femmes. Le secteur compte environ 600 entreprises, publiques et privées. Les entreprises publiques emploient 60 % des travailleurs du secteur, contre 40 % pour le privé. Il s’agit d’un monde très diversifié et complexe, avec un poids important des ser­vices en sous-­traitance, où la prévention est souvent oubliée, ce qui a des répercussions sur la sécurité et la santé des travailleurs. Les statistiques de l’Institut national d’assurance contre les accidents du travail et les mala­dies professionnelles sont éloquentes : entre 2009 et 2011, en moyenne, chaque an­née, 133 balayeurs sur 1000 ont eu un acci­dent?; un taux cinq fois supérieur à celui du total des secteurs.

 

Royaume-Uni: attention travaux dangereux

Il ne fait aucun doute que le recyclage des déchets constitue au Royaume-Uni un travail dangereux. Au cours de ces neuf dernières années, les chiffres officiels montrent que 83 travailleurs ont été tués, souvent en déplaçant des véhicules ou des équipements […]. En 2012-2013, douze personnes ont péri, un chiffre 16 fois supérieur à la moyenne de l’ensemble des secteurs d’activité au Royaume-Uni, selon l’inspection du travail.

Chaque année, plus de 3000 travailleurs de l’industrie du recyclage et des déchets sont blessés, un taux quatre fois supérieur à la moyenne de l’ensemble des secteurs. […]

Au moins 140 000 personnes travaillent dans le secteur des déchets et du recyclage, ce qui correspond à moins d’un pour cent de la population active du Royaume-Uni. Pourtant, le secteur représente près de 3 % de l’ensemble des accidents du travail répertoriés. Le secteur a connu une croissance de près de 5 % entre 2012 et 2013 et les autorités, centrales comme locales, s’efforcent de recycler plus de 75 millions de tonnes de déchets produits chaque année afin de respecter les objectifs européens de réduction des quantités mises en décharge.

Les travailleurs du secteur du recyclage sont également confrontés à des risques insidieux, à long terme, provenant des poussières, des métaux toxiques et des infections auxquels ils peuvent être exposés.

Les expositions au plomb, au mercure et à d’autres métaux dangereux dans les installations qui recyclent les déchets de ferraille et les déchets électriques «peuvent être suffisantes pour présenter un caractère toxique», avertissent les auteurs [d’une étude de l’Institut de médecine du travail d’Edimbourg de 2012, réd.] Par ailleurs, « les travailleurs qui sont en contact direct avec les déchets courent potentiellement un risque d’infection en raison de la présence de déchets tels que des aiguilles et des couches jetables».

« La mobilité de la main-d’œuvre et le laps de temps important qui s’écoule avant qu’une maladie respiratoire grave puisse se développer signifient qu’il peut exister une problématique cachée en matière de santé associée au fait de travailler dans le secteur des déchets et du recyclage», préviennent les auteurs de l’étude. […]

Hilda Palmer, qui préside actuellement la campagne britannique contre les accidents du travail, estime que les véritables dommages causés par le secteur seraient encore pires que ce que les statistiques officielles laissent penser, parce que de nombreux accidents et maladies ne sont pas signalés. «Le secteur dissimule des activités criminelles, en n’hésitant pas à payer au noir des travailleurs vulnérables pour des activités de démolition et de ferraillage pour lesquelles les accidents et les maladies ne sont pas signalés» […]

 

Sélection, coupures et intertitres de la rédaction