Crèches et petite enfance: sexisme ou loi... commune?
Crèches et petite enfance: sexisme ou loi… commune?
Le gouvernement genevois propose une loi insatisfaisante et lacunaire sur la prise en charge de la petite enfance. Nous publions un résumé de la prise de position de lAlliance de Gauche, défendue lors du débat au Grand-Conseil du 22 mars par notre camarade Nicole Lavanchy, qui suivra ce dossier en commission parlementaire.
Ce projet aborde le thème sensible de la prise en charge préscolaire des enfants dans les crèches, jardins denfants ou par des familles daccueil. Il y a en la matière un manque chronique de places auquel il faut une solution.
Dans ces débats, on entendra, den face, des discours sexistes: «Les mères qui travaillent nont quà retourner à leur fourneau. Cest leur responsabilité déduquer leurs enfants, lEtat na pas à se substituer aux parents. Cest la seule manière pour résorber la violence de jeunes » A ces inepties, joppose ces arguments:
- Développer une politique de la petite enfance, et plus largement une politique de la famille, tenant compte des souhaits et besoins non identiques de toutes les familles, est du devoir de lEtat.
- Certaines familles souhaiteraient partager tâches ménagères et éducatives entre parents. Encore faudrait-il que le marché de lemploi permette le temps partiel pour les hommes, ce qui nest de loin pas le cas aujourdhui!
- De manière plus traditionnelle, certaines familles souhaiteraient que la mère reste au foyer. Or les salaires pratiqués à Genève dans la plupart des branches, obligent les deux parents à travailler.
- Dautres familles, dun niveau de revenus plus élevé, souhaitent socialiser leurs petits enfants et les inscrivent ainsi dans les crèches.
- Quant aux familles monoparentales, elles nont en général pas le choix. Les mères, parce que cest encore trop souvent aux femmes séparées dassumer la prise en charge des enfants, doivent travailler trop souvent pour des salaires dérisoires!
Ces exemples montrent quune politique de la petite enfance et de la famille, doit offrir des solutions variées équitables qui, pour être cohérentes et efficaces, ne peuvent dépendre des seules communes. Ils coupent court aussi au simpliste «retour de la mère au foyer!» Le Canton doit prendre linitiative.
Quant à largument liant montée de la violence non prouvée des jeunes et irresponsabilité des parents, je lui oppose un exemple du psychiatre et éthologue Boris Cyrulnik. Le public dun zoo, voyant une lionne maltraiter son petit, sécrie: quelle mauvaise mère! Or, il oublie que la lionne vit dans un espace restreint, grillagé, isolée de ses pairs, bref dans un milieu hostile. Cyrulnik demande: qui est violent? La lionne qui maltraite son petit ou lenvironnement dans lequel elle vit? Sa métaphore montre quun environnement social pathogène est facteur de violence!
Dans notre cas, ne pas développer une politique de la petite enfance, à lécoute et respectueuse des besoins de chacun-e, revient à prendre la responsabilité politique de la rupture des liens sociaux et de la violence quelle engendrera. Voilà sur le fond. Jen viens maintenant plus particulièrement au projet du Conseil dEtat.
Un projet de loi caviardé
Il a été élaboré sur la base des travaux de la Commission cantonale de la petite enfance. Les syndicats, associations de parents, lassociation des communes et les directions des crèches qui y siègent, ont rendu fin 2002 au Conseil dEtat un avant-projet de loi, consensus issu dune longue discussion. Pour nous, cet avant-projet, certes encore lacunaire, posait des jalons prometteurs…
Or les principaux aspects novateurs de lavant-projet napparaissent plus dans la version du Conseil dEtat. Des articles ont été modifiés ou supprimés. Trois thèmes essentiels ont été jetés à la corbeille!
Rôle des communes: Lavant-projet incitait les communes ayant peu développé de structures, à le faire. Ces dispositions ont été supprimées, le Conseil dEtat acceptant que perdure pour la population linégalité daccès aux structures daccueil. Lart. 4 de lavant-projet enjoignait aux communes détablir «sur la base des données fournies par le Canton, une planification tentant de couvrir les besoins». Cet alinéa capital est par exemple supprimé. A lart. 5, on trouvait que: «lorsquun enfant est accueilli dans une structure daccueil située dans une autre commune que celle de son domicile légal, la commune du lieu de la structure daccueil facture le prix coûtant de la journée, sous déduction de la subvention cantonale, à la commune de domicile de lenfant.» Cet alinéa a été supprimé. A lart. 6, lavant projet disposait que: «la participation financière des parents est harmonisée sur le plan cantonal, fondant ainsi une équité de traitement dune structure à lautre.» Cet alinéa a été biffé…
A lévidence, le lobbying des communes a joué un rôle important pour supprimer ces points. Cest inacceptable, alors que lassociation des communes avait déjà deux représentants dans la Commission.
Conditions de travail des employé-e-s des crèches: On le sait, la Ville et les syndicats ont signé une convention qui permet dassurer des conditions acceptables aux salarié-e-s. Lavant-projet de loi proposait de lier le subventionnement des structures à lapplication dune convention au niveau du Canton. Or le Conseil dEtat laisse aux communes le pouvoir de négocier les CCT, refondant une inégalité de traitement des salarié-e-s dune commune à lautre.
Enfin, le dernier thème traite des conditions offertes aux familles daccueil. Lavant-projet proposait de salarier les «mamans de jour». Il nen est plus question. Le Conseil dEtat se contente, comme aujourdhui, détablir un contrat-cadre régissant le statut des familles daccueil!
En conclusion: le Conseil dEtat a dénaturé le résultat du travail de la Commission de la petite enfance, socle minimum pour développer une politique de la petite enfance et de la famille, digne de ce nom. Cest pourquoi nous travaillerons en commission afin de tenter de restituer les orientations initiales de lavant-projet!
Nicole LAVANCHY