Ecosse
Ecosse : Indépendance et justice sociale au coeur d'une campagne de masse
A la veille du vote des Ecossais·e·s sur l’indépendance, nous publions des extraits d’une entretien avec Alister Black, rédacteur de la revue marxiste indépendante écossaise Frontline, membre du Scottish Socialist Party et militant de la Radical Independence Campaign (RIC).
Quelle est ton évaluation de la situation à l’approche du scrutin ?
L’écart se réduit et chaque jour on semble plus près du oui dans les urnes. La Radical Independence Campaign a fait campagne dans les zones ouvrières où le soutien au oui est le plus fort. On fait inscrire des centaines de votant·e·s sur les registres électoraux.
Ces temps, on assiste à un énorme enthousiasme pour le oui parmi les plus pauvres et les groupes les plus exclus. Ils voient la possibilité d’une société plus juste se dessiner dans le cadre d’une Ecosse indépendante. Beaucoup d’Ecossais·e·s commencent pour la première fois à se sentir acteurs sociaux et à penser pouvoir contrôler l’avenir de notre société. C’est un sentiment contagieux. […]
Pourquoi l’écart entre les camps s’est-il autant réduit ? Si le oui l’emporte, quelles en auront été les raisons principales ?
Une combinaison de deux facteurs. D’abord la campagne négative de Better Together (BT) a été contestée et décrédibilisée ces derniers mois. BT avait même nommé sa campagne Project Fear (le projet de la peur). Mais leur campagne de peur concernant les emplois, les pensions, la monnaie, etc. a été complètement démentie. Deuxièmement, la campagne du oui a été une vraie campagne massive de base sur le terrain, dépassant largement les limites du Parti nationaliste écossais (SNP) et des nationalistes traditionnels. Elle a mobilisé dans toutes les collectivités et a largement amené le débat dans les rues et de porte en porte. […] Les arguments les plus convaincants ont porté sur la justice sociale, la défense du Service de santé national (NHS) et la mise au rebut de l’arsenal nucléaire Trident. Les arguments « ethniques » et les questions historiques ont été presque absents de la campagne.
On est frappé par la politisation induite par la campagne référendaire. Quelle a été la profondeur de cet impact ?
Ce à quoi l’on a assisté, c’est l’esprit démocratique en action. La campagne a conduit à une explosion du débat sur tous les aspects de la vie. Ça a été une inspiration pour des milliers de gens dont beaucoup n’avaient jamais fait de politique avant. Chacun·e parle de politique, de l’avenir de notre société, et de sa collectivité, dans les magasins, au travail, où sur les réseaux sociaux. […]
Dans quelles parties de la société écossaise et dans quelles régions le sentiment indépendantiste est-il le plus fort ? Pourquoi ?
La campagne a eu le plus d’impact parmi ceux qui ont le plus souffert du thatchérisme, du triomphe du néolibéralisme et de l’austérité. Dans les communautés ouvrières où les gens ont des souvenirs amers de la grève des mineurs et de la Poll tax, le soutien à l’indépendance a été fort. On y a vu des milliers de gens s’inscrire pour voter et il y a des communautés de ce type dans toute l’Ecosse. On a le sentiment que les secteurs les plus aliénés et privés de droits vont faire entendre leur voix et qu’ils cesseront d’être silencieux à l’avenir.
Un des points forts de la champagne du oui porte sur les économies à réaliser en éliminant les sous-marins nucléaires Trident et leurs bases en Ecosse. Mais quel débat y a-t-il sur la politique de défense d’une Ecosse indépendante ?
La gauche a été critique par rapport à la décision du SNP de revenir sur sa volonté de quitter l’OTAN. Cette décision a conduit deux députés du SNP à démissionner de leur parti, tous les deux ont fait campagne avec la RIC et participé à des meetings du SSP à travers le pays.
A quel scénario politique conduirait une victoire du oui, en Ecosse et en Grande Bretagne ?
Ce serait un tremblement de terre politique en Ecosse comme en Grande-Bretagne, à commencer par les deux ans avant qu’on n’achève la négociation et qu’on quitte officiellement le Royaume-Uni. Pour l’Ecosse, c’est une occasion de travailler à une société moderne plus juste, basée sur le principe de la solidarité, qui utilise ses richesses pour s’attaquer à la pauvreté. Rien de tout ceci ne nous sera donné, cela demandera un engagement démocratique de tous ceux qui ont fait campagne pour le oui depuis deux ans. Pour la Grande-Bretagne on espère que cet exemple positif démontrera qu’il est possible de changer les choses. […]
Alister Black
Entretien mis en ligne le 10.9.14 sur le site du Green Left Weekly australien. Titre, traduction et coupes de notre rédaction.