États-Unis

États-Unis : Échec d'Obama, victoire conservatrice, signes d'espoir à Gauche

Le fait que le président Obama et le parti démocrate n’aient pas mené combat sur nombre des sujets sociaux majeurs – salaires et emploi, droits civiques des Afro-américains, immigration, droits des syndicats, environnement… – a conduit à une victoire massive du Parti républicain et à une défaite écrasante des démocrates lors des élections de mi-mandat en novembre. Mais il y a aussi eu quelques succès pour la gauche.

La participation à son plus bas niveau depuis 1942, soit 36,6 % indique combien le peuple étasunien se sent étranger au processus politique, aux politiciens et aux principaux partis. Nombre des groupes ayant porté Obama à la présidence il y a six ans ont décidé de ne pas aller voter : les jeunes, les Latinos, les Afro-américains, les femmes et les électeurs sans parti. Les républicains prennent désormais le contrôle du Sénat avec 55 des leurs contre 45 démocrates et accroissent leur domination à la Chambre avec 243 républicains, face à 178 démocrates. Les républicains ont 31 gouverneurs d’Etat, les démocrates en ont juste 17.

Démocrates et indépendants ont été désillusionnés. Après avoir fait campagne à l’enseigne de l’«espoir» et du «changement», Obama s’est révélé être un président de la haute finance et des gros milieux d’affaires. Il a sauvé les banques en 2008, mais son faible plan de relance n’a pas réussi à raviver l’économie, ni à fournir des emplois aux millions de chômeurs, de travailleurs découragés et à ceux qui doivent cumuler plusieurs emplois à temps partiel mal payés. Sa seule réalisation majeure, l’Obamacare, un plan d’assurance maladie écrit par les compagnies du secteur des assurances, de la santé et des pharmas, a apporté une couverture maladie à beaucoup, mais a laissé des millions d’autres sur le carreau et n’a pas permis d’endiguer les coûts croissants de la santé.

La victoire républicaine a été plus le produit des frustrations entraînées par l’ensemble du système politique qu’une approbation de l’idéologie ou du programme dudit parti. Il n’y a pas eu une vague en faveur des républicains et des politiques de droite, mais plutôt une énorme déception et un mécontentement par rapport à Obama. Mais ces résultats augmenteront pour l’heure le pouvoir des conservateurs, déplaçant tout le spectre politique vers la droite, en renforçant et en légitimant les politiciens de droite et leurs attitudes racistes, sexistes, favorables aux milieux d’affaires et hostiles aux sa­la­rié·e·s, dans les médias, en politique et dans la société en général. On ne peut que s’attendre à plus de racisme blanc, de brutalité et d’impunité policières, de criminalisation des jeunes, de lois de restriction de l’accès au vote, de mesures de fermetures de cliniques pratiquant l’avortement, etc.

 

 

Espoirs à gauche

 

Ces dernières années des can­di­dat·e·s issus des syndicats et de la gauche sont réapparus sur le radar national, le plus spectaculairement lors de la victoire de Kshama Sawant en 2011 au Conseil de Ville de Seattle. Le principal chalengeur à gauche dans cette élection-ci, Howie Hawkins, candidat du parti des Verts au poste de gouverneur de l’Etat de New York et partisan ouvert du socialisme, a engrangé 166 822 votes, soit 4,78 % du total. Un progrès remarquable par rapport aux 60 000 votes qu’il a reçus en 2010. Hawkins a été appuyé par quelques clubs démocrates locaux et par des syndicats d’enseignants de même niveau, montrant que lui et son parti peuvent attirer des secteurs de la gauche du parti démocrate. Dans l’Ohio, la candidate Verte au poste de gouverneur, Anita Rios, a réuni 99 174 suffrages, soit 3,3 %.

Dans l’élection au poste de shérif dans le Milwaukee, l’ancienne conductrice de bus, représentante syndicale et socialiste indépendante Angela Walker, candidate pour la première fois, est arrivée en seconde place avec 67 346 voix derrière le vainqueur David Clarke (261 489 voix). Ainsi lors de sa première tentative Walker a fait 20 % des voix et ce n’était pas une candidate typique au poste de shérif, réclamant le renforcement de la police, au contraire. A Seattle, Jess Spear, le candidat de Socialist Alternative, qui a fait campagne pour le législatif de l’Etat sur une plateforme de contrôle des loyers, a obtenu 17 % des voix.

Dans quatre Etats, l’Alaska, l’Arkansas, le Nebraska et le Dakota du Sud, les vo­tants·e·s ont fait passer des augmentations du salaire minimum. Le salaire minimum fédéral est de 7,75 $ de l’heure, ce qui ne permet pas de vivre. A San Francisco, les vo­tant·e·s ont adopté une hausse de salaire minimum le conduisant à 15 $ de l’heure. L’Etat du Massachusetts a approuvé une loi prévoyant des jours de maladie payés pour ses sa­larié·e·s.

Il y a eu aussi quelques victoires pour les femmes : dans le Colorado et au Dakota du Nord, elles continueront à pouvoir prendre leurs propres décisions sur l’avortement suite à la défaite d’amendements anti-choix. Et le corps électoral de l’Oregon a adopté un amendement en faveur des droits égaux pour les femmes, qui avait échoué sur le plan national dans les années 1970.

 

 

Elections, syndicats et mouvements

 

La centrale syndicale AFL-CIO, comme les principales organisations afro-américaines, latino, de femmes et LGBT continuent à soutenir le parti démocrate, pensant qu’elles auront plus d’influence avec les démocrates qu’avec les républicains. La plupart des sa­larié·e·s étasuniens ne partagent pas cette confiance, comme le montre le niveau élevé d’abstention et de votes en faveur de candidats républicains. La tâche de la gauche reste la construction de mouvements sociaux et de travailleurs indépendants qui peuvent aussi exercer une influence politique propre. Le malaise économique persistant et la probabilité de crises économiques récurrentes, combinées aux attaques continues contre les programmes sociaux, fournissent la base pour la construction de tels mouvements, soutenant des campagnes comme celles de Sawant et Hawkins, sur le chemin d’une riposte politique plus large et plus puissante, qui soit indépendante des deux partis principaux favorables au patronat. 

 

Dan La Botz